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Barbara Engelhardt en quête d’inventions théâtrales

par Véronique Giraud
Avec les jeunes metteurs en scène du festival Premières, Barbara Engelhardt met en commun les particularités du théâtre contemporain en Europe. © Alexandre Schlub
Avec les jeunes metteurs en scène du festival Premières, Barbara Engelhardt met en commun les particularités du théâtre contemporain en Europe. © Alexandre Schlub
Arts vivants Théâtre Publié le 10/04/2015
Barbara Engelhardt a la responsabilité artistique de la programmation du festival Premières depuis sa création en 2004. La manifestation franco-allemande expérimente les champs du théâtre de demain avec une jeune génération de metteurs en scène qui, tout juste sortie d’une formation ou d’un assistanat auprès de grands metteurs en scène, montre là sa première production.

Quelle est la place du festival Premières dans le champ de la création ?

Il s’agit de montrer qu’il y a une vraie urgence pour le metteur en scène de se pencher vers telle ou telle question : pourquoi, par exemple, il reprend des analyses sur les bouleversements politiques et d’ordre social pour en faire un spectacle, ou encore pourquoi il se tourne vers le théâtre documentaire pour aborder une question de société, comme celle de la fin de vie, du droit à mourir. Le rapport au texte, le rapport au corps, le rapport à l’espace, sont remis en question pour définir des éléments à la base du théâtre aujourd’hui. Pas dans l’idée de multidisciplinarité, avec un peu de ceci un peu de cela. Il s’agit d’un questionnement sérieux sur ce qu’est le théâtre et avec quels moyens il parvient à créer un propos par rapport à un sujet, par rapport à une forme esthétique cohérente. L’idée n’est pas de faire passer un message mais de transmettre une vraie émotion théâtrale.

 

Pas facile de définir la place du théâtre aujourd’hui…

Nous avons à faire à une génération de très jeunes metteurs en scène qui ont décidé de faire du théâtre. Il y a d’autres médias que le théâtre, plus puissants. Le choix de ces artistes est délibéré, ils savent exactement pourquoi ils ont choisi le théâtre, ils veulent explorer les possibilités du théâtre aujourd’hui autant pour se montrer à la hauteur de la réflexion de la société que pour inventer des formes vraiment pertinentes. C’est ce que le festival tente de montrer. Sans toutefois être dans la prétention de l’innovation.

Dire que le théâtre doit s’inventer tout le temps, créer des formes qui n’ont jamais existé, est vain. Il serait faux de penser que le théâtre contemporain ne peut que laisser derrière lui les pratiques théâtrales des dernières décennies.

Cette jeune génération, tout juste sortie d’une formation universitaire, d’une école de théâtre ou de l’assistanat auprès de grands metteurs en scène, (selon les méthodes de formation du pays), montre sa première production pour le festival. Ce qui est important c’est qu’en tant que spectateur on comprenne qu’il y a un travail sur les traditions des pratiques théâtrales. Ce qui pourrait être la vraie innovation théâtrale ce n’est pas la prétention ou la pure ambition de créer de nouvelles formes mais c’est instaurer un rapport conscient par rapport aux traditions avec lesquelles on a grandi et avec lesquelles les spectateurs se socialisent culturellement et théâtralement.

 

Qu’apporte le festival à ces jeunes metteurs en scène ?

C’est la première fois qu’ils présentent leur travail en dehors de leur propre pays, donc en dehors des contextes de production qu’on leur a appris à maîtriser. C’est souvent une première rencontre avec un public qui ne parle pas leur langue, ne partage pas forcément les mêmes idées sur le théâtre ni les mêmes pratiques. Il faut conquérir, c’est très formateur pour eux. C’est aussi l’opportunité de voir ce qui se passe ailleurs que dans son propre milieu, son propre cercle, ses propres habitudes et expériences. Une rencontre aussi avec des artistes de leur génération qui se posent souvent les mêmes questions mais n’ont pas toujours les mêmes réponses ou les mêmes façons de poser ces questions. Des projets croisés peuvent naître de ces rencontres, des projets de collaboration ouvrent parfois de nouvelles portes à un artiste pas forcément gâté dans son pays. Le marché théâtral est difficile aujourd’hui.

 

Quel est le rapport au public de cette jeune génération ?

Il varie beaucoup d’un pays à un autre. Cette jeune génération n’est pas encore entrée dans le circuit des festivals européens, n’a jamais créé son spectacle en vue d’une diffusion européenne ou mondiale. Le point de départ de la création reste individuel, ancré dans le rapport local des expériences sociales et politiques. Il reflète d’où il vient, une chose très importante dans le rapport à l’Europe et dans l’idée d’une Europe qui se construit avec des particularités et des individualités pour trouver des pistes de réflexion et d’analyse communes.

 

Il arrive que des spectacles soient repris ?

Le festival depuis ses débuts s’est révélé une vraie plateforme pour les reprises des spectacles présentés. Surtout en France d’ailleurs. De nombreux professionnels européens viennent découvrir les nouveaux noms de la scène. Le propos du festival est de regarder là ou l’on ne regarde pas encore, dans des petites salles, dans des pays peu représentés internationalement, etc.

Ce n’est pas toujours simple. Dans certains pays, les jeunes sortis de leur formation à l’école de théâtre se retrouvent embauchés dans des troupes permanentes. Cela concerne surtout les pays de l’Europe de l’Est, Hongrie, Pologne, en Allemagne aussi où les acteurs et les metteurs en scène sont formés pour nourrir le théâtre. Il est parfois impossible d’inviter un spectacle parce qu’on n’arrive pas à réunir la compagnie qui avait créé le spectacle, elle est déjà dispersée dans d’autres productions.

 

Et la problématique du surtitrage ? 

Pour un festival international, c’est une nécessité. Le budget d’un surtitrage professionnel est important et il s’est accru au moment où a commencé la collaboration avec Karlsruhe. Il faut au moins deux langues en surtitrage, l’allemand et le français, pour pouvoir se présenter devant un public local franco-allemand.

Le budget du festival, côté français, est financé par la Ville et la Région et par les deux théâtres qui se partagent équitablement les frais. Le théâtre de Karlsruhe est très soutenu par la ville et par le land du Bade Wunderberg. La dimension européenne du festival et surtout l’axe transfrontalier entre Strasbourg et Karlsruhe les a motivé à soutenir financièrement le projet.

 

Bio

Barbara Engelhardt fut pendant longtemps rédactrice en chef d’une revue de théâtre et de danse à Berlin avant de s’installer en France où elle a programmé le festival international Le standard idéal à la MC93 de Bobigny jusqu’en 2012. Responsable artistique de la programmation du festival Premières, elle dirige depuis 2011 le festival FAST Forward à Braunschweig en Allemagne du Nord. Elle est également dramaturge et conseiller littéraire et artistique à l’opéra de Lyon auprès du metteur en scène hongrois David Marton.

« Ces activités artistiques se complètent. Pas seulement dans la logique de la programmation mais aussi dans celle de la collaboration artistique à long terme. C’est un peu ce que j’aimerais souligner pour le festival Premières : que les artistes fassent de vraies expériences qui marquent leur parcours artistique par leur rencontre avec un public international mais aussi, et c’est ce qui s’est passé à Strasbourg, construire des collaborations après le festival, soit avec les théâtres strasbourgeois soit avec d’autres festivals et théâtres en France. Une dizaine de metteurs en scène venus en France pour la première fois dans le cadre de Premières ont été repris et ont pu créer leur réseau en France. Ils ont suscité un vif intérêt en débarquant avec des écritures scéniques nouvelles et convaincantes par rapport au propos, n’isolant pas la forme comme une tendance, une mode ».

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