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« Cycles of the mental machine », quand la techno émerge de Detroit

par Véronique Giraud
Cycles of mental-machine, un documentaire musical de Jacqueline Caux DR
Cycles of mental-machine, un documentaire musical de Jacqueline Caux DR
Cinéma Documentaire Publié le 19/11/2015
Nul besoin d’être spécialiste de musique électronique pour succomber aux délices du long-métrage Cycles of the mental machine. Sa réalisatrice Jacqueline Caux a plongé en 2006 à la source de la techno, ramenant de Detroit des images d'une ville déchue et de personnages énigmatiques avec lesquelles elle a construit un récit poignant de l’émergence d’un courant musical.

Quand Jacqueline Caux découvre la ville américaine de Detroit, fascinée par cette ville déchue, ses habitants, ses musiciens, elle n’a qu’une idée en tête : y revenir, seule, pour y tourner un film autour des origines de la musique techno. « J’y suis retournée en 2006 à la recherche d’un personnage qui a été capital à Detroit, Electrifying Mojo. Présentateur radio, Mojo n’était pas aussi connu comme Dj que Carl Craig ou Jeff Mills mais il fut l’un des premiers à casser la hiérarchie des musiques, tout en haut la classique, le rock, et la techno tout en bas. Faisant même se rencontrer Xenakis et les Mc Fire. Mojo avait disparu, je suis donc partie à sa recherche et, à travers lui, essayer de comprendre comment dans cette ville de Detroit, si démolie et dans un état de détresse économique, avait pu apparaître la musique techno ». Ce dont la réalisatrice a voulu témoigner en images c’est combien la techno a été associée à une révolte économique et politique. Difficile de croire aujourd'hui que Detroit fut la quatrième ville des Etats-Unis avant d’être le théâtre des violentes émeutes qui ont accompagné la lutte pour les droits civiques de la population noire américaine, et fait de nombreux morts. La crise du pétrole de 1973, la chute de l’industrie automobile ont suivi. C’est dans une ville fantôme, aux maisons et aux usines détruites, à la population désespérée, qu’a surgi la musique techno.

La balade que propose Cycles of the mental machine débute avec le blues des musiciens noirs venus du Mississipi dans les années 60 chercher du travail dans les usines de voitures de Detroit pour arriver à la techno des années 2000, suit le gospel, la soul… Detroit a été un incroyable vivier de musiciens nés dans les années 60, la plupart ont quitté la ville et trouvé le succès ailleurs, en Europe parfois. Les deux protagonistes du film ont choisi eux d'y rester. Le DJ Mojo, et son émission de radio Midnight Funk Association lancée en 1977. Le compositeur Mad Mike, qui a monté en 1989, avec Jeff Mills et Robert Hood, Underground Resistance (UR), un label indépendant, et qui continue aujourd’hui à œuvrer auprès des jeunes de Detroit, à se bagarrer contre les dealers de la ville. Tous deux fidèles à leur ville, l’un et l’autre cultivant l’anonymat. Ni l’un ni l’autre ne voudront être filmés. Une contrainte de taille, mais pas de nature à décourager la réalisatrice qui les a mis en scène à sa manière : la voix de Mojo forme le fil rouge du film et Mad Mike parle assis dos à la caméra.

Si ce documentaire est particulièrement réussi c’est qu’il révèle combien l’émergence d’un nouveau courant artistique, ici musical, trouve sa force dans la volonté de se sortir d’une grande misère. En revendiquant une grande exigence esthétique. Cette exigence originelle, que jacqueline Caux a ressenti au plus profond de sa sensibilité et qu’elle est allée puiser auprès des fondateurs de la techno, a guidé la construction et l’invention des images de Cycles of the mental machine.

Cinéaste et écrivain, Jacqueline Caux est passionnée par les artistes de la seconde moitié du XXe siècle. Quand elle ne tourne pas pour réaliser des courts-métrages expérimentaux, des films musicaux, elle parcourt le monde et ses festivals. Passant aisément d’une rencontre à une autre : de celle d’un artiste qui va susciter en elle le désir de filmer à celle du public à qui elle raconte avec passion pourquoi, qui et comment elle filme. Son plaisir de l’image rivalise avec son plaisir des mots. De sa voix claire à l'élocution parfaite, elle donne généreusement les clés de sa fiction. L’écouter présenter Cycles of the mental machine, comme elle l'a fait le 11 novembre dernier à l'invitation du Festival Dernier Cri à Montpellier, est un pur bonheur tant elle exprime clairement son processus de création d’un long-métrage. En mai 2016, elle présentera au festival Panorama du Maghreb et du Moyen-Orient à Saint-Denis son film Si je te garde dans mes cheveux (2013), un documentaire dans lequel elle a construit sa vision des femmes arabes, artistes et engagées, rebelles et musiciennes. De femmes artistes il sera aussi question dans un prochain film… Elle court, elle court Jacqueline Caux. En savoir plus.

 

 

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