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Ai Weiwei, l’art du défi

par Véronique Giraud
Arts visuels Installation Publié le 09/02/2016
Ai Weiwei a relevé le défi lancé par les équipes du Bon marché Rive gauche : étonner la clientèle du temple du luxe par une installation d'art contemporain. L'artiste chinois a suspendu sous les verrières centrales un bestiaire géant composé de vingt-deux créatures fantastiques. Jusqu'au 20 février.

Sa renommée internationale n'a pas découragé l'artiste chinois Ai Weiwei de prendre les chemins de traverse. En ce mois de février, il se retrouve précisément là où on ne l'attendait pas : simultanément en photo noir et blanc sur le papier glacé des magazines et de la presse internationale pour manifester son intolérance au sort des migrants venus échouer sur les rives de la Méditerranée, morts ou vivants, et à travers des œuvres inédites exposées au Bon Marché, cette fois Rive Gauche à Paris.

Cet artiste, qui a grandi dans le désert de Gobi où son père artiste fut exilé à son retour de Paris alors qu'il avait un an, a connu la gloire des musées et l'intérêt des collectionneurs - notamment de la Fondation Louis Vuitton qui a sélectionné des œuvres des artistes chinois de sa collection pour un accrochage spécial du 27 janvier au 29 août 2016 - sans que cela éteigne sa flamme de dénoncer ce qui lui semble injuste. Quand il décide de poser son corps sur une plage dans une position destinée à rappeler les corps des migrants échoués après le naufrage de leur embarcation de fortune, il sait que la presse va s'emparer du cliché, le commenter et offrir une tribune à ceux venus se réfugier en Europe. Sa photo a en effet été relayée et ouvert les vannes de nombreux commentaires, admiratifs ou moqueurs. C'était le but recherché de l'homme. Et quand, au même moment, ses créations se retrouvent exposé dans le très chic Bon marché, on perd ses repères. D'abord parce que pour le lieu ce n'est pas un démarche courante de faire appel à un artiste, ensuite parce que les équipes ont fait appel à lui et non à un autre pour relever un défi incroyable : celui d'étonner une clientèle gâtée en troublant les habitudes d'un lieu réputé de la mode et de la beauté par des créations d'art contemporain.

En levant les yeux vers les immenses verrières, un ballet d'étranges créatures suspendues s'offre au regard. Immenses mais de facture délicate, elles composent un bestiaire énigmatique tandis que, sur un podium, un dragon géant occupe l'espace. Ces animaux ont été conçus en réponse à une commande du magasin. Ai Weiwei y a répondu et comme il le dit dans la vidéo qui accompagne l'exposition, "c'était un vrai défi". Un défi à double titre d'ailleurs. D'abord parce que concevoir de l'art dans un lieu où les gens affichent un air blasé pour acheter les dernières tendances de la mode et de la beauté, est une gageure. "Il faut les étonner". Et ce faisant Ai Weiwei s'est étonné lui-même en faisant appel pour la première fois aux artisans d'un savoir-faire traditionnel chinois. Choisissant le répertoire de la mythologie chinoise, il a fait exécuter quelques-unes de ses créatures fantastiques dans des matières, bambou, soie et papier, qu'aucun artiste contemporain n'utilise. Le résultat est de toute beauté et la courte vidéo qui accompagne l'installation permet de faire connaissance avec l'artiste qui conte son enfance, son amour pour Paris, et nous emmène dans les ateliers de Chine où ont été confectionnées les œuvres.

 

Ai Weiwei est né en 1957 à Pékin, où il vit.

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