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« Le Bec en l’air » fait dialoguer l’écriture et la photographie

par Véronique Giraud
Bruno Boudjelal - photo de la série
Bruno Boudjelal - photo de la série "Circulations" - ©Bruno Boudjelal / VU
Bruno Boudjelal - photo de la série
Bruno Boudjelal - photo de la série "Circulations" - ©Bruno Boudjelal / VU
Bruno Boudjelal - photo de la série
Bruno Boudjelal - photo de la série "Circulations" - ©Bruno Boudjelal / VU
Bruno Boudjelal - photo de la série
Bruno Boudjelal - photo de la série "Frantz Fanon" - ©Bruno Boudjelal / VU
Bruno Boudjelal - photo de la série
Bruno Boudjelal - photo de la série "Frantz Fanon" - ©Bruno Boudjelal / VU
Le Bec en l'air a reçu le Prix Nadar 2015 avec l'ouvrage de Bruno Boudjelal
Le Bec en l'air a reçu le Prix Nadar 2015 avec l'ouvrage de Bruno Boudjelal "Algérie, clos comme on ferme un livre?".DR
Livre Livre d'Art Publié le 05/11/2015
L'éditeur "le Bec en l’air" vient d’être récompensé par le Prix Nadar 2015, attribué à l’ouvrage du photographe Bruno Boudjelal "Algérie, clos comme on ferme un livre ?", Fabienne Pavia, fondatrice de cette maison indépendante dédiée aux beaux livres, revient sur son concept.

Fabienne Pavia était journaliste quand, en 1999, elle fonde la maison d’édition Le Bec en l’air à Manosque, puis l’installe il y a cinq ans à Marseille, dans la Friche de la Belle de mai. Dès le départ, s'impose la volonté de se spécialiser dans le beau livre, avec un focus particulier sur la photographie et son dialogue avec le texte. Un dialogue évident pour celle qui a travaillé pour des magazines de reportages et de voyages et, de ce fait, souvent collaboré avec des photographes. En devenant éditrice, Fabienne Pavia a eu envie de rapprocher ces deux sphères d’écriture très cloisonnées, celle des mots et celle des photos, des écrivains et des photographes. L’un des ouvrages édités par le Bec en l’air Algérie, clos comme on ferme un livre ? vient de recevoir le prix Nadar 2015. « Cela récompense bien sûr un livre qu’on a eu beaucoup de plaisir à éditer, mais aussi quinze années de travail », constate l’éditrice qui explique le processus qui lie texte et photo : « le dialogue fonctionne dans plusieurs sens. Parfois ce sont des écrivains qui ont envie de dialoguer avec un photographe qu’ils connaissent et nous proposent le projet. D’autres fois, c’est nous qui jouons les marieurs ». La maîtrise éditoriale, guidée par le rapport texte/image, s’exerce sur deux types d’ouvrages : d’une part, le beau livre de photographies, avec une couverture cartonnée et une mise en page spécifique qui en font un objet singulier, qui n’entre dans aucune collection ; d’autre part, Collatéral, une collection de petits livres de luxe où sont associés à parts égales un écrivain et un photographe. La collection compte, entre autres, des fictions de Maylis de Kerangal, d’Arnaud Cathrine, un jeune écrivain publié chez Vertical, d’Alice Zeniter, qui vient de sortir un roman chez Flammarion. « Ces écrivains, qui ont leur éditeur de littérature attitré, viennent dans la collection parce qu’ils trouvent stimulant le dialogue avec la photographie. Leurs textes courts sont souvent écrits entre deux romans plus longs. Pour les photographes, la forme est intéressante, limitée à une vingtaine d’images. Cette collection permet d’héberger des séries qui abordent parfois un sujet particulier, qui du coup se trouve réinventé par le dialogue avec une fiction littéraire ».

Chaque livre a son propre processus. Celui d’Arnaud Cathrine, par exemple, est parti d’une série de photos d’Eric Caravaca. Lors d’un tournage, le cinéaste a découvert en forêt de Fontainebleau un hôpital psychiatrique abandonné. Ayant cassé une vitre pour y pénétrer, il a réalisé en un après-midi une très belle série de photos. Le pouvoir évocateur du lieu a inspiré à Arnaud Cathrine un texte qui raconte une amitié entre deux jeunes hommes, sans lien avec l’histoire de cet hôpital psychiatrique. « C’est le décalage entre des photos qui montrent un lieu en déshérence et une fiction qui parle d’un présent qui conduit le process et crée une narration globale entre les deux. La photo n’est jamais l’illustration du texte". Il s’agit plutôt de deux créations que le livre fait se rencontrer. La collection Collateral compte 25 titres, 25 façons entre un photographe et un écrivain de se rencontrer.

Le Prix Nadar vient donc récompenser un ouvrage d'une maison d’édition installée dans la ville même où, sur la Canebière, l'illustre photographe avait installé son atelier. Algérie, clos comme on ferme un livre ? unit les images de Bruno Boudjelal, photographe de l'agence VU, à deux textes de François Cheval, conservateur du musée Niépce de Chalon sur Saône et historien de l’art spécialiste de la photographie. Florence Pavia revient du salon du livre d’Alger, où le livre de Bruno Boudjelal a été présenté : « il s’agit de photo contemporaine, floue, décadrée. A Alger comme en France, l’accueil n’est pas évident mais il était intéressant de voir la réaction des gens. La sortie du livre a été très bien relayée par les médias algériens, il y avait une fierté locale de saluer l’ouvrage d’un franco-algérien, portant comme titre un extrait de l’hymne national algérien. Le salon du livre à Alger est ultra populaire, beaucoup de gens sont venus rencontrer Bruno. Les conversations portaient bien sûr plus sur son parcours personnel que sur la photographie. Bruno avait animé l’an dernier l’un des premiers workshops en Algérie, organisé à la fois par le ministère de la culture algérien et l’Institut français, et fait travailler une quinzaine de jeunes sur la pratique photographique pendant deux semaines environ. Ces jeunes, dont certains ont un immense talent, sont venus le retrouver au salon et nous en avons profité pour discuter avec l’Institut français qui souhaiterait donner davantage de place à la photo émergente. L’idée serait de faire une grande exposition avec leur travail et celui de Bruno, puis d’en faire un catalogue en collaboration avec un éditeur algérien ». Autre connexion heureuse : les photos de Bruno Boudjelal sont exposées à Paris, au musée de l'histoire de l’immigration, du 10 novembre au 29 mai 2016, dans le cadre de l'exposition Frontières.

Une année faste pour la maison d'édition qui se retrouve, par le hasard du calendrier, intégrée à la première Biennale des photographes du monde arabe contemporain, initiative conjointe de l’Institut du monde arabe et de la Maison européenne de la photographie. Cette fois c'est par le truchement d'un projet avec une jeune photographe belge, Pauline Beugnies, dont le travail sur la révolution égyptienne, intitulé "Génération Tahrir – 2010-2015/Egypte", est exposé à la mairie du 4e arrondissement, l'un des huit lieux de la Biennale. Le Bec en l'air éditera son premier livre fin 2015.

 

Repères : Avec Le Bec en l'air, Fabienne Pavia contribue à d’étroites collaborations entre un photographe et un écrivain, ou un poète. Installée depuis 2010 dans la Friche de la Belle de Mai à Marseille, la maison d’édition a à son actif de belles publications qui l’amènent à sillonner tous les univers de la photo, des artistes aux festivals, et du livre et ses salons. De belles liaisons éditoriales se sont nouées avec deux festivals : la conception de la revue de Circulation(s) depuis deux ans et la coédition de la collection de livres de photographies consacrée aux résidences que l’association Cetavoir organise à Sète pour Images Singulière(s).

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