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« En chinoiseries » : I-Fang Lin fait duo avec François Marri

par Véronique Giraud
Avec
Avec "En Chinoiseries", I-Fang Lin a conçu une reprise de "Chinoiserie", un duo chorégraphique et musical créé par Mathilde Monnier à la fin des années 90. DR
La danseuse et chorégraphe I-Fang Lin et le musicien François Marri, créateurs et interprètes de
La danseuse et chorégraphe I-Fang Lin et le musicien François Marri, créateurs et interprètes de "En chinoiseries". DR
Arts vivants Danse Publié le 02/03/2017
La danseuse I-Fang Lin a relevé le challenge de reprendre "Chinoiserie" pièce que Mathilde Monnier créa avec le clarinettiste Louis Sclavis à la fin des 90. En choisissant le musicien François Marri, I-Fang Lin a conduit un long processus en vue de concevoir une forme spectaculaire. Et joyeuse.

« Quand Mathilde m’a fait la proposition de reprendre Chinoiserie, je me suis demandé ce que signifiait exactement « reprendre » une pièce », se souvient I-Fang Lin. Le duo chorégraphique et musical Chinoiserie était né de la rencontre de Mathilde Monnier avec le clarinettiste Louis Sclavis, qui l’avaient créé et interprété ensemble dans les années 90. Sans plus d’indications de la part de la chorégraphe, avec laquelle elle collabore depuis une quinzaine d’années, elle accepta la proposition et, dans son processus pour engendrer le spectaculaire, s’est opéré un inévitable retour sur soi.

C’est dans deux écoles prestigieuses de Taïwan, son pays natal, que I-Fang Lin s’est formée à la danse, classique et traditionnelle, deux disciplines enseignées très strictement. De cette implacable rigueur corporelle, visant à sculpter les corps sur un même modèle, elle garde le souvenir d’une souffrance pour son grand corps. En parallèle, elle pratique les arts martiaux, le Tai Chi et la « Danse du pays » (proche de la discipline du Kung-Fu) et « déguste » la danse jazz, le flamenco, les claquettes. Lorsqu’elle envisage de quitter les horizons de l’Asie, elle se projette d’abord vers les Etats-Unis mais, pour des raisons pécuniaires, elle part en France, dont elle a appris la langue à la fac. Elle a 21 ans et ne vient pas avec l’objectif unique de danser, mais avec l’envie de suivre les cours dans une fac d’art. Après le Conservatoire d'Orléans, elle part à Paris où elle s’inscrit à Paris VIII. L’expérience fut très décourageante et c’est une convocation du CNDC d’Angers qui la décidera à rester en France.

C’est à Angers que débute sa carrière d'apprentie, là aussi que sa venue en France prend tout son sens. Beaucoup plus tard, elle rencontre Mathilde Monnier, qui dirige le centre chorégraphique de Montpellier, et y entre en faisant un remplacement. Débute une longue collaboration, et une expérience qui l’a beaucoup surprise. « Avec Mathilde, tout se passe de façon improbable », explique I-Fang Lin, qui découvre la perfection des danseurs au moment des répétitions puis le non respect du marquage au moment du spectacle. « C’était dur. J’ai commencé alors à comprendre sa façon de procéder avec ses danseurs, qui sont extraordinaires et ont une façon de préserver leur énergie et leur fraîcheur de l’interprétation ». Au fil de temps, Mathilde Monnier l'incite à contribuer à ses créations.

 

De l'autre côté du miroir. « Là, avec Chinoiserie, je me suis offert l’opportunité de prendre en charge un sujet auquel je peux donner une forme spectaculaire. Je ne me suis pas mise dans la position de chorégraphe. J’espère pouvoir toujours rester dans la sensation de recherche de la création, sans prétendre que je pourrai juste être là pour dire des choses. C’est une question de regard. Quand Mathilde m’a fait la proposition de reprendre Chinoiserie, il y eut un temps de suspension puis j’ai compris que je devais porter le projet ». C’est là que l’aventure a commencé. L’interprète découvre d'abord les méandres de la production : réunir un budget, trouver du temps pour la création… L’aventure aura duré presque deux ans. I-Fang Li nourrit sans cesse son imaginaire et son expérience corporelle d’expositions, de films, de spectacles. La pièce qu'elle doit reprendre étant un duo entre une danseuse et un musicien, I-Fang Lin se met en quête d'un compositeur. « Inconsciemment je n’avais pas envie de virtuosité, comme Louis et Mathilde. Je ne voulais pas non plus d’un musicien qui joue de la clarinette ». Et ce fut François Marri. Ils s'étaient rencontrés quand le musicien avait fait appel à elle pour l’aider à la préparation physique avant une série de concerts de son groupe François and the Atlas Mountains. « La pièce ayant été créée dans les années 90, je me suis dit que je pouvais la recréer approximativement. Or nous ne sommes pas de la même génération, et je viens d’une autre culture. J’avais envie d’autre chose ». En choisissant François Marri un peu au hasard, I-Fang Lin s’est rendue à l’évidence que « c’était à la fois un grand challenge et un grand cadeau ». Les univers très éloignés de la musique et de la danse, leurs différences de taille, d’âge et de culture créaient les conditions d’une opposition. « Petit à petit j’ai trouvé quelque chose qui nous appartient à tous les deux ». Très vite, la référence au karaoké s’est curieusement imposée à elle. « C’est un médium très éloigné de François, ce n’est pas non plus ma culture », mais I-Fang Lin finit par analyser que cette forme populaire de divertissement musical pouvait être le point de fusion entre deux cultures et deux univers artistiques très différents. « Je me suis souvenu que quand Mathilde et Louis évoquaient Chinoiserie, ils parlaient beaucoup d’opposition ». Les ingrédients du karaoké furent étudiés, y compris la question de la star attitude qui environne sa pratique. En travaillant avec François Marri, très éloigné de l’univers de la danse contemporaine, « j’ai compris que ce sont les êtres que j’ai envie de mettre en valeur dans ce projet ». Tout en veillant préserver quelques références à des postures de Mathilde Monnier, celles aussi aux grandes chorégraphes contemporaines, Li-Fang Lin a donné un tempo personnel au spectacle en rompant avec l’idée habituelle d’une continuité par des séquences marquées. Et avant tout créer de la joie. Ce fut chose faite le 1er mars sur le plateau du théâtre de la Vignette à Montpellier, à l'invitation de Montpellier Danse.

 

Née en 1968 à Kaohsiung (Taiwan), I-Fang Lin suit une formation en danse classique à Taiwan (Académie Nationale des Arts de Taiwan et à l’Institut National des Arts de Taiwan), puis en danse contemporaine en France (Conservatoire d'Orléans, Centre National de Danse Contemporaine d'Angers dont elle obtient le diplôme en 1993). Son parcours d’interprète croise celui de nombreux chorégraphes et artistes, parmi lesquels Mathilde Monnier, dont elle partage plusieurs créations depuis 2001. En 2008, commence sa collaboration avec Christian Rizzo. Par ailleurs, I-Fang Lin est praticienne diplômée de la méthode Feldenkrais et développe un travail en intégrant cette pratique à la danse et à l’improvisation.

 

François Marri est chanteur, compositeur multi-instrumentiste. Il a émergé en solo avant de former en 2005 à Bristol (Royaume Uni) le groupe François & the Atlas Mountains, devenu en quelques années la première signature de l'écurie anglaise. Leur quatrième album studio, Solide Mirage, sort le 3 mars et le groupe sera en concert le 10 mars à Marseille, le 11 à Montpellier, le 15 à Brest, le 16 à Niort, le 18 à Angers, les 22, 23 et 24 mars à Paris à la Maroquinerie, le 27 mars à Londres… Les autres dates sont sur le site.

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