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Mot de passe oublié ?Avec le Quidditch, Harry Potter descend sur terre
Verra-t-on un jour Harry Potter évoluer sur le tapis vert d’un stade bien réel ? Rien n’est moins sûr, encore que, sait-on jamais, avec un magicien... En revanche il y a une certitude, depuis une dizaine d’années maintenant, son sport favori, le Quidditch, se propage tout autour de la planète et compte de plus en plus d’adeptes.
Dans la fiction de Joanne Rowling, le Quidditch fait l’objet d’une coupe du monde. Chaque équipe compte sept joueurs chevauchant des balais volants. L'objectif est de terminer la partie avec plus de points que l'adversaire en marquant des buts, c’est-à-dire en faisant passer une balle dans l’un des trois cerceaux du camp adverse, et en attrapant une balle magique, le Vif d’or. Dans la fiction, un match peut durer des mois et comporte des risques mortels pour les joueurs. Dans la vraie vie, la durée d’une rencontre n’est pas non plus déterminée, c’est aux organisateurs d’en fixer la limite et, si le Quidditch est un sport de balle et de contacts, à mi-chemin entre le handball et le rugby, il ne peut être en aucun cas létal, bien entendu.
Des règles transposées pour la vie réelle. Difficile d’imaginer les joueurs à califourchon sur des balais volant dans les airs ; les règles ont été transposées évidemment, mais à partir d’un corpus imaginé par l’auteure de la fiction et mis en ligne sur le site Harrypottermore : Histoire de la coupe du monde de Quidditch. Le sport se pratique sur un stade donc et, le balai est remplacé par un tube en PVC que chaque joueur doit tenir entre ses jambes sous peine de se mettre hors-jeu. Les équipes sont composées d’un gardien, de trois poursuiveurs, de deux batteurs et d’un attrapeur. Pour les balles mises en jeu, la terminologie de Harry Potter est respectée. Les deux équipes se disputent le Souafle, de taille d'un ballon de handball, pour marquer des buts. En cours de match le Vif d’or entre en jeu. Dans la fiction, il s’agit d’une balle de la taille d’une noix, munie de petites ailes, qui virevolte autour des joueurs et dont la capture assure à coup sûr la victoire. Dans la version terrestre du jeu, le Vif d’or est une balle de tennis fixée à la taille d’un joueur neutre et le bonus qu’elle procure a été limité pour laisser à l’équipe qui ne s’en saisit pas une chance de gagner.
Le palmarès de la France. En France, une fédération regroupant aujourd’hui une vingtaine de clubs s’est constituée en 2012, sept ans après l’apparition de ce sport aux Etats-Unis. Elle affiche déjà un palmarès honorable. Elle s’est classé 5e à la coupe du monde 2016 à Francfort (Allemagne), un an après avoir remporté la médaille d’or à la coupe d’Europe des nations qui s’est déroulée à Sarteano, en Toscane (Italie). Difficile de savoir avec exactitude combien le Quidditch compte de pratiquants dans le pays, toutes les associations ne sont pas affiliées à la fédération mais, Camille Reynaud, poursuiveuse et vice-présidente du Paris Frog Quidditch , estime qu’il y a une trentaine de clubs aujourd’hui, la pratique ne cessant de s’étendre. « Les joueurs du Quidditch ont entre 20 et 40 ans, estime-t-elle, environ la moitié viennent du milieu universitaire et, pour les autres il s’agit essentiellement de jeunes actifs ».
Des Harry Potter natives. Les adeptes du Quidditch sont donc soit des Harry Potter natives, soit des personnes qui en ont été les premiers lecteurs, le tome 1 de la série ayant été publié en 1998. Pour autant, la seule Harry Potter mania explique-t-elle l’engouement que connaît cette pratique ? En partie seulement, si l’on en croit Camille Reynaud. « Ce qu’aiment les joueurs c’est l’esprit communautaire, le côté inclusif de ce sport dont la pratique est prolongée par des réunions festives, des dîners, des rencontres, des sorties très chaleureuses. » Audrey Tuaillon-Demésy, sociologue, spécialiste du sport, enseignant au STAPS (Sciences et techniques des activités physiques et sportives) Franche-Comté à Besançon, travaille sur le sujet depuis bientôt deux ans. Spécialisée dans l’étude des recréations d’activités physiques, notamment dans le cadre de reconstituions historiques, elle « essaye de comprendre le processus de recréation de cette activité au départ issue de la fiction, comment on part d’une activité imaginaire pour la transposer dans le réel et pourquoi. »
Des valeurs qu'ils ne retrouvent pas ailleurs. Pour elle, ce que recherchent les joueurs, c’est avant tout un sport innovant et des valeurs, celles de la fiction qu’ils ne retrouvent pas ailleurs. « Beaucoup de joueurs viennent d’un autre sport, se disent déçus de l’état d'esprit qui y règne, ne se reconnaissent pas dans les valeurs qu’ils incarnent, rapporte-t-elle. Ce qui les attire c'est le fairplay, l’amitié, la tolérance, la mixité sociale. Ils récupèrent une partie des valeurs qu’on retrouve dans les romans ou dans les films et les transposent dans le réel ».
Les genders sur le terrain. Pour la sociologue, « c’est la première fois qu’un sport émerge d’une fiction », mais cela traduit certainement aussi des évolutions sociétales. Les équipes de Quidditch doivent être obligatoirement mixtes, un même genre ne pouvant être représenté par plus de quatre joueurs en même temps sur le terrain. Un même genre, et pas un même sexe. « L’accent est mis non pas sur la distinction homme-femme mais bien sur le genre : agenres, transgenres, intersexes, etc., souligne Audrey Tuaillon-Demésy, tout en remarquant, qu’il y a un attachement beaucoup plus marqué à cette règle dans les pays anglo-saxons qu’en France ».
Être reconnu en tant que sport. Alors le Quidditch, un sport en devenir ou une simple activité physique ? Pour l’instant il lui reste à gagner du galon pour être reconnu officiellement en tant que sport par le ministère de la jeunesse alors que c’est déjà le cas dans la plupart des autres pays. Une demande d’agrément a été déposée et rejetée, c’est pour cela qu’il y a une Fédération du Quidditch français et non pas une Fédération française du Quidditch, malgré la performance physique et sportive que nécessite le jeu. « Notre dossier n’a pas été validé car nous n’avons pas assez de licenciés, environ 200, explique Camille Reynaud, mais la question du genre nous a aussi été opposée, pour les autorités sportives c’est quelque chose de nouveau auquel elles ne sont pas préparées ». Pour être reconnu, le Quidditch français aurait-il besoin d'un coup de baguette magique ?
