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Les musées en manque de recettes

par Jacques Moulins
Entrée réservée aux réceptions au nouveau Musée des Confluences à Lyon © Mucchielli/Naja
Entrée réservée aux réceptions au nouveau Musée des Confluences à Lyon © Mucchielli/Naja
Arts visuels Arts plastiques Publié le 29/09/2016
Les attentats et la chute conséquente du tourisme affectent différemment les musées français qui se sont lancés, depuis une bonne décennie, dans une politique offensive de recettes propres liée à l’augmentation importante des expositions et des budgets.

Les conséquences des attentats qui ont endeuillé la France en 2016 se font sentir dans la culture. Sur les huit premiers mois de l’année, selon les données du ministère des affaires étrangères, la fréquentation touristique du pays accuse une baisse de 7% par rapport aux mêmes mois de l’année 2015 qui fut une année record avec 84,5 millions de visiteurs. Cette diminution affecte en fait peu les régions françaises (moins 0,9%). C’est Paris qui accuse une chute brutale de 10%, suivie de Nice après les attentats du 14 juillet dernier. En revanche, les sondages donnent une hausse de la fréquentation touristique intérieure, celle-ci plus difficile à chiffrer.

Les musées faisant le plus souvent partie des étapes obligées lors des voyages, les chiffres de leur fréquentation sont eux aussi en baisse, les parisiens accusant particulièrement le coup de la baisse touristique. Le Louvre, dont trois visiteurs sur quatre sont étrangers, a vu ainsi sa fréquentation chuter de 20% au premier semestre. Le lieu le plus visité de France affichait l’an passé 8,7 millions de visiteurs (9,3 millions en 2014).

 

Multiples facteurs. La fréquentation touristique est un facteur majeur, mais n'est pas la seule explication. Outre la querelle sur le comptage en « visites » ou en « visiteurs », il faut nuancer ces données de plusieurs critères. D'abord, l’attrait du public varie selon le contenu des expositions temporaires et la concurrence des autres établissements culturels. Les grandes expositions des musées peuvent faire varier les visites du simple au double. Ensuite, la mission de l'établissement est à prendre en compte. Ainsi le Centre Pompidou, fréquenté par les étudiants parisiens et un large public francilien est moins touché par la baisse, son président indiquant - 7% sur les six premiers mois par rapport à ses 3,06 millions de visiteurs de 2015, mais une hausse de 2% par rapport à 2014. Enfin la différence entre capitale et région est notable. Les musées en régions, qui accueillent 30 millions de personnes par an, sont en effet peu touchés. Et le festival d’Avignon, autre référence culturelle d’importance, affiche même une hausse de 6,5% de sa fréquentation au mois de juillet 2016.

 

Recettes propres. La baisse des fréquentations entraîne cependant un manque à gagner qui va d’autant plus peser dans la gestion des budgets, que ceux-ci sont de plus en plus serrés et que l’État ne prévoit pas pour l’instant de compensation. Le projet de loi de finances pour 2017, présenté mardi 27 septembre par le ministre de l’économie Michel Sapin, annonce bien une légère hausse de la mission Culture (2,7 milliards d’euros contre 2,53 en 2016) et de la mission Médias, livres et industries culturelles (à 570 millions contre 560 en 2016). Mais celles-ci ne visent pas particulièrement les établissements culturels publics.

D’un point de vue strictement gestionnaire, la baisse des entrées est d’autant plus regrettable que les établissements culturels développent depuis une décennie une politique de recettes propres qui porte aujourd’hui ses fruits. Pour les musées nationaux, ces recettes dépassent les 50 % de leurs budgets, grâce bien sûr à une politique attractive envers les visiteurs, mais également à une valorisation de la marque, notamment à l’international, à des partenariats plus nombreux et plus diversifiés, à des coproductions, à une politique d’édition et de commercialisation de produits propres, de locations d’expositions ou d’œuvres vers des musées étrangers, mais également à une limitation des exonérations et invitations qui a provoqué quelques polémiques, notamment concernant les enseignants au Louvre.

 

Le musée, véritable entreprise. Cette politique du musée-entreprise dirigé par un gestionnaire, là où les siècles précédents ne voyaient qu'un musée en charge de la conservation des œuvres, n’est pas forcément du goût de tout le monde. Les réticences en interne sont là pour le prouver. La valorisation des collections et l'organisation d'expositions à dimension internationale demandent aujourd'hui des budgets imposants qu'il est difficile d'imaginer portés par les seules ressources publiques. D'où un équilibre nouveau à trouver pour ces établissements. Remis en mars 2015, un rapport conjoint des inspections générales des finances et des affaires culturelles (*) notait ainsi la nécessité de « trouver le bon compromis entre missions de services publics et activités commercialement valorisables ». Les nouveaux aménagements ou nouvelles édifications ont largement intégré cette préoccupation dans leur cahier des charges. Tel le tout jeune musée des Confluences à Lyon qui a ainsi été conçu avec des espaces privatisables pour les réceptions des sponsors.

 

 (*) Évaluation de la politique de développement des ressources propres des organismes culturels de l’État, mars 2015.

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