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Mot de passe oublié ?Pour la génération de Français nés après 2000, il est difficile de considérer les Italiens comme des immigrés. C’est tout l’intérêt de l’exposition Ciao Italia ! Un siècle d’immigration et de culture italiennes en France, 1860-1960, qui vient d’ouvrir au musée national de l’histoire de l’immigration. Elle rappelle, à travers des documents d'époque, des extraits de films et des œuvres d'art, la présence des Italiens en France. Leur arrivée fut massive, à partir de la fin du XIXe siècle, et durable puisque jusque dans les années 1960, ce fut la première nationalité étrangère de l’hexagone.
17,5 millions d’Italiens ont quitté leur pays en moins de cinquante ans (de 1876 à 1985). Alors que les flux de ces migrants se dispersent dans le monde entier, la France est le pays d’Europe qui a accueilli le plus grand nombre d’Italiens, 1,6 million lors de la « Grande Émigration ». Mais la vie dans le pays « d’accueil » n’est pas sans risque et l’étranger est une cible tangible quand les crispations se font sentir. Parmi les premiers documents de l’exposition, un journal relate l’épisode dramatique d’Aigues-Mortes où, en août 1893, 8 ouvriers italiens ont été massacrés par une foule hostile, xénophobe, aux cris de « Mort aux Italiens ». Dans la même veine, les extraits de films fixent sur la pellicule les cruautés intimes de la discrimination, celle incarnée par Jeanne Moreau dans le film Mademoiselle (1966) et celle évoquée dans Toni (1935) de Jean Renoir, à travers le dialogue entre deux ouvriers, l’un français l’autre italien.
Le parcours de l’exposition, qui couvre un siècle d’immigration, débute avec deux œuvres monumentales qui donnent le ton : devant une grande huile sur toile d’Angelo Tommasi, Gli emigranti (1896), une installation de Moastaz Nasr, intitulée Vacance Romane (2013). Ces deux œuvres traduisent les contradictions spécifiques de la longue histoire de cette immigration, méfiance et idéalisation, haine et fantasme, rejet et intégration. Devant l'imposante fresque naturaliste de l’arrivée sur le port des familles italiennes venues de toute la péninsule de Tomasi à l'hommage que Moastaz Nasr rend au couple Audrey Hepburn / Gregory Peck parcourant les rues de Rome en Vespa dans le film de William Wyler. Jouant des clichés et préjugés de l’époque et rappelant la xénophobie dont ils étaient victimes, l’exposition s’attache à retracer le parcours géographique, socio-économique et culturel des immigrés italiens en France.
Abordant tout à la fois la religion, la presse, l’éducation, les arts, la musique et le cinéma, les jeux et le sport, ou encore la gastronomie, elle donne à voir tous ces Italiens, ouvriers, mineurs, maçons, agriculteurs, artisans, commerçants, entrepreneurs qui ont fait la France, jusqu'aux plus connus d’entre-eux à l’instar d’Yves Montand, de Serge Reggiani, de Lino Ventura ou encore des familles Bugatti et Ponticelli.