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La Maison Rouge, clap de fin sur un art brut, décalé, populaire ?

par Véronique Giraud
La Maison Rouge - Fondation Antoine de Galbert, au 10 boulevard de la Bastille. DR
La Maison Rouge - Fondation Antoine de Galbert, au 10 boulevard de la Bastille. DR
Arts visuels Arts plastiques Publié le 08/01/2017
Il l'a annoncé officiellement hier, Antoine de Galbert fermera la Maison Rouge fin 2018. En ouvrant il y a quatorze ans ce lieu d'exposition singulier, le collectionneur et mécène a fait entrer dans Paris un souffle d'art régénérant qu'on ne voudrait pas voir étouffé. Retour sur une aventure peu ordinaire.

Le collectionneur et mécène Antoine de Galbert a annoncé publiquement mercredi 11 janvier sa décision de fermer la Maison Rouge dans un an, à la fin de l’année 2018. À ceux qui seraient tentés d’en déduire que le passionné d'art qui hérita d’une partie du patrimoine du groupe Carrefour jette l’éponge en raison de difficultés financières, Antoine de Galbert affirme : « Je ne suis ni malade, ni ruiné ». Et quand on lui demande pourquoi il a décidé cette fermeture : « Parce que je ne vois pas comment nous pourrions faire mieux ». Une réponse étonnante qui pousse à revenir sur l’effet Maison Rouge. Ce qu’elle représente, ce qu’elle défend et à quoi elle a contribué pour la société.

Après avoir fermé sa première galerie d’art à Grenoble, où il est né, Antoine de Galbert a remodelé à Paris une ancienne usine du boulevard Bastille pour y abriter en 2004 sa collection d'art personnelle et la fondation qui porte son nom. Sous la direction de Paula Aisemberg, il a ouvert ce lieu au public au rythme de plusieurs expositions annuelles. Un espace d’exposition supplémentaire pour encourager le marché de l’art ? Non, un lieu culturel pour faire connaître et reconnaître un art brut, singulier, populaire, à la marge. Un art qui n'a pas de reconnaissance officielle en France, excepté à la Halle Saint-Pierre que Martine Lusardy, ardente défenseure de ces productions et de leurs auteurs, dirige depuis 2000, et le LAM de Villeneuve d'Asq, qui accueille depuis .

 

Un certain courage. « Je crois qu’il fallait un certain courage pour s’engager dans l’aventure » témoigne Antoine de Galbert aujourd’hui. Il en faut en effet pour exister à côté des grandes griffes de l’art contemporain où il est plus question d’argent que d’esthétiques et d’émotions. Alors que la Collection de l’art brut a depuis 1976 son unique musée à Lausanne et que l’art populaire trouve depuis peu grâce en France, on peut mesurer le pas de géant que la Maison Rouge a franchi en treize ans.

Ouvrir un élégant espace parisien à la singularité d’un art fragile et méconnu, souvent anonyme, en prêter les clés une fois l’an à un de ses collectionneurs (Arnulf Rainer, Sylvia Perlstein, Augustin et Isabel Copel, Guy Schraenen, Bruno Decharme, Walther…), donner carte blanche aux artistes (Dieter Appelt, Mounir Fatmi, Felice Varini, Christian Boltanski, Céleste Boursier-Mougenot, Chiharu Shiota, ou actuellement Hervé di Rosa), ou faire voyager dans une ville lointaine juste pour humer un nouvel air (Winnipeg, Johannesburg, Buenos-Aires), est une démarche singulière, décalée, voire à contre-courant. C’est sans doute pour cela que la Maison Rouge laissera la trace de son passage. C’est aussi pour cela qu’on ne peut que regretter que le lieu, qui a ouvert les yeux à quelque 100 000 visiteurs chaque année, ferme ses portes.

Certains de ces visiteurs ont pu se réconcilier avec un art contemporain dont ils se sentent exclus tant il s’adresse à l’élite. Ils y ont été placés face à l’essence même du geste artistique, face à leur propre pouvoir de créer et de communier avec des productions conçues sans aucun a priori, pas même celui d’être regardées. Pas simple de défendre un tel art. Si la Maison Rouge est devenu un haut lieu d’exposition parisien, adulé par les médias traditionnels, c’est sans doute parce qu’elle portait ce degré d’incompréhension inhérent à toute forme d’art. La Maison Rouge n’a jamais voulu enfermer l’art, elle a au contraire ouvert des vannes. Il serait magnifique que les pouvoirs publics rebondissent sur ce trésor et lui offrent une continuité. Antoine de Galbert leur donne un an.

 

La Maison Rouge, 10 boulevard de la bastille - 75012 Paris

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