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Mot de passe oublié ?Adel Abdessemed s’empare sans détour des violences et des turbulences du monde contemporain. Elles lui ont inspiré ses carcasses de voitures moulées et cuites au four, ses rangs de fils de fer barbelés ponctués de lames de rasoir… Repéré dans les années 2000, l'artiste eut sa première exposition personnelle dans une galerie de Milan et gravita très vite sur la scène internationale, de New-York à Tel Aviv. Le Centre Pompidou a organisé une rétrospective à Paris en octobre 2012.
En 1994, alors étudiant à l'école des Beaux-Arts d'Alger, il fuit son pays après l'assassinat par les islamistes du directeur Ahmed Asselah et de son fils, dans l'enceinte de l'établissement. Il part en France où il poursuit ses études aux Beaux-Arts de Lyon dont il sort diplômé.
S’il se réfère à la puissance d’œuvres anciennes, telles le retable de Grünewald à Issenheim ou le Guernica de Picasso, il a inventé sa propre écriture de la cruauté, de la souffrance et de la figure humaine. Une écriture puissante. Ses sculptures surdimensionnées, ses vidéos défiant les tabous, ses christs fabriqués de barbelés sont autant de marqueurs.
Cet été, la Collection Lambert en Avignon lui a fait les honneurs du bel Hôtel de Caumont. Alors que se déroulait un festival très politique, il était invité aux côtés de deux autres artistes qui apportent leur tribut à la violence du monde : Serrano et ses photos des prisons de Guantanamo, Amos Gitaï et ses incursions autobiographiques sur fond d’images de l’assassinat d’Yitzhak Rabin. Dès la cour du musée, deux sculptures monumentales de bronze d'Adel Abdessemed imposent au visiteur, du haut de leurs cinq mètres, le souvenir du Coup de boule que Zidane porta à Materazzi lors de la finale de la Coupe du monde de football de 2006. À l’étage, parmi la dizaine d'œuvres majeures présentées, l’œil est happé au fond d’une enfilade de pièces par la vision d’une petite fille nue criant sa peur et sa douleur. Savamment composée de morceaux d’ivoire, la sculpture Cri (2012) fait resurgir grandeur nature la célèbre photographie noir et blanc de La jeune fille brûlée au napalm (1972), devenue le symbole de la guerre du Vietnam. Plus loin, avec le même procédé, celle aussi célèbre de L’enfant du ghetto de Varsovie (1943) est devenue pour l’artiste Mon enfant (2014). Ces interprétations, si gracieuses soient-elles, mettent le spectateur face aux traumatismes de la guerre. Au mur, une série de cercles composés de fils barbelés. Le parcours s’achève avec "Histoire de l'art", un Crucifix dont la tête émerge d’un magma de barbelés, tandis que plus loin, un pigeon métallique est posé sur une barricade, ceinturé de bâtons de dynamite. Tout dans son œuvre semble avoir touché Adel Abdessemed personnellement, profondément. Et nous touche à notre tour. La douleur que le monde lui inspire semble attiser en lui la nécessité de réécrire, avec son vocabulaire efficace, ce qui l’a causée. Sans répit.
Adel Abdessemed, présentation d’une sélection d'œuvres majeures, du 6 juillet au 6 novembre 2016, Collection Lambert en Avignon, 5 rue Violette, 84000 Avignon.
Né en 1971 à Constantine, Adel Abdessemed entreprend des études d’art, d’abord à Batna puis à Alger. Il a vingt ans lorsque commence la vague d’actes terroristes qui plonge le pays dans la guerre civile pendant une décennie. Il quitte l’Algérie en 1994 après l’assassinat du directeur de son école et vient poursuivre ses études en France, à l’École des Beaux-arts de Lyon. Après des séjours à Berlin et New-York au début des années 2000, il est aujourd’hui l’un des jeunes fers de lance de la fondation François Pinault.