espace abonné Mot de passe oublié ?

Vous n'avez pas de compte ? Enregistrez-vous

Mot de passe oublié ?
ACCUEIL > Événement > Violence : graffitis chocs pour idées fausses à Bruxelles

Violence : graffitis chocs pour idées fausses à Bruxelles

par Jacques Moulins
La fresque de la rue des Brigittines reprenant le tableau de Jan de Baen sur le supplice des frères de Witt. ©Mucchielli/Naja
La fresque de la rue des Brigittines reprenant le tableau de Jan de Baen sur le supplice des frères de Witt. ©Mucchielli/Naja
Le tableau de Jan de Baen représentant les corps suppliciés par la foule des frères de Witt. Rijksmuseum d'Amsterdam.
Le tableau de Jan de Baen représentant les corps suppliciés par la foule des frères de Witt. Rijksmuseum d'Amsterdam.
La fresque du quai du Hainaut reprenant un détail du tableau du Caravage
La fresque du quai du Hainaut reprenant un détail du tableau du Caravage "Le sacrifice d'Isaac". © Mucchielli/Naja
Le tableau du Caravage
Le tableau du Caravage "Le sacrifice d'Isaac". Offices de Florence.
Arts visuels Arts plastiques Publié le 19/03/2017
Deux graffs démesurés apparus sur les murs de Bruxelles en janvier dernier choquent par leur violence. L’artiste a en fait repris des tableaux classiques pour mettre en perspective les violences d’aujourd’hui, politiques et religieuses.

Depuis le mois de janvier, à Bruxelles, les passants lèvent les yeux. Intrigués, souvent choqués. Une décapitation au-dessus d’un toit sur le quai du Hainaut, une éventration le long de sept étages d’un logement social, rue des Brigittines. Plusieurs d’entre eux parmi les plus âgés sont déjà prêts à fustiger la violence de notre époque en référence à leur enfance où l’on ne montrait rien. Ces fresques immenses, qui couvrent des dizaines de mètres carrés, inspirent l'idée de provocation dans la démarche de l’auteur anonyme. Il s’agit en fait de reproductions de deux tableaux qui sont conservés dans deux vénérables institutions, les Offices de Florence et le RijksMuseum d’Amsterdam.

 

Violence religieuse. Le choix de l'artiste n’est sans doute pas anodin. L’un représente la violence politique, l’autre la violence religieuse. Une violence bien contemporaine en effet. La décapitation, une main tenant un couteau qui tente d’égorger un homme, est un détail d’une toile du Caravage, Le sacrifice d’Isaac. La scène illustre un passage d’un des livres reconnus des plus violents : la Bible. L’artiste a peint l’ange empêchant Abraham de sacrifier son fils unique Isaac. Dieu a mis Abraham à l’épreuve en lui demandant d’égorger son fils pour prouver sa foi. Dans la Genèse, alors qu’Abraham s’apprête au sacrifice, l’ange arrête Abraham par ces mots : « N’avance pas ta main sur l’enfant, et ne lui fais rien ; car je sais maintenant que tu crains Dieu, et que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique ». La toile, peinte vers 1598, se trouve actuellement conservée au Musée des Offices à Florence, en Italie.

 

Violence politique. Le corps suspendu par les pieds, éventré, égorgé, reprend un détail d’un tableau du peintre hollandais Jan De Baen, intitulé Les corps des frères de Witt suspendus après leur lynchage. La scène représentée évoque un épisode de l’histoire hollandaise qui se situe à La Haye le 20 août 1672. Le bourgmestre de Dordrecht, Cornelis de Witt, réputé pour ses services rendus à la nation, se retrouve victime d’un complot organisé par les monarchistes du parti orangiste. Sur la base de fausses accusations de trahison, il est arrêté. Soumis à la torture, il refuse d'avouer et les juges le condamnent au bannissement. Mais il est lynché par une foule excitée, qui tue également son frère, à la tête du parti républicain, et libéré le jour même. Leurs cœurs et leurs corps horriblement mutilés sont exposés à la foule comme des trophées. Aujourd'hui, cet événement est considéré par les Néerlandais comme la période la plus honteuse de l'histoire des Pays-Bas. C’est donc l’un des deux corps que l’on retrouve sur la façade blanche d’un immeuble, exécutée sur sept étages, alors que la toile sombre de Jan De Baen ne mesure pas plus de 69,5 cm de haut. Cette dernière est conservée au RijksMuseum à Amsterdam.

 

Réactions mitigées. Le bourgmestre de Bruxelles, Yvan Majeur, tout en rappelant « nous sommes très tolérants » s’est inquiété de l’impact de ces fresques dans le contexte actuel marqué par les attentats. Craignant que l'œuvre ne soit ressentie comme une provocation, il a appelé à leur retrait, sans pour autant prendre une mesure d’interdiction. Il pense sans doute au fait que la fresque reproduisant Le sacrifice d’Isaac se situe face au quartier de Möllenbeck d'où sont issus plusieurs auteurs des attentats récents. Quant à la fresque représentant le corps nu et ensanglanté de Cornelis de Witt, elle sera recouverte par une autre fresque qui avait été programmée avant que les pouvoirs publics ne découvrent celle du supplicié.

Partager sur
Fermer