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« Après Babel, traduire », mystères et enjeux de la traduction

par Véronique Giraud
La tour de Babel ©Giraud/NAJA
La tour de Babel ©Giraud/NAJA
Danica Dakić, ZID/WALL, 1998, installation video. Dakić Trogemann, Düsseldorf © Courtesy Danica Dakić and Gandy Gallery ©Giraud/NAJA
Danica Dakić, ZID/WALL, 1998, installation video. Dakić Trogemann, Düsseldorf © Courtesy Danica Dakić and Gandy Gallery ©Giraud/NAJA
De la ligne Marx à la ligne Tintin ©Giraud/NAJA
De la ligne Marx à la ligne Tintin ©Giraud/NAJA
"Signer en langues" - Nurith Aviv en collaboration avec Emmanuelle Laborit, Signer en langues, 2016, lm Production Mucem / 24 images ©Giraud/NAJA
Antoni Muntadas, On Translation : The Games, 1996, installation video, Atlanta College of Art Gallery. Barcelone, courtesy Antoni Muntadas © ADAGP, Paris 2016 ©Giraud/NAJA
Antoni Muntadas, On Translation : The Games, 1996, installation video, Atlanta College of Art Gallery. Barcelone, courtesy Antoni Muntadas © ADAGP, Paris 2016 ©Giraud/NAJA
Johannes Gumpp, Autoportrait autre (Triple autoportrait), 1646, huile sur 23. Markus Raetz, Métamorphose 1, 1991, fonte de fer Musées d’Art et toile, Galerie des O ces, Florence © Giraud/NAJA
Johannes Gumpp, Autoportrait autre (Triple autoportrait), 1646, huile sur 23. Markus Raetz, Métamorphose 1, 1991, fonte de fer Musées d’Art et toile, Galerie des O ces, Florence © Giraud/NAJA
Livre Sciences Humaines Publié le 10/02/2017
« La langue de l’Europe, c’est la traduction » a dit l'écrivain italien Umberto Eco. À Marseille, le Mucem consacre une exposition sur cet enjeu culturel majeur, sous le titre « Après Babel, traduire ».

L’exposition, organisée dans la ville de France où vit sans doute le plus grand nombre de communautés, aborde un sujet aussi ancien qu'actuel. "Après Babel, traduire" raconte en objets et en documents la longue histoire des idées et des langues, depuis la mythique tour de Babel à la mondialisation contemporaine, depuis la pierre de rosette à l’écran numérique, des écrits d’Aristote aux langues des signes. « Cette exposition, explique sa commissaire Barbara Cassin, est bâtie autour de deux grandes idées. La première, c’est que « notre » civilisation s’est construite à travers la traduction, par la traduction, au moyen de la traduction. En effet, le passage d’une langue à l’autre, c’est aussi la transmission des savoirs et la transmission des pouvoirs : de la Grèce à Rome, de Rome au monde arabe... Nous allons donc montrer comment la traduction participe à la constitution même des civilisations d’Europe et de Méditerranée. Il s’agit d’autre part de mettre en évidence que la traduction, c’est un savoir-faire avec les différences. J’y vois un véritable enjeu de civilisation contemporain : si à l’école —plutôt que de dire « asseyez-vous », et « taisez-vous », ou « parlez français »—, on commençait à ré échir « en langues », à partir de ce que les enfants savent, et à articuler leurs savoirs ; on aurait peut-être une autre manière d’appréhender la citoyenneté. C’est une exposition scientifique, mais aussi très politique. »

L’exposition est construite en trois parties. La première interroge Babel. Sa tour symbolise, aujourd’hui encore, la diversité des peuples et leur difficulté à se comprendre. Au XVIIe siècle comme aujourd'hui, la tour de Babel inspire les artistes, à l'instar des estampes du graveur Érik Desmazières, des photographies de Yang Yongliang ou des peintures de Cheri Samba. De la traduction dépend la préservation de la diversité des langues. Elle engendre une lutte d'influence redoutable, faisant au fil du temps et des colonisations d'irrémédiables oublis. Dans une période récente, entre 1980 et 2000, la traduction des livres dans le monde a augmenté de 50%. En 1990, 59% provenaient de l’anglais. La place du français et de l’allemand se maintient autour de 10%, tandis que le japonais, le chinois et le coréen se situent en-dessous de 1%. Il est à noter depuis les années 90, la forte croissance des traductions d'ouvrages de littérature jeunesse et de bande dessinée.

La seconde séquence de l’exposition, plus scientifique, est construite comme un plan de métro. Proposant de suivre les lignes Aristote, Euclide, Ptolémée, Galien, Mille et une nuits, Marx ou encore Tintin. On y voit les « accidents » de traduction, volontaires ou non, qui font par exemple se poser la question : Ève a-t-elle été créée « de la côte » d’Adam ou « à côté » d’Adam ?

La dernière partie examine les difficultés de la traduction : qu’est-ce qu’on traduit ? Qu’est-ce qu’on ne traduit pas ? C’est la partie la plus esthétique, qui aborde l'intraduisible à travers la création, plastique, musicale, poétique, concluant par l’importance de ce qui est « entre ». Une traduction ni tout à fait la même ni tout à fait une autre…

 

 

 

Après Babel, traduire, exposition jusqu’au 20 mars 2017 au Mucem, Marseille. Commissariat général : Barbara Cassin, philologue et philosophe, directrice de recherches au CNRS.

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