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« Le courant d’art », tir croisé d’art, de BD, de géométrie, mais pas que…

par Véronique Giraud
Les deux couvertures de l'ouvrage
Les deux couvertures de l'ouvrage "Le courant d'art", d'un côté Byrne, de l'autre Mondrian.DR
"Le courant d'art" est le second volume de la collection Noctambule, qui impose aux auteurs le format du leporello. DR
"Le courant d'art" de Frédéric Bézian : côté De Mondrian à Byrne. DR
"Le courant d'art" de Frédéric Bézian : côté De Byrne à Mondrian. DR
Frédéric Bézian, l'auteur de l'ouvrage Le courant d'art, aime frotter la bande dessinée à d'autres univers. DR
Frédéric Bézian, l'auteur de l'ouvrage Le courant d'art, aime frotter la bande dessinée à d'autres univers. DR
Une page de Eléments of Euclide d'Oliver Byrne, l'ouvrage qui a inspiré à Frédéric Bézian deux histoires d'amour et d'art. Dr
Une page de Eléments of Euclide d'Oliver Byrne, l'ouvrage qui a inspiré à Frédéric Bézian deux histoires d'amour et d'art. Dr
Livre BD Publié le 27/01/2016
Le dessinateur Frédéric Bézian aime porter le 9e art là où on ne l'attend pas. Nourri de bande dessinée, de cinéma, d’opéra, il est passionné par "les frictions entre le texte et autre chose". C'est sans nul doute ce qui l'a amené à imaginer "Le courant d'art", un ouvrage construit avec deux puissants imaginaires, celui d'un mathématicien du XIXe siècle, celui d'un peintre du XXe.

Début décembre, un curieux ouvrage intitulé Le courant d’art est apparu dans les rayons des librairies. Sa couverture, au dessin incisif et aux couleurs primaires évoquant les avant-gardes du XXe siècle, laissait penser qu’il s’agissait peut-être d’une bande dessinée traitant d’un courant artistique… Le mystère était entretenu par un blister interdisant toute manipulation. Et par le nom de son auteur, Frédéric Bézian, plus connu pour ses albums de bande dessinée.

Une fois libéré de son entrave plastifiée, l’ouvrage intrigue encore. Il a deux couvertures. Et chacune ouvre sur une histoire, l’une inspirée par le mathématicien irlandais Oliver Byrne (1810-1890) est sous-titrée De Byrne à Mondrian, l’autre, De Mondrian à Byrne, a pour protagoniste le peintre néerlandais Piet Mondrian (1872 - 1944). Ultime surprise de l'objet, il se déplie en accordéon, précisément en vingt recto et vingt verso, une histoire au recto et une autre au verso. Avec ce dispositif, Frédéric Bézian a fait se chevaucher les formes géométriques colorées de Byrne, interprétations formelles des éléments d'Euclide, et le constructivisme de Mondrian, liant par là même un concept mathématique du XIXe siècle au recto et un concept esthétique du XXe siècle au verso. Ou l’inverse.

Mais comment est venue une telle idée ? Nous avons posé la question à Frédéric Bézian lors d'une dédicace à la librairie Azimuts de Montpellier. « La forme de l’objet, le leporello, est imposée par Odile Vu pour sa collection Noctambule, explique-t-il d’emblée. Cette forme était ma seule contrainte ». Avec la singularité d’au moins deux lectures. « Je devais tenir compte de deux histoires en parallèle. J’ai choisi de fonctionner par double-pages et par illustrations, en imaginant qu’on a entre les mains un bouquin dont il ne reste que les grandes illustrations. Puis j’ai passé plusieurs mois à me demander ce que j’allais raconter avec ça… »

C’est en se souvenant de sa trouvaille, un an plus tôt, du livre d’Oliver Byrne The Elements of Euclid, dans lequel le mathématicien entreprit d’illustrer la géométrie d’Euclide avec des ronds, des triangles, des carrés rouges, jaunes, bleus, que l’idée s’est imposée. « La première fois que je l’ai feuilleté en librairie, j’ai eu un choc. Je me suis demandé à quoi j’avais à faire. Je pensais qu’il s’agissait d’une sorte de manuel du constructivisme russe. Plus tard, j’ai lu une exégèse qui racontait qu’il n’est pas interdit de penser, sans vérification historique, que c’était le bouquin de chevet de Mondrian". Il n'en fallait pas davantage pour que Bézian s'amuse à extrapoler sur d’éventuelles conséquences sur le Bauhaus.

D'un côté et de l'autre. Le résultat final est une espèce de fantaisie poétique, « avec 50% de tout à fait authentique et 50% de… faut voir ». Une fois lancé le processus, l'auteur a joué jusqu’au bout la « bipolarité », s’amusant avec une série d’images dont on retrouve une autre version de l’autre côté. " J’ai articulé cela avec la même histoire de concurrence amoureuse, côté Byrne et côté Mondrian. Deux créateurs dont la motivation vient du fait d’épater une femme ».

La relation amoureuse, point commun aux deux histoires, n’est pas du tout avérée pour Byrne. Ce qui est vrai c’est que la gent mathématicienne a conchié son œuvre. « A l’époque, en 1847, on ne mélange pas le sensuel avec le concept. On ne s’amuse pas à représenter l’irreprésentable. Et c’est pratiquement ce qui est arrivé au bouquin de Byrne, qui fait appel à la vue pour vulgariser quelque chose d’assez abstrait. Tout cela m'a fait bien sûr fantasmer. Cela a réveillé mon obsession depuis des années pour ce que j’appelle les arts mixtes, c’est-à-dire qui combinent le texte et autre chose ». Dans Le courant d’art, il a d'ailleurs glissé quelques références à l’art japonais… Au final, l’ouvrage déborde quelque peu vers l’amateur d’art…  « Par connotation, répond-il, puisque ça parle du Bauhaus, de Mondrian. Le livre est distribué chez les libraires bande dessinée, parce que je suis à 90% auteur de BD, mais il se retrouve aussi dans les librairies généralistes. Et même dans les musées. J’ai eu la surprise d’apprendre que la vitrine de la librairie du Centre Beaubourg est consacrée au livre. Cela fait des années que je parle de tirs croisés dans ce que je fais, ça se réalise ». Comme pour le confirmer, il vient d'apprendre qu’en octobre Le courant d’art sera présenté au Musée des Arts décoratifs à l’occasion de l’exposition L’esprit du Bauhaus. Un scoop !

 

Le courant d’art - Frédéric Bézian, scénario, illustration, couleurs – Paru le 2 décembre 2015 dans la collection Noctambule, édition Soleil Productions. C'est le second titre de la collection, lancée par l’éditrice Clothilde Vu.

Né le 25 mai 1960 à Revel (Haute-Garonne), Frédéric Bézian collabore très jeune à divers fanzines. En 1977, il publie dans Djin, un magazine du groupe Bayard presse. De 1978 à 1981, il suit les cours de Claude Renard à l'Institut Saint-Luc de Bruxelles et participe aux publications du 9e rêve, réalisées par les élèves de l'atelier. Il est l'auteur de nombreux albums, réalisés seul ou collectivement, et a réalisé la bible graphique de la série animée Belphégor.

 

 

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