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Gastronomie et numérique, des ingrédients culino-compatibles ?

par Pierre Magnetto
Les nouveaux fromagers, une sélection de fromages achetée en ligne, livrée sur un plateau.
Les nouveaux fromagers, une sélection de fromages achetée en ligne, livrée sur un plateau.
Prêt à pousser, des kits pour cultiver des champignons en appartement.
Prêt à pousser, des kits pour cultiver des champignons en appartement.
La ruche qui dit oui, un moyen coopératif d'acheter des produits directement aux producteurs locaux.
La ruche qui dit oui, un moyen coopératif d'acheter des produits directement aux producteurs locaux.
Deliveroo, le secteur de la livraison de repas à domicile en forte concurrence.
Deliveroo, le secteur de la livraison de repas à domicile en forte concurrence.
Cook angels, des kits repas prêts à préparer en 30 minutes.
Cook angels, des kits repas prêts à préparer en 30 minutes.
Style de vie Gastronomie Publié le 04/01/2017
La force de la créativité et du goût d’un côté, la puissance du modèle mathématique de l’autre, on pourrait croire que tout oppose la gastronomie et le numérique. Pourtant, plus aucun secteur ne peut faire l’économie de sa transition digitale, même celui de la gastronomie et de l’alimentation avec des technologies qui bouleversent tout autant les modes de production, de transformation, de distribution que de consommation.

Sans ce dîner chez une amie commune, Joy Solal et Charlotte Sieradzki ne se seraient peut-être jamais rencontrées et, dans ce cas, leur startup Cook angels créée en 2012 n’aurait jamais vu le jour. « Au cours de ce repas, nous nous sommes découvert deux passions communes, la gastronomie et faire la cuisine, mais aussi une frustration partagée, celle de ne pas avoir le temps de cuisiner à la maison à la fin d’une journée de travail », explique Joy Solal. Après de multiples échanges, d’autres rencontres, les deux jeunes femmes ont élaboré leur concept, livrer à domicile des kits-repas prêts à cuisiner, composés d’une recette originale et de tous les ingrédients prédosés, prédécoupés, épluchés, etc. nécessaires à sa réalisation en moins d’une demi-heure.

L’alliance de l’alimentation et des nouvelles technologies. Dans le monde en pleine ébullition des startups, Cook angels est considérée comme une jeune pousse très prometteuse. Elle excelle dans le secteur en pleine expansion de la FoodTech qui consacre l’alliance des métiers de l’alimentation et des nouvelles technologies. Plus aucun secteur n’échappe à ce qu’on appelle la transition numérique et pour les gourmets et défenseurs des traditions culinaires, peut-être que la cuisine représentait un dernier sanctuaire. Mais il n’en est rien. Au pays qui a vu son repas-modèle érigé au rang de patrimoine mondial immatériel de l’humanité, c’est justement sur un regain supposé du public pour la cuisine que se développe cette nouvelle économie.

La gastronomie chére aux médias. La gastronomie a toujours eu bonne presse et le phénomène n’est pas nouveau à proprement parler. Depuis longtemps elle tient sa place dans les médias. A la télévision d’abord, avec aujourd’hui des émissions aux ambitions diverses, des Carnets de Julie à Top chef, en passant par Un dîner presque parfait et bien d’autres. Même fièvre aussi dans le milieu de l’édition de presse où les titres consacrés à la cuisine se sont multipliés. La toile a sans tardé décliné les mêmes recettes avec des sites devenus de véritables encyclopédies, Petit marmiton ou 750 grammes pour n’en citer que deux, qui de plus ont pour la plupart créé leur propre chaîne sur Youtube, y diffusant des tutoriels. Leur succès d’audience témoigne en tout cas après les années fast-food du retour en force du fait maison.

L’amour du produit frais et de qualité. Un fait maison sur lequel mise justement Cook angels. Mais cette tendance en cache une autre, celle de l’amour de plus en plus assumé d’une part de la population pour des produits frais, des produits du terroir et de qualité. Et dans un contexte où le manque de temps pour s’approvisionner est souvent synonyme de renoncement, certains ont pris les devants grâce à la vente en ligne. Par exemple, Culinaries a sélectionné des producteurs de boucherie, de charcuterie, de produits de la pêche ou de laitages, clairement identifiés sur son site, et propose leurs produits frais à la vente. Les nouveaux fromagers ont eux aussi développé un concept similaire en proposant entre autres formules, une box mensuelle, chaque fromage étant accompagné d’un livret de dégustation. Mon marché, P’titmarché, Au jardin de la rivière… dans le sillage des Associations de maintien à l’agriculture paysanne (AMAP) d’autres ont fait le choix du panier de fruits et légumes, le plus souvent issus d’une agriculture biologique ou durable.

La référence aux chefs étoilés. Comme gage de la qualité de leurs produits, certains mettent en avant le fait qu’ils font appel aux mêmes fournisseurs que des grands chefs. C’est en tout cas un des arguments de Cook angels qui fait ses courses auprès des fournisseurs de Nicolas Beaumann (Maison Rostang à Paris, 2 étoiles au Michelin), ou de Culinaries qui profite des producteurs sélectionnés par Thierry Marx (Sur mesure à Paris, 2 étoiles) ou encore par Pierre Gagnaire (3 étoiles).

De nouvelles pratiques. La FoodTech c’est aussi de nouvelles pratiques, de nouveaux comportements. Cookening revisite la formule des tables d’hôte, proposant à ses clients une mise en relation avec des habitants à leur domicile pour cuisiner ensemble ou mettre directement les pieds sous la table. Prêt à pousser propose de cultiver soi-même en appartement des herbes aromatiques, des champignons et bientôt, promet-il, des salades grâce à des kits tout préparés qu’il ne reste plus qu’à arroser comme indiqué sur la box vendue en ligne. De son côté, La ruche qui dit oui a investi le modèle coopératif avec des implantations dans toutes les régions, pour permettre aux consommateurs de se regrouper pour acheter les produits auprès des producteurs locaux.

Toute la filière de l’alimentation concernée. Le monde de la FoodTech c’est aussi des innovations conçues pour les professionnels. La startup Wynd, par exemple, a développé un logiciel à destination des franchises de la restauration en France. Son objectif est d’aider les enseignes à digitaliser leur restaurant. En réalité, aucun maillon de la chaîne agroalimentaire n’est épargné, de la production à la transformation en passant par la distribution et la consommation. Et si les Français sont fiers de leur gastronomie, sur le plan de la FoodTech la compétition est mondiale. Selon la revue spécialisée l’Usine digitale, on compte plus de 3 500 startups dans ce secteur à travers le monde. Durant ces trois dernières années, les investisseurs spécialistes de l’innovation ont engagé 38 milliards de dollars (35,8 milliards d’euros) dans la FoodTech. Et c’est sur le secteur des livraisons de repas à domicile, le food delivery, que la concurrence apparaît la plus acharnée puisque 31% de ces investissements sont allés à des startup comme Foodora, Allo resto, deliveroo… Mais les startups françaises de la FoodTech n’ont attiré que 0,45% de l’investissement mondial ces trois dernières années, alors que dans le même temps la France compte pour 8% du PIB mondial dans l’agroalimentaire. La gastronomie française serait-elle en train de perdre de sa superbe sur le terrain de l’innovation ?

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