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Droit de cités pour le repas gastronomique des Français

par Pierre Magnetto
Régis Marcon, un chef trois fois étoilé à la tête du comité de préfiguration de la cité de Lyon.©DR
Régis Marcon, un chef trois fois étoilé à la tête du comité de préfiguration de la cité de Lyon.©DR
La cité de la gastronomie de Dijon ouvrira ses portes fin 2018©DR
La cité de la gastronomie de Dijon ouvrira ses portes fin 2018©DR
Style de vie Gastronomie Publié le 18/02/2016
Classé au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco en 2010, le repas gastronomique des Français va bénéficier de cités au même titre que l’art moderne est servi par les centres d’art contemporain. La Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires qui pilote et coordonne les quatre projets en cours les conçoit comme « des centres Pompidou de la gastronomie », « bouillonnants » et « effervescents ».

« Ce site aura pour vocation première de valoriser le repas gastronomique des Français ». Mardi 2 février, François Rebsamem, maire de Dijon, lançait sur l’ancien hôpital général de la ville, ce qui deviendra en 2018 la Cité internationale de la gastronomie. Cet équipement à vocation culturelle constituera la tête de pont d’un réseau de quatre cités comprenant également celles de Lyon, de Tours et de Paris-Rungis. Un projet global donc, porté et coordonné par la Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires, une association créée en 2008 à l’initiative de l’Institut européen d’histoire et des cultures de l’alimentation de Tours (IEHCA), travaillant en liaison avec les ministères de la culture et de l’agriculture. A l’époque, il s’agissait d’instruire le dossier qui allait conduire, en novembre 2010, à l’inscription du repas gastronomique des Français au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Une identité culturelle. Pour être labellisés par l’Unesco, les patrimoines culturels immatériels doivent s’inscrire dans une profondeur historique, être transmis de génération en génération, « être non seulement une culture, mais une culture vivante qui fait appel à l’innovation et à l’art », commente Pierre Sanner, le directeur de la mission. Mais, ajoute-t-il, « une autre partie du dossier était de dire ce qu’on allait faire pour assurer la transmission et la recréation de la gastronomie à la française. » La réponse, ce seront les cités de la gastronomie pour lesquelles la mission lance dans la foulée de la labellisation un appel à manifestation d’intérêt auprès des collectivités. Six répondront, Versailles, Beaune, Dijon, Lyon, Tours et Paris-Rungis, seules les quatre dernières seront retenues. Bien qu’ayant une même vocation, chacune affichera toutefois sa spécificité, en fonction de son environnement.

Pour Dijon, le thème de la vigne et du vin semblait tout trouvé. A Lyon ce sera nutrition et santé. A Tours, qui outre l’IEHCA héberge depuis 2011 à l’université François Rabelais une chaire Unesco « sauvegarde et valorisation des patrimoines culturels alimentaires », ce sera la recherche dans le domaine des sciences humaines et sociales. Quant à Paris-Rungis qui devrait être finalisée vers 2024, ce sera l’approvisionnement des grands centres urbains.

Des centres Pompidou de la gastronomie. Mais malgré ces thématiques aux consonances techniques, Pierre Sanner conçoit ces cités comme « des centres Pompidou de la gastronomie ». « De la même manière qu’on a créé des centres d’art contemporain pour la création contemporaine d’avant-garde, qu’on a créé des centres chorégraphiques dédiés à la danse contemporaine, il est peut-être aussi temps que des établissements culturels soient dédiés à cette richesse qu’est notre patrimoine gastronomique » ajoute-t-il.

Ainsi, les cités seront tout à la fois des lieux d’expositions permanentes et temporaires, des espaces de formation, de transmission, d’éducation pour le jeune public, de valorisation du patrimoine culinaire, d’ateliers de cuisine et d’expérimentations, de dégustation, de croisements entre gastronomie, arts plastiques, sciences, des lieux de création pouvant, pourquoi pas, accueillir des artistes en résidence. On pourra pourquoi pas y trouver un marché de producteurs. Bien des options restent ouvertes car les contenus culturels de chacune des cités non seulement ne sont pas arrêtés, mais ne seront pas non plus figés. « La cité ce n’est pas un conservatoire, c’est une dynamique, vivante et imaginative, qui doit être bouillonnante, effervescente. »

Un étoilé pour la cité de Lyon. A Saint-Bonnet-le-Froid en Haute Loire, le chef trois fois étoilé Régis Marcon explicite aussi le concept. Depuis la sélection de Lyon en 2012, il préside le Comité d’orientation stratégique de la future cité. Elle sera installée sur un espace de 3 600 mètres carrés dans l’ancien Grand Hôtel Dieu, sur la presqu’île, non loin de la place Bellecour. « Ce qui m’importe est que la cité ne soit pas le refuge des chefs étoilés ou des gens connus, mais un espace tout public, qu’elle concentre toutes les énergies, tout le travail que font les producteurs, les représentants des métiers de bouches, pâtissiers, boulangers, écaillers, poissonniers, ceux qui dans le domaine médical et scientifique travaillent sur la nutrition et la santé ». Lui aussi foisonne d’idées. Elles sont formalisées dans un document de synthèse : un parcours du goût pour comprendre l’alimentation à travers les âges et la cuisine dans les différents pays, pour exercer ses sens, pour découvrir un pays à l’honneur… La cité comprendra un espace dédié au « théâtre vivant », des dispositifs pédagogiques, etc.

Des espaces de développement économique et touristique. Mais à l’heure où la finance publique n’est pas au mieux de sa forme, les cités devront aussi trouver leur modèle économique. A Lyon, si le projet est financé par la ville, la métropole et la région, on est aussi en recherche de mécénat. « La cité sera gérée par une structure juridique qui mélangera fonds publics et fonds privés », explique Sophie Louet, chargée de mission auprès du Grand Lyon. A Dijon, sitôt nommée, la ville a elle-même lancé son propre appel à manifestation d’intérêt. « Ca permettait de faire évoluer le projet en cours de route alors qu’un appel d’offres aurait figé les offres depuis le début avec un cahier des charges strict », explique François Deseille, adjoint au maire délégué à la cité de la gastronomie. C’est le groupe Eiffage qui a été sélectionné pour aménager la cité et trouver les opérateurs qui gèreront les différents espaces. La partie culturelle, par exemple, sera confiée au groupe Vega qui gère une trentaine d’équipements culturels en France.

Les cités seront aussi dotées d’hôtels de standing, Intercontinental à Lyon, Les sources de Caudalie à Dijon, de commerces, d’espaces de restauration. Mais prévient Pierre Sanner, « ces restaurants peuvent être des restaurants d’application ou en tout cas être en cohérence avec l’inscription du repas gastronomique au patrimoine par l’Unesco ».

« Si une sandwicherie s’installait on leur demanderait de faire le pain, des sandwiches avec des produits de qualité, qu’il y ait une certaine interactivité avec les clients ; il n’est nullement question de voir des sandwiches sous cellophane ! » précise Régis Marcon. Tout en respectant une certaine éthique, les cités de la gastronomie constitueront aussi des espaces de développement économique et touristique.

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