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Bordeaux : le design s’invite au musée des arts décoratifs

par Véronique Giraud
Un miroir du designer Felipe Ribon, posé sur la cheminée d'un salon de compagnie.  ©Giraud/NAJA
Un miroir du designer Felipe Ribon, posé sur la cheminée d'un salon de compagnie. ©Giraud/NAJA
Le charmant buste féminin s'harmonise avec les coupes Samos d'Enzo Mari (série
Le charmant buste féminin s'harmonise avec les coupes Samos d'Enzo Mari (série "Fatto a mano", 1973, éd. Danese). ©Giraud/NAJA
Le fauteuil Diamond, 1952, signé Harry Bertoia accompagne le clavecin d'une anti-chambre. ©Giraud/NAJA
Le fauteuil Diamond, 1952, signé Harry Bertoia accompagne le clavecin d'une anti-chambre. ©Giraud/NAJA
La théière bleue, (série
La théière bleue, (série "Indian Memories" - 1972) d'Ettore Sotssas est venue égayer le lit de la chambre jonquille de l'Hôtel de Lalande. ©Giraud/NAJA
"column light for Nilufar", une lampe du designer Fabien Cappello introduit une élégante modernité devant les boiseries du salon vert du musée des arts décoratifs de Bordeaux. Giraud/NAJA
Dans une chambre, une lampe conçue par Fabien Capello associée à la toile de Jouy d'un couvre-lit. ©Giraud/NAJA
Dans une chambre, une lampe conçue par Fabien Capello associée à la toile de Jouy d'un couvre-lit. ©Giraud/NAJA
Les couleurs de cette cafetière italienne viennent réveiller le mobilier d'un petit couloir. ©Giraud/NAJA
Les couleurs de cette cafetière italienne viennent réveiller le mobilier d'un petit couloir. ©Giraud/NAJA
Installation du projet
Installation du projet "Pet Lamp" créé par Alvaro Catalàn de Ocon - Set de 21 lampes - Esperara / Siapidara (Bogota, Colombie) présenté au musée des arts décoratifs du 18 mai au 30 octobre. ©Giraud/NAJA
Style de vie Design Publié le 18/05/2016
A Bordeaux, le musée des arts décoratifs est devenu aussi celui du design avec l’arrivée en 2013 de Constance Rubini. Pour la conservatrice et historienne de l’art, la continuité est une évidence. Une exposition en septembre prochain ouvre sur notre siècle.

Marqués par le XVIIIe siècle qui fut leur apothéose, les arts décoratifs ont un petit air aristocratique qui fut bousculé, en France, par l’École de Nancy au début du XXe siècle. Ils sont pourtant partie prenante de la richesse et de l’inventivité d’un pays qui leur accorde peu de place, peu de lieux. Le musée des arts décoratifs de Bordeaux n’échappe pas à la règle. N’échappait pas, plus exactement. Devenu, il y a peu, musée des arts décoratifs « et du design », il lie le passé au présent sous la houlette de Constance Rubini, nommée à sa tête en janvier 2013. En charge de la programmation du musée des arts décoratifs à Paris, la conservatrice fut également commissaire générale de la biennale du design à Saint Etienne.

Installé dans le très distingué Hôtel de Lalande, le musée ne pouvait rêver écrin mieux approprié que cet hôtel particulier du XVIIIe pour accueillir la collection de porcelaines, le mobilier et les objets sortis des ateliers et manufactures les plus prestigieux du royaume de France. On aurait pu en rester là, les conservatrices qui s'y sont succédé ont brillamment aménagé l’ensemble, au point que le visiteur a la sensation de pénétrer chez un grand bourgeois bordelais parti en villégiature dans sa maison de campagne. D’un salon à un autre, meubles et objets semblent avoir toujours été là, prêts à être utilisés par les convives d’un dîner, à accueillir les auditeurs d’un récital de clavecin ou de harpe, ou les amateurs de jeux de société.

Le visiteur attentif distingue toutefois au hasard de son parcours telle lampe, tel miroir, telle coupe, telle théière ou tel fauteuil évoquant clairement des techniques et inspirations très contemporaines, celles précisément qu’on attribue au design. Dans ce musée, « on passe de Marie-Antoinette à Jasper Morrisson ». C’est que « Dès l’origine en 1920, la ville achète des objets contemporains à des créateurs de la Société des artistes décorateurs. C’est ainsi que sont acquis un ensemble de Gibouin, un vase Lalique… » explique Constance Rubini. Dans les années 70, Jacqueline Du Pasquier, alors directrice du musée, a commencé à constituer une collection de design, des pièces emblématiques des XXe et XXIe siècles ont été acquises. Celles, entre autres, de deux rares femmes du groupe milanais Memphis qui, justement, se trouvent être bordelaises, pour Martine Bedin, et même fille de la conservatrice du musée pour Nathalie Du Pasquier. La première exposition Memphis en France a d’ailleurs au lieu dans le musée bordelais où, depuis trente ans, de grands noms du design sont exposés.

 

Une continuité évidente. Ce jeu entre ancien et moderne, cette bousculade visuelle, c’est précisément ce que Constance Rubini cherche à provoquer dans l’esprit du visiteur. Le visiteur averti comme l’étudiant en arts. Car il est bien naturel, alors que le musée couvre du XVIIIe au XXIe siècle, de construire cette histoire des arts décoratifs jusqu’à aujourd’hui. C’est ce qu'a entrepris ouvertement celle qui a accolé le nom « musée du design » à celui du lieu dont elle venait de prendre la direction, affirmant cette continuité. Les invités du musée sont d’ailleurs souvent des designers, confirmés ou débutants, à qui une salle ou un salon s’ouvre le temps  d'une exposition.

La conservatrice voudrait pourtant aller plus loin en occupant l’ancienne prison attenante à l’hôtel de Lalande qui fut, un temps, siège de la police. Aujourd’hui réserve du musée, elle pourrait demain accueillir son département design. Il y a là une belle opportunité pour envisager, avec l’aide de mécènes et de partenaires publics, la réhabilitation nécessaire du monument carcéral bâti au XIXe siècle et prolonger le musée actuel.

« Ce qui m’intéresse c’est qu’on comprenne que, dans les arts décoratifs, une partie du design en est la suite logique et chronologique, qu’il s’agisse de la création de mobilier ou des arts de la table » explique-t-elle. « Mais quand on aborde d’autres domaines, comme l’a montré l’exposition récente d’Octave de Gaulle qui montrait son projet de diplôme à l’ENSCI d’un intérieur de la station spatiale européenne, il y a un enjeu social autant que de design. Dessiner des objets tout en faisant abstraction de l’attraction de la gravité fait se heurter à d’autres problématiques d’autres questionnements. »

 

De l’artisanat d’art au design. Si le design a le vent en poupe et se pare de toutes les qualités, l’artisanat d’art a vécu des temps difficiles, relégué qu’il fut et est encore souvent dans l’unique savoir-faire. Pourtant le contenu même du design n’est pas plus évident tant il recèle de définitions et de champs d’application. On comprend alors que le visiteur et l’étudiant soient quelque peu perdus. La conservatrice semble prête à relever le défi de la clarification, elle qui déjà accueille dans son musée les jeudis du design et œuvre à ouvrir le regard et l’esprit des jeunes générations. « L’Iphone est un excellent exemple pour parler du design aux 12-25 ans : cet objet qu’ils ont tous les jours en main a été dessiné par des designers d’excellence. À l’intérieur du petit boitier, un réveil, une agence de voyage, un appareil photo. Toutes ces fonctions qui avaient des objets différents, amenaient des gestes différents. Qu’est-ce que cela veut dire du point de vue du design ? Je trouve intéressant de poser la question à cette génération. »

En attendant que le projet de musée se réalise, une première exposition de design aura lieu en septembre dans les salles de l'ancienne prison, offrant à cette dernière un propice changement de fonction.

 

Les expositions en cours au Musée des arts décoratifs et du design : Fabien Cappello, Variations autour de la lumière, jusqu'au 25 juillet 2016. Pet lamp project, installation visible jusqu'au 30 août 2016. 39 rue Bouffard - 33000 Bordeaux

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