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« La fille de Brest », thriller d’une société empoisonnée

par Véronique Giraud
L'actrice danoise Sidse Babett Knudsen incarne magnifiquement la pneumologue Irène Frachon, lanceuse d'alerte du Médiator
L'actrice danoise Sidse Babett Knudsen incarne magnifiquement la pneumologue Irène Frachon, lanceuse d'alerte du Médiator
Cinéma Film Publié le 21/11/2016
Raconter et faire comprendre le combat d'une femme médecin ayant soulevé un scandale sanitaire et poussé sur le banc des accusés un géant de l'industrie pharmaceutique n'est a priori pas très sexy. En lui donnant la forme d'un thriller palpitant, Emmanuelle Bercot a touché juste. "La fille de Brest", comme Irène Frachon, ont fait date.

La pneumologue Irène Frachon a été la première en France à être qualifiée de lanceuse d’alerte, le dysfonctionnement qu’elle a mis à jour en 2007 a engendré le très médiatisé scandale du Mediator, médicament fabriqué par les laboratoires Servier. Mais que sait-on du combat de cette femme, médecin pneumologue au CHU de Brest et mère de quatre enfants ? Son livre Mediator 150 mg Combien de morts ?, paru en 2010, a été salué par un procès en référé intenté par les laboratoires Servier pour demander la censure du sous-titre.

La réponse cinématographique aurait pu prendre la forme du documentaire. Mais la réalisatrice Emmanuelle Bercot, inspirée par l'ouvrage et la personnalité d'Irène Frachon, assistée par Séverine Bosschem pour écrire le scénario, en a fait un vrai thriller. Et elle a choisi des acteurs exceptionnels. Sans prendre toutes les recettes du biopic et offrir l’étoffe d'une héroïne, la réalisatrice a su distiller des images coup de poing d’une femme dans son enthousiasme fantasque, capable de s’aventurer dans des chemins inconnus, ne perdant jamais l’objectif de protéger les malades qu’elle s’est fixé, un temps fragilisée par le doute et la souffrance de l’acharnement contre elle, entêtée, dont les audaces sont nourries à sa naïveté. Magnifiquement incarnée par l'actrice danoise Sise Babett Knudsen qui lui prête sa joviale simplicité, l'éclat de son sourire, un regard bleu où brille l’honnêteté.

À travers le combat d’Irène Frachon, obstinée mais seule, on perçoit à la fois l’arrogante défense d’un géant de l’industrie pharmaceutique mis sur le banc des accusés et l’impuissance du malade face à la terrifiante machine des experts et de la justice. Et c'est toute la difficulté de faire un tel film. Celui d'Emmanuelle Bercot parvient à faire comprendre des mécanismes complexes.  Car c'est bien contre les failles d’un système qu’Irène Frachon a combattu, seule ou presque. Et c’est pour la protection des malades qu’elle s'est engagée dans ce combat. Cet objectif humain est incarné à l’écran par Corinne, dont le corps et le visage sont montrés en gros plan. Un corps gonflé et épuisé, un visage au beau sourire et aux yeux désespérés.

Alors que l’affaire n’est pas soldée, les procédures d’indemnisation trainent en longueur, retracer le combat de celle qui alerta les médecins et l’autorité sanitaire qu’un médicament, le Médiator, était en train d’empoisonner les patients et non les soigner, était délicat. Cinq millions de personnes ont utilisé ce médicament, d’abord prescrit pour soigner l’obésité des diabétiques puis, pendant trente ans, comme simple coupe-faim. « Ce qu’il faut bien comprendre c’est qu’il ne s’agit pas de malades, mais de gens empoisonnés », insiste la pneumologue Irène Frachon. Les centaines de personnes souffrant de graves lésions des valves cardiaques et d’hypertension artérielle pulmonaire, une pathologie rare et incurable, ont besoin d’être reconnues comme victimes pour se reconstruire. Le film y contribue sans aucun doute et fait trace de l’implication du docteur Frachon, parvenue à faire évoluer les choses, fait trace pour comprendre comment on en est arrivé là.

L’ONIAM centralise depuis 2011 les demandes d’indemnisation des malades. 9000 dossiers ont été déposés. Des dossiers longs à traiter alors que l'espérance de vie des victimes a été diminuée par le traitement.

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