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Mot de passe oublié ?Ce qui est fascinant chez Miquel Barcelo c'est sa propension à investir la matière. Qu'elle soit peinture, terre, tissu, bois, cuir, l'artiste y engouffre ses doigts, ses outils, son corps même, et la rend habitée. Ici, dans un couloir de la BnF, la matière première est l'argile et la fresque qu'il a réalisée se nomme Vidres de meravelles, traduit par "Le grand verre de terre".
Le moins du monde encombré par le côté propret et feutré de l'institution nationale conservatrice de la chose écrite, l'artiste espagnol y a trouvé un support qu'aucun artiste n'avait peut-être pensé comme tel : la verrière d'un couloir long de près de 200 mètres et haut de 6 mètres, qu'il a fait recouvrir d'une fine pellicule d'argile à grands coups de brosse. Sans se donner la peine de calculer une telle surface, on est surpris de voir avec quelle aisance l'artiste a l'entreprise de ses doigts, mains, bras, coudes, spatules et autres serpillière pour y faire apparaître une humanité et une animalité d'une énergie sidérante. De ce support, Barcelo a fait naître la vie. De la quasi-opacité striée de la glaise émerge la lumière et se dessine un bestiaire fantastique qu'on ne croyait plus possible aujourd'hui.
Le long de la verrière, pas d’organisation impérieuse mais une magistrale intuition qui fait se côtoyer des formes-êtres, se juxtaposer le très grand et le très petit, non par ordre d’importance mais parce que les appositions engendrent un équilibre mystérieux. La vie éclate dans la transparence arrachée à la glaise, grattée, essuyée. Si Barcelo a de ses dix doigts exploité la moindre part de la surface de glaise, le visiteur n’a pas assez d’yeux pour déceler les multiples vies dessinées. Le gigantisme, la profusion émerveillent d’une énergie sous-jascente, un peu folle. Un seul regret, l'œuvre est éphémère. Elle est visible le temps de l'exposition Sol y sombra.
Vidres de meravelles, "Le grand verre de terre" - œuvre éphémère réalisée par Miquel Barcelo, du 22 mars au 28 août 2016 - BnF