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Baru,  » j’ai voulu dessiner pour mettre le dessin au rang de l’art »

par Véronique Giraud
Le dessinateur Baru DR
Le dessinateur Baru DR
Livre BD Publié le 27/01/2010

Vous avez acquis une notoriété en 1984 avec Quéquette Blues qui explore l'adolescence d’une bande de copains dans une cité ouvrière. Pourquoi situer vos histoires dans les années 60 ?

Toutes mes histoires ne se situent pas dans cette période. Mon album Les Années Spoutnik se situe dans les années 50, et d’autres dans le monde contemporain. Avant tout, j’ai voulu dessiner pour mettre le dessin au rang de l’art. Et pour mettre les miens en avant. Avec Quéquette Blues, il s’agit d’un portrait de groupe. A ce moment dans la BD, personne ne parlait du monde ouvrier. On ne savait pas d’où venaient les personnages de BD, ils véhiculaient seulement une pensée bourgeoise dominante. Je me suis opposé à ça. Mes personnages sont déterminés par ce qu’ils sont. C’est un projet délibéré. Une des questions centrales de ma BD, c’est la question de l’immigration, c’est cette question qui me touche.

Aujourd’hui, on a tendance à dire que l’immigration italienne est le paragon de l’immigration réussie. Né de père italien, je sais que le prix à payer a été fort. La question que je me pose est : pourquoi les Africains ne sont pas intégrés. Je m’oppose à cette idée que leur culture en serait le frein. La seule chose qui a changé, c’est la disparition du travail. Toute ma BD est construite là-dessus. Une de mes histoires débute avec un haut-fourneau qu’on abat. Je ne suis pas nostalgique. Ce qui m’intéresse c’est de mettre en parallèle le monde ouvrier avec ce qui se passe aujourd’hui dans la société. Les manifestations d’entraide, de solidarité.

 

Et l’école ?

Dans ma vie, l’école a eu une grande importance. J’y ai acquis des outils qui m’ont permis de faire des études. Elle m’a aussi posé beaucoup de problèmes. En tant que fils d’immigré, je me souviens de la honte que je ressentais. J’étais un bon élève, peu discipliné, mais avec d’excellents résultats.Et, de toute la bande de copains, j’avais les meilleurs résultats. Je fais partie de la petite frange de ma génération et de ma condition à avoir fait des études supérieures. Pour moi, l ‘école a un rôle essentiel. Je suis un enfant de l’école publique et laïque.

 

Né dans une famille ouvrière et communiste du bassin minier de Lorraine, considérez-vous que vous faites une BD engagée ?

Non. J’ai beaucoup de respect pour les gens qui s’engagent moralement, physiquement, tous ceux qui luttent contre une dictature. Je ne suis pas dans ce registre. Par contre, ce que je propose, ce que j’exprime c’est un point de vue. Je ne peux pas dire que j’ai une approche militante, c’est encore autre chose. Ce qui m’intéresse c’est la manière dont marche le monde. De là où je suis j’exprime un point de vue. Et la BD m’autorise à cela. L’acte de lecture c’est une expérience du monde.

 

Vos personnages ne sont pas des super héros, ils ont les deux pieds dans le monde ouvrier. Le cadre très réaliste du quartier et les dialogues sans fard construisent un décalage avec le monde d’aujourd’hui.

Oui, c’est paradoxal. Je suis un raconteur d’histoires. La voix off, dans certaines de mes BD, est là pour montrer que je ne me situe pas au-dessus, je suis de ça, moi Baru. Ma famille, mes copains. Lorsque je veux traduire l’émotion de mes personnages, je les transforme, je les déforme. Et, en contrepoint, le cadre très réaliste de mes planches est là pour ramener le lecteur dans le réel. Je veux générer plus de vérité que dans un simple récit.

 

Grand Prix 2010 du festival international d’Angoulême et cette année président, c’est la consécration ?

Oui. Le festival d’Angoulême est un événement. Il a une fonction. Il ramène la BD à l’actualité, permet que la presse en parle. Au fil des éditions, il permet un repérage et une distinction des différents ouvrages.

 

 

Bio

Hervé Baruléa est né en 1947 d'une mère française d'origine bretonne et d'un père italien. Après un bac scientifique, il enseigne l'éducation physique puis s'aventure dans une carrière de dessinateur sous le nom de Baru. Il trouve l'inspiration dans son histoire personnelle, ses années d'adolescence passées en France, ou encore ses voyages aux quatre coins du monde. En 1984, paraît son premier album Quéquette Blues, récit partiellement autobiographique de la vie quotidienne des enfants issus de la classe ouvrière française. Après La piscine de Micheville, puis les volumes 2 et 3 des Quéquette Blues, il réalise pour L'Echo des Savanes Cours camarade, puis Le chemin de l'Amérique. En 1995, il prend véritablement son envol avec L'Autoroute du Soleil. Suivent de nombreux succès, Sur la route encore, Bonne année, Les Années Spoutnik et L'Enragé.

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