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The Other Side, l’autre versant de l’Amérique

par Julie Delem
The Other Side ©Roberto Minervini
The Other Side ©Roberto Minervini
The Other Side ©Roberto Minervini
The Other Side ©Roberto Minervini
The Other Side ©Roberto Minervini
The Other Side ©Roberto Minervini
The Other Side ©Roberto Minervini
The Other Side ©Roberto Minervini
Cinéma Documentaire Publié le 02/12/2015
Les vastes contrées des Etats Unis cachent des communautés isolées, balançant entre l'illégalité et l'anarchie. Des drogués qui cherchent l'amour aux vétérans bénissant les armes et l'hymne national, le documentariste Roberto Minervini nous ouvre les abysses de l'Amérique.

Bienvenue en Amérique white trash. Celle des laissés-pour-compte, des désoeuvrés, celle qui habite en caravane blanche, qui tâte souvent de la bouteille et de la seringue.
Après avoir occupé très tôt le devant de la scène du cinéma indépendant (Larry Clark, Harmony Korine..), la « raclure blanche », frange misérable et blanche de la population des Etats-unis, est devenue une identité à part entière, voire une étiquette revendiquée dans la pop culture américaine.
Trainant dans son sillage des clichés de violence, d'huile de moteur, de délinquance, les états du Sud en pleine récession sont devenus un paysage de prédilection pour les fictions, ajoutant une consistance sociale aux scenarii.

Intimité. The Other Side suit le chemin inverse, jusqu'à s'arrêter aux pieds des habitants de West Monroe, en Lousiane. Le documentariste Roberto Minervini, familier des sujets sociétaux depuis The passage (2011), Low Tide (2012) et Stop the pounding heart (2013), scrute la réalité de l'autre versant de l'Amérique et nous livre le quotidien de Lise et Marc, deux toxicomanes, à la manière d'une fiction. Objectif de 35 mm à l'épaule, au plus près de leurs échanges, le film cherche à cristalliser les sentiments qui les traversent comme l'amour, la rage, la révolte, le sentiment de relégation sociale. Au lit, au travail, au bar, dans des moments de crise ou de joie, Roberto Minervini, au moyen d'une petite équipe et de plusieurs mois de tournage, installe une extraordinaire intimité, laissant le spectateur abasourdi.

Le beau et le bête. La force troublante de The Other Side réside dans la beauté de la photographie, promenée sur ce territoire de désolation où l'on shoote les mineurs, où les femmes enceintes gagnent leur vie dans des boîtes de strip-tease, où les enfants jouent à la poupée parmi les bières des adultes. La nature, les paysages, la simplicité naturelle des personnages viennent ponctuer, comme une respiration, l'horreur et la dureté de ce qui est montré. L'alternance entre la beauté et le glaçant, le croisement des sentiments de grâce et de destruction permet aux spectateurs de se rapprocher des personnages, d'être à leurs côtés sans (trop) les juger.

Césure. Le film bascule soudainement, nous entrainant au fond du Texas, aux côté d'un groupe de vétérans reconvertis en milice paramilitaire se préparant à une prochaine guerre civile. Deux univers très éloignés, mais liés par leur ton politique et le rejet marqué d'Obama. Chez les toxicomanes de West Monroe, le sentiment d'échec social se mêle à la haine raciale. Comme si, pour se construire un peu de fierté, il ne leur restait plus que leur foi en la suprématie blanche et américaine, et en ses valeurs : « Liberté et pétrole », dira, bouteille à la main, un ancien à la peau tannée. Le thème de la liberté, véritable mantra égrainé tout au long du film, est repris par les vétérans en tenue de camouflage, défenseurs du Deuxième amendement. Le nationalisme et la révolte prennent alors une force nouvelle, plus dangereuse, davantage biaisée : la liberté se revendique par les soirées de bitures et la banalisation sexuelle, la protection de la famille par la préparation d'une guerre civile, le progrès par le tout pétrole.

The Other Side de Roberto Minervini, documentaire (1h32mn). Sortie : 25 novembre 2015. Un Certain regard - Festival de Cannes 2015.

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