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Lampedusa, à la porte de l’Europe et au cœur de « Fuocoammare »

par Véronique Giraud
L'affiche du documentaire
L'affiche du documentaire "Fuocoammare" de Gianfranco Rosi. DR
Samuele  (à droite) .DR
Samuele (à droite) .DR
"Fuocoammare" de Gianfranco Rosi. DR
"Fuocoammare" de Gianfranco Rosi. DR
Cinéma Documentaire Publié le 29/09/2016
En ce mois de septembre, Lampedusa marque la création. Depuis "L’opticien de Lampedusa" d'Elma-Jane Kirby au documentaire magistral de Gianfranco Rosi, "Fuoccamare, par-delà Lampedusa", projeté dans les salles en France depuis le 28 septembre.

Alors qu’elle doit faire face quotidiennement à la tragédie des migrants, et juste avant de rejoindre la maire de Paris à la table ronde organisée le 16 septembre à l’opéra Bastille sur la politique des villes pour accueillir les réfugiés, la maire de la ville italienne de Lampedusa, Giusi Nicolini, a eu ces paroles : « nous avons besoin de la politique, nous avons besoin de l’art, de la littérature pour en faire une expérience collective, pour intégrer dans notre propre histoire ce flux migratoire. Ainsi on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas ». Pour nous qui sommes plus habitués aux discours et aux effets d’annonce, ce point de vue d’un maire n’est pas commun. Et réconfortant.

Et en ce mois de septembre 2016, Lampedusa est bien au cœur de la création. Depuis le récit de la journaliste anglaise Elma-Jane Kirby, qui est sortie de son métier pour prolonger et approfondir son expérience avec L’opticien de Lampedusa, sorti en librairie le 1er du mois, jusqu'au film de Gianfranco Rosi, Fuoccamare (en France : Par-delà Lampedusa), projeté dans les salles en France depuis le 28 septembre. Auparavant, en février, l’artiste anglais Jason Decaire Taylor avait installé   le premier musée sous-marin d’Europe au large de l’île espagnole de Lanzarote, intitulant l’une des scènes Radeau de Lampedusa. De nombreux artistes plasticiens n'ont pu que s'en emparer dans leurs œuvres. Et le cinéaste italien Gianfranco Rosi n'a pu rester longtemps loin de l'île, il y a posté sa caméra pendant plus d'un an en 2015.

 

Fuocoammare. Le cinéma documentaire peut être autrement percutant quand il est fait avec art et méthode. Et le dernier long-métrage de Gianfranco Rosi, actuellement en salles, en est un bel exemple. Le cinéaste est resté plus d’un an sur l’île de Lampedusa. Il est arrivé en hiver, le centre d’accueil des migrants était fermé, c’est donc la vie sur l’île qu’il a observée et sa caméra a suivi un enfant de 12 ans, Samuele. Dès les premiers plans, on est très loin de la fureur médiatique, des images mélodramatiques, alarmistes, des témoignages tempétueux ou compassionnels, auxquels les médias nous ont habitués. Les paysages rocailleux défilent, le garçon se fabrique méthodiquement un lance-pierre, puis sillonne les chemins qui surplombent les falaises. Le silence et la brume installent une atmosphère plombée, isole. On comprend l’intention du cinéaste de nous rendre familière et banale cette île qui, depuis les téléviseurs du monde, est devenue maudite.

L’île, avec Samuel et quelques-uns de ses proches, tient le premier rôle. Le second est incarné par la chaîne des sauveteurs qui s'est improvisée puis systématisée, depuis la méthodique et héroïque récupération des corps, vivants et morts, sur mer et dans les airs, aux soins prodigués sur terre par un médecin non moins héroïque. Le troisième ingrédient du film est ce que le sauvetage des migrants nous apprend sur leur calvaire, quand ils se retrouvent loin de leur embarcation, miraculés. De tout cela, le cinéaste saisit des images non préméditées et en fabrique une histoire. Une histoire d’aujourd’hui, telle qu’elle n’est jamais racontée. Parce qu’il faut du temps et du talent pour saisir ces portions d’existence, ces fulgurances, tout en maintenant un parti pris distancié. Il faut du temps pour en comprendre les arcanes, puis en composer un récit d’images d’une surprenante élégance. Un de ces récits qui pénètrent dans nos veines, lentement et pour longtemps.

Fuocoammare, par delà Lampedusa de Gianfranco Rosi, Ours d'Or au festival de Berlin la Berlinale 2016.

 

 

 

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