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Caroline David : « Futurotextiles réunit culture et industrie »

par Véronique Giraud
Carolone David @ Maxime Dufour
Carolone David @ Maxime Dufour
Hors-Champs Croisement Publié le 19/01/2017
Caroline David a une longue carrière dans l'art contemporain dans le Nord Pas de Calais. Elle a élaboré pour Lille3000 une exposition, Futurotextiles, où les innovations scientifiques et industrielles qu'elle a repérées sont parfois interprétées par des créateurs, stylistes, artistes et designers. Une façon de faire se rencontrer ces deux pôles de l'univers du textile.

Après des études en histoire de l’art, Caroline David a dirigé pendant treize ans le FRAC Nord-Pas de Calais. Puis, alors que Lille se préparait à devenir Capitale européenne de la culture, elle est nommée directrice des arts visuels et s’attelle pendant quatre ans à organiser la présence de l’art contemporain, de l’architecture et du design parmi les rendez-vous de l’événement qui eut le grand succès que l’on connaît. Passionnée par ce qu’elle venait de vivre, elle choisit de rester et passera douze ans à travailler pour Lille3000, qui s’était constitué pour susciter des rebonds possibles dans cette région sinistrée qui, l’espace d’une année, avait retrouvé aux yeux de l’Europe faste et fierté.

En collaborant à Lille3000, Caroline David, qui a toujours navigué dans la sphère de l’art contemporain, s’est distinguée en élaborant une exposition d’un nouveau genre, baptisée Futurotextiles. « En 2005, alors que se posait la question de ce que nous pourrions continuer à présenter aux Lillois, je me suis souvenue d’une exposition que j’avais vue à New-York, au musée Cooper Hewitt Museum qui montrait un cœur artificiel en textile, une voile de bateau, etc. Il s’agissait d’une exposition très technique, avec des produits industriels de grande qualité, et sans incursion artistique. C’est de là qu’est venue l’idée de proposer à Martine Aubry et à Didier Fusillier, alors directeur de Lille3000, une exposition qui parlerait de l’innovation textile. » Dans le nord et la métropole lilloise, on entend souvent parler du textile mais, depuis les années 80-90, en termes de plus en plus dramatiques. Le riche passé de la ville capitale, bâti par ses puissantes industries textiles, est aujourd’hui sinistré, et la fermeture des usines a laissé l’amertume et la précarité pour une grande partie de la population qui y travaillait. « Parmi les grands événements réalisés pour la capitale européenne de la culture, l’exposition de l’écomusée de Fourmies avait été labellisée. « Textiles techniques : usages et futurs ». Elle pouvait être considérée comme prémices de ce projet, qui fut accepté. Et auquel faut offert un étage entier de l’immense Tri Postal, là où avaient été accueillies quelques semaines auparavant les œuvres de la collection Pinault.

« Je ne suis pas une « textilienne ». Mon domaine c’est l’art contemporain. Je suis tombée complètement par hasard en 2005 dans cet univers. J’ai eu la chance d’être très bien coachée, notamment par Clubtex qui réunit des spécialistes européens et internationaux du textile technique qui partagent depuis les années 90 leur expérience en recherche et développement. J’ai trouvé ça passionnant. C’était un vrai challenge parce qu’on n’allait pas sur des territoires faciles. Les entreprises communiquent peu ». L’exposition Futurotextiles eut lieu en 2006, réunissant à la fois le monde de la culture et tous les secteurs de l’industriel, répartis en dix domaines. « Ne venant pas du textile, j’ai abordé l’exposition de façon sans doute originale, n’hésitant pas à mélanger une série de vêtements d’André-Coqueline Courrèges avec la combinaison que Claudie Haigneré portait dans l’espace, une toile en fibre optique de Daniel Buren avec un prototype industriel. » En trois mois et demi, 230 000 personnes l’ont visitée, des industriels du textile, des retraités, des familles, des enfants. L’exposition étant très pédagogique, de nombreuses visites de groupes scolaires ont été organisées.

L’exposition eut un tel succès qu’il y eut des demandes pour la faire circuler, à une plus petite échelle. « Ce fut assez compliqué parce qu’elle n’était pas conçue pour être déplacée. En 2008, j’ai monté une nouvelle exposition avec un focus belge très important sur la ville de Courtrai, située dans une région aussi textile que la métropole lilloise ». Cette 2ème édition Futurotextiles a été conçue cette fois pour pouvoir circuler. Elle a été présentée par la suite en Thaïlande, au Maroc, en Indonésie, en Chine, en Espagne, en Italie. En 2012, une nouvelle version de Futurotextiles est revenue dans la métropole, à l’occasion de l’ouverture du Centre Européen des Textiles Innovants (Ceti) dans la zone de l’Union à Tourcoing.

Et l’aventure ne s’est pas arrêtée là. L’univers du textile a bien des ressources, souvent insoupçonnées. Le propre d’une exposition d’art étant de changer le regard porté sur ce qui nous entoure, Caroline David eut l’idée de mêler textile et alimentation. Baptisée Textifood, et conçue comme un mini Futurotextiles, l’exposition fut imaginée en écho au thème de l’exposition universelle de Milan 2015 : Nourrir la planète, énergie pour la vie. « Dans mes recherches, je me suis rendu compte que pour une partie des fibres naturelles et artificielles, on trouvait des exemples très curieux de plantes, ou d’animaux, que l’on mange pour partie puis que l’on jette, et qu’avec ces déchets on peut fabriquer des fibres textiles parfois très sophistiquées. J’ai donc proposé de faire un Textifood en ne présentant que des exemples dont une partie se mange, une partie peut être tissée, tricotée, etc. et ainsi entrer dans la filière textile. » Dans un esprit toujours très pédagogique, on y trouvait des échantillons pour expliquer ce qu’est le textile, et des tables où les gens pouvaient toucher les matières. « C’est une manifestation très grand public. N’étant pas moi-même spécialiste du textile, je souhaite retranscrire ce que j’ai appris de façon très simple, parfois très résumée, afin que tout le monde comprenne. »

Quand le budget le permet, Caroline David commande à des stylistes de réaliser un vêtement, une création, en leur demandant d’utiliser un textile particulier qu’on trouve décliné dans l’exposition. « Cela peut être du micro-encapsulé, des mailles fabriquées à partir des déchets de café ou des écailles de poisson… L’ensemble est scénographié. » Lille3000 est une structure éphémère, qui n’a pas la prétention de monter une collection. Quand il est fait appel à des créateurs, un budget leur est alloué pour réaliser leur modèle, qu’ils laissent pendant deux ans pour le faire circuler dans les expositions. Ensuite, l’œuvre est restituée à son auteur. « Ça ne demande donc pas des budgets énormes, et je peux m’adresser à des créateurs importants, qui jouent le jeu. C’est le principe. »

Récemment, l’envie d’aller confronter à l’étranger ses expériences, jusque-là concentrées dans la Région Nord-Pas de Calais, l’a conduite à poser candidature auprès du ministère des affaires étrangères, qui lui a attribué en 2015 la direction de l’Institut Français d’Izmir en Turquie.

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