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Liu Zhengyong peint l’humanité pour la comprendre

par Véronique Giraud
Liu Zhengyong, lors de sa résidence à la galerie Dock Sud à Sète. © DR
Liu Zhengyong, lors de sa résidence à la galerie Dock Sud à Sète. © DR
Arts visuels Arts plastiques Publié le 24/06/2014
Exposé dans les grandes capitales du monde, le Chinois Liu Zhengyong est reconnu l'un des artistes les plus prometteurs de sa génération. Il revient sur son parcours esthétique.

Comment êtes-vous devenu un artiste peintre ?


Mon expérience de la vie est ma meilleure histoire de l’art. Chacun, consciemment ou non, doit trouver une manière d’exister dans ce monde.

Je suis né dans le Hunan, dans un village au paysage agréable. J’ai plusieurs frères et sœurs. Quelques mois après ma naissance, par accident, je suis tombé dans une fosse en feu. J’ai mis de longues années à guérir, à me sentir de nouveau vivant, mais j’ai gardé de nombreuses cicatrices et les regards sur moi étaient souvent cruels. Introverti, je n’aimais pas la conversation, cela ne m’a pas empêché d’avoir une enfance merveilleuse, parce que ma famille et mes proches étaient très bons. Je passais la plupart de mon temps à jouer dans la forêt et au bord de la rivière. Mon introversion m’a rendu plus sensible. J’aimais chercher dans la forêt des pierres et des branches d’arbres entassées avec lesquels je créais, je fabriquais des choses, je dessinais près de la rivière dont le mouvement m’inspirait la liberté. Des idées folles même, et beaucoup d’enthousiasme. Des années plus tard, tout cela a laissé des traces. Tout ce que je créais me permettait d’oublier la méchanceté des gens. Ce n’était pas prémédité, c’était naturel. C’était peut-être la première fois que je communiquais par l’art. Cela m’a donné envie et courage.

Mon grand-père était pêcheur, on l’a forcé à devenir soldat et à quitter sa ville natale. Il a subi une souffrance imméritée. C’est le second aspect qui a marqué mon enfance, qui m’a maintenu jusqu’à aujourd’hui dans la réflexion et le questionnement, notamment sur la dignité humaine, le respect, à l’écart de tout préjugé. Certains faits non voulus peuvent être déterminants pour l’avenir. Être artiste ou non ce n’est pas important. Ce qui est important c’est réfléchir pour avoir des idées claires et être indépendant. Et maintenir une vigilance.

Que vous a apporté votre résidence à la galerie Dock Sud de Sète en 2012 ?


Ce fut une expérience mémorable, profonde, sur la trajectoire de la culture européenne. Elle a eu un rôle très important pour mieux comprendre et comparer. Comme dans la forêt, on doit entrer dedans pour mieux comprendre son histoire et son environnement. Faire cela permet de comparer le monde avec soi-même et aide à faire mieux.

Que reflètent vos nombreux portraits et autoportraits ?

L’art nécessite de comprendre en profondeur et d’expérimenter les sentiments humains. Pendant de nombreuses années, j’ai beaucoup travaillé, tenté de trouver l’inspiration. Puis je me suis arrêté. Lors d’un long voyage à travers la Chine, j’ai détesté toutes les peintures que je voyais, les miennes y compris. Je suis revenu dans mon atelier pour détruire tous mes travaux antérieurs. Au moment où j’ai brûlé mes tableaux, je me suis senti libre, léger. J’ai pu enfin respirer. J’avais travaillé comme un aveugle. J’ai recommencé ma peinture en étant au plus près de moi-même. Maintenant je m’oblige à m’arrêter pour réfléchir. J’espère toujours trouver une raison pour le faire. J’ai augmenté mes exigences. Je dessine beaucoup les corps, le mien et ceux de mes amis, parce que je les connais.

Votre inspiration, de l’ordre de l’intime, de l’universel, semble traverser notre époque...

L’humanité et la liberté s’imposent. Mais je veux les limiter à un cadre pour les comprendre. Cette réponse engendre elle aussi un problème, mais réduit à une période historique spécifique et à un espace limité, elle provoque différentes réactions. Dans la conscience collective, une période donnée peut devenir une blessure, exposant les nombreuses faiblesses de la nature humaine, comme le désir de contrôle et l’obéissance aveugle. Mais on tire également parti des faiblesses humaines. L’esprit humain et le bonheur sont contradictoires. Pour moi l’important, c’est de réfléchir par soi-même. C’est la meilleure façon de comprendre l’humain et la liberté. La mémoire personnelle et la mémoire collective sont à l’intersection de la mémoire historique sur de nombreux points. Ces jonctions contiennent le destin commun de beaucoup d’individus et d’émotions. Il semblerait que la vraie question est que nous devons repenser l’histoire et la mémoire. Même si le problème existera toujours.

Bio
Liu Zhengyong est né en Chine en 1980. Diplômé en 2004 de la Tianjin Art Academy, il expose en Californie, à New-York, Berlin, Pékin, Bruxelles, Lille, Strasbourg, à la Biennale de Venise en 2013... En 2012, il a effectué une résidence de trois mois à Sète, à l’invitation de la Galerie Dock Sud qui le représente en France.

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