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« Belle d’hier » : Phia Ménard enchanteresse

par Véronique Giraud
Arts vivants Performance Publié le 07/10/2015
Il fallait l’audace folle de Phia Ménard pour inventer Belle d’hier. La chorégraphe ne se contente pas d’asséner un coup fatal au mythe du prince charmant, elle crée son langage. Un acte d’auteure présenté au Théâtre de la Ville du 3 au 9 octobre, puis dans plusieurs villes en France.

Phia Ménard a cherché au plus profond d'elle-même, et finalement trouvé, une grammaire personnelle pour dire sur scène son impitoyable ambition : "ranger l'humanité". Cela semble démesuré ? Belle d'hier est bien une pièce de la démesure. Mais Phia Ménard peut aussi la dire autrement : « casser le mythe du prince charmant ». Ces mots veulent dire la même chose. Elle les répète implacablement tout au long de la pièce grâce au langage chorégraphique. Un langage singulièrement enrichi : son vocabulaire est très complexe, invisible de la salle, nourri de l'art du cirque que l'artiste a longtemps pratiqué.

Phia Ménard invente des choses à voir : cinq danseuses en combinaison intégrale trainent des géants, d'une chambre froide jusqu'au plateau, dès lors transformé en forêt de hautes silhouettes fantomatiques. Celles-ci s’affaissent lentement pour revenir à leur état originel : de longues bandes de tissus. Ces tissus vont occuper les gestes et les pas des danseuses. Ils seront rassemblés, allongés, disposés sur des câbles sur lesquels ils s’égoutteront et, sagement alignés, formeront un rideau de gouttes étincelant. Sortis des câbles pour être dépliés, mouillés, ils seront mis dans des seaux, lancés violemment avec leur eau, rassemblés dans de grandes bassines pour être piétinés, puis à nouveau sortis, mis en tas et battus à coups de bâtons. En silence. Ou presque. On perçoit le souffle des danseuses au rythme de l’effort accompli. Une création sonore, très réussie, vient emplir parfois le vide.

Une déclaration universelle. L’invention est effrayante, inhabituelle. Elle vient du plus profond de l’auteur, puise dans les abîmes de l’humanité. En naissent pourtant, et c’est l’incroyable force de Phia Ménard, de magnifiques images. Inédits tableaux à l’échelle de la scène. Sans mélancolie ni aridité. La forêt de géants, les longs morceaux de tissus s’égouttant sur la scène, les seaux alignés, la grotte rougeoyante… Autant d’images qui persistent après que la lumière est revenue dans la salle et plus longtemps encore.

Premier opus d’un nouveau cycle, Belle d’Hier est une pièce de l’eau. L’eau transformée en glace. La glace qui fond, les gouttes qui s’écoulent, l'eau qui gicle… Comme dans ses précédentes créations de la chorégraphe, l'élément se transforme de multiples façons tant sous les effets de la température que par l'action des danseuses.

Finalement, casser du mythe, "ranger l’humanité" est jubilatoire. Il faut s'être laissé emporter par les iaages folles, l'énergie des danseuses, pour comprendre enfin pourquoi cette pièce, comme le dit encore Phia Ménard, est "une déclaration d'amour aux femmes". Une humanité au féminin, qui se proclame elle aussi universelle.

 

Belle d'hier - Idée originale et scénographie : Phia Ménard - Dramaturgie et mise en scène : Phia Ménard et Jean-Luc Beaujault - Composition sonore et régie son : Ivan Roussel - Création et interprétation : Isabelle Bats, Cécile Cozzolino, Géraldine Pochon, Marlène Rostaing, Jeanne Vallauri - Production exécutive : Compagnie Non Nova - Création les 26 et 27 juin à l'Opéra Comédie de Montpellier au Festival International Montpellier Danse.

Quelques dates de tournée : du 3 au 9 octobre 2015, Théâtre de la Ville de Paris ; du 3 au 6 novembre, Le Lieu Unique scène nationale de Nantes ; les 18 et 19 novembre, le Théâtre scène nationale de Saint-Nazaire ; les 24 et 25 novembre, Espace Malraux scène nationale de Chambéry ; 3 et 4 décembre, Le Cratère scène nationale d'Alès ; 13 et 14 janvier 2016, Le Carré scène nationale de Chateau-Gontier ; 21 et 22 janvier 2016, Théâtre de Cornouailles scène nationale de Quimper…

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