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La niña de fuego, une magie de Carlos Vermut

par Jacques Moulins
Barbara Lennie, Goya de la meilleure actrice pour son interprétation dans La nina de fuego. DR
Barbara Lennie, Goya de la meilleure actrice pour son interprétation dans La nina de fuego. DR
Cinéma Film Publié le 12/08/2015
Avec son second film Magical girl (en français La niña de fuego), Carlos Vermut confirme l’inventivité d’un jeune cinéma espagnol qui ne nie pas ses origines. La niña de fuego a reçu le Grand prix du festival de San Sebastian et l’actrice Barbara Lennie le Goya de la meilleure actrice.

Il y a, dans la culture espagnole, cet art de raconter des histoires les deux pieds plantés dans la réalité, tout en laissant le rêve s’envoler. Le rêve, le fantasme et souvent le cauchemar. Le mystère, l’inavouable, le border line font en fait partie de la réalité. Et fournissent les intrigues les plus haletantes. La maladie, la mort, le sexe, le dénuement financier ou moral, non dans leur « normalité » mais dans leurs excès, sont les ingrédients infinis de ces histoires. Carlos Vermut, qui affiche cette année ses 35 ans, ose les employer tous en même temps dans son deuxième long-métrage La niña de fuego.

Pour réussir un tel exploit, il faut une savante construction narrative et des images tout aussi étudiées. Carlos Vermut choisit d’écrire trois histoires différentes, qui au début s’ensuivent abruptement pour ensuite se mêler et résoudre une énigme en laissant le spectateur bien préoccupé à la sortie de la salle obscure. Car de minuscules faits, un carnet intime non verrouillé, la pièce manquante d’un puzzle, une mauvaise conversion des yens en euros, peuvent tout aussi bien renverser l’interprétation.

 

Le réalisme des situations est d’abord assuré par la façon magique de filmer le décor le plus quotidien, un appartement, le café du coin, la rue, les vêtements des personnages. Cette réalité retravaillée, quasi sublimée dans sa banalité, l’intrigue peut se dérouler. L’enfant leucémique, la jeune femme sortie de l’hôpital psychiatrique, le prisonnier modèle, le psychiatre dominateur, l’enseignant licencié par la crise économique, tous ces personnages vont s’emballer autour de la fille de feu, la niña de fuego. Et bien sûr, s’y brûler. Pas de psychologie, pas de pathos, pas même de plainte. Le jeu sobre des acteurs, particulièrement celui de Barbara Lennie ou du professeur de mathématiques José Sacristan, renforce ce réalisme brut, humanisé par des répliques décalées, qui introduisent l’humour et le cocasse dans un fond plutôt dur. Ce qui permet d’éviter tous ces jeux, gestes et mots sensés « faire vrai » si chers au cinéma français.

 

Le banal et le fantasmé. C’est par cette contradiction exacerbée entre le banal et le fantasmé, contradiction vitale et latine dira un personnage, que le film se fait œuvre d’art. Les maîtres espagnols du septième art, depuis Buñuel, n’ont pas à rougir de la jeune génération. Carlos Vermut est leur disciple. Almodovar ne s’y est pas trompé qui salue le film comme « la révélation espagnole de ce siècle ». On retrouve d’ailleurs sa façon de filmer la rue et les intérieurs des foyers de classes moyennes, sa construction du thriller, la réplique ou la scène qui introduit un sourire dans un fond assez macabre, son obsession de la sexualité. Mais si Carlos Vermut emprunte à ses prédécesseurs qui ont fait le cinéma espagnol, il construit son propre parcours, depuis son premier film en 2011 Diamond Flash. En inscrivant ce nouveau film dans la crise économique et sociale qui frappe des métiers jadis protégés de l’Europe du sud (dans ce film, un enseignant qui se retrouve au chômage). Mais surtout en déclinant une esthétique propre dans une filiation assumée.

 

La niña de fuego, de Carlos Vermut (Titre original Magical girl). Avec Barbara Lennie, Luis Bermejo, José Sacristan. Sortie le 12 août. Grand prix du festival de San Sabastian. Goya de la meilleure actrice pour Barbara Lennie.

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