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Mot de passe oublié ?Quand il est proposé à un artiste de concevoir une œuvre pour le majestueux et historique château de Versailles, il faut qu’il soit habitué au spectaculaire, et ne redoute pas la polémique. On ne touche pas impunément un tel monument, aujourd’hui lieu de prédilection des touristes du monde entier. Plusieurs artistes ayant exposé auparavant à Versailles en ont fait les frais, de l’américain Jeff Koons dont le « Homard » suspendu dans la galerie des Glaces n’avait pas été du goût de tous, à l’indien Anish Kapoor dont le « Vagin de la reine » avait subi l’an dernier plusieurs actes de dégradation. Avec le dano-islandais Olafur Eliasson, on s’attend davantage au consensus. Ses créations, toutes inspirées par la beauté et la fragilité de la nature et de l’humain, atteignent toujours la cible du bon sens commun. On se souvient en décembre dernier à Paris, à l’occasion de la Cop 21, de son installation spectaculaire Ice Watch Paris sur la place du Panthéon, avec laquelle l’artiste voulait sensibiliser le passant et les participants internationaux à l’inexorable et dramatique fonte des glaciers.
A Versailles, rien d’étonnant que les jardins aient inspiré Olafur Eliasson. En réponse à l’invitation de Catherine Pégard, la présidente du Château de Versailles, l’artiste y a conçu trois œuvres « brumeuses » qui, en trois lieux, soulignent les états de l’eau. Au centre du Grand Canal, il a fait surgir une gigantesque cascade avec plongeoir qui n'a rien du hasard : Eliasson en a calculé la hauteur afin qu'elle cache le soleil le 21 juin. Un peu plus loin, en s'approchant du bosquet de l’étoile, le visiteur peut choisir de disparaître sous l’épaisse brume rafraichissante de sa Fog Assembly. Quant à la fontaine du bosquet de la Colonnade, elle se retrouve étrangement figée, remplie symboliquement de la boue de poussière minérale qui reste quand un glacier a fondu, devenant Glacial rock fleur garden. Et l’artiste n'a pas seulement investi l'eau des jardins, il a fait aussi quelques irruptions à l’intérieur du château, dans les salons. Inspiré cette fois par la lumière et le soleil, il a conçu d'élégants jeux de miroir et de reflets dans lesquels le visiteur laissera prendre son image.
On ne peut que louer l’à propos de ces interventions sur l’eau et la lumière du soleil, dans un site dont les jardins recélaient le mécanisme exceptionnel de « grandes eaux » qui rendaient spectaculaires les fêtes données, et dont le château avait été imaginé pour honorer un monarque se faisant appeler le Roi-Soleil…
L’artiste, qui a les honneurs de la République pour son patrimoine royal, n’est pas un inconnu en France. Le Centre Pompidou compte quelques-unes de ses œuvres dans ses collections et a récemment acquis, dans sa collection design, la Little sun de 2014, qu'Eliasson a récemment déclinée en Green Light. L’artiste est à l'aise dans le faste : invité en 2014 à participer à l’inauguration de la Fondation Vuitton, son exposition Baroque, baroque occupait jusqu’en mars dernier le beau Palais d’hiver du Prince Eugène à Vienne.
Olafur Eliasson au Château de Versailles, du 7 juin au 30 octobre 2016.