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Valérie Chevalier : « l’œuvre est vivante, les artistes d’aujourd’hui »

par Véronique Giraud
Valérie Chevalier-Delacour, directrice générale de l'Opéra national de Montpellier © Marc Ginot
Valérie Chevalier-Delacour, directrice générale de l'Opéra national de Montpellier © Marc Ginot
Arts vivants Opéra Publié le 17/04/2017
Valérie Chevalier-Delacour est une des rares femmes à diriger un opéra national en France. Après neuf années à Nancy, c’est à Montpellier que la musicienne est nommée en décembre 2013 à la direction générale de l’EPCC*, qui regroupe un orchestre, un chœur et un Opéra junior. Elle explique comment elle œuvre à faire tomber les murs et à croiser les disciplines.

Si elle ne se positionne pas en tant que femme, Valérie Chevalier-Delacour est tout de même attentive à montrer l’exemple en matière de représentation dans le monde du théâtre lyrique. Celle qui figure parmi les trois directrices d’opéra national, aux côtés de Caroline Sonrier à Lille et Eva Kleinitz à l’Opéra national du Rhin, sait de quoi elle parle. Ces deux dernières années, elle a choisi d'accueillir en résidence deux femmes metteurs en scène, Juliette Deschamps et Marielle Signerolle. L’an prochain, elle fera venir la contralto et chef d’orchestre, Nathalie Schuzman, fondatrice de l’ensemble baroque Orfeo 55. « J’ai vécu longtemps aux États-Unis, je n’étais pas très favorable à la discrimination positive, mais étant donné que ce n’est pas encore dans nos cultures, que ça met tellement de temps à avancer, je pense qu’il faut qu’on en passe par là. En imposant bêtement, en nous responsabilisant en tant que prescripteurs. Parce que ce n’est pas le public qui freine des quatre fers, ce n’est pas le public qui empêche qu’il y ait des noirs sur scène. »

 

Quel est l’intérêt pour un opéra de faire bouger ces choses-là ?

C’est le regard. Une maison d’opéra est un miroir. C’est aussi un curseur. S’il n’y a pas de la diversité, des femmes, des gens d’autres cultures, si les gens dans la salle ne se retrouvent pas sur la scène, il n’y a aucune raison qu’ils viennent. On s’identifie forcément à ce qu’on voit sur un plateau. C’est important.

 

Vous avez en charge la programmation artistique de l’opéra. Quels sont vos critères ?

J’ai le choix des metteurs en scène et des chanteurs. Je n’ai pas de critères, je ne suis pas un conservateur de musée. Une œuvre doit être vivante et les jeunes artistes doivent se réapproprier les œuvres. Je n’ai pas les moyens de faire de la reconstitution historique, si je veux faire un opéra comme au XVIIIe siècle, il faut s’en donner les moyens que la scène soit éclairée à la bougie, que les costumes soient faits comme à l’époque. On n’a plus ça aujourd’hui, ça ne veut rien dire. Quand on m’écrit : l’artiste n’a pas respecté l’œuvre, qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’il faut faire la reconstitution historique ? On n’en a ni les moyens, ni l’envie. Les artistes sont d’aujourd’hui, ils refont une Carmen ou un Figaro avec leur regard. A partir du moment où le concept tient la route et où le ou la metteur(e) en scène m’explique son regard, quelle analogie est faite avec telle période de l’histoire, j’adhère et je ne m’y oppose pas. À partir du moment où j’ai accepté un concert, je pense que l’artiste doit aller au bout de son projet et qu’on doit le soutenir dans ce sens-là.

 

Pour la saison en cours, quels grands écarts avez-vous fait ?

Là, j’ai dû me battre avec beaucoup de monde. J’ai fait une soupe populaire avec le chœur. Ça a défrayé la chronique. En même temps, ça a été un énorme succès. Et en interne, ça a été très fort. Le chœur, qui ne fait que de l’opéra classique, a découvert autre chose, les chanteurs ont commencé à faire du théâtre, à s’investir différemment. C’était extraordinaire de vivre ça.

 

Donc de la soupe populaire à… ?

À un Rossini qui n’a jamais été joué, excepté à Aix-en-Provence dans les années 80, et que même l’Opéra de Paris n’a jamais joué. Avec cinq ténors qui chantent des contre-notes dans tous les sens, une diva.

Oui, ça s’appelle des grands écarts. On est là pour ça. Avec le festival Montpellier Danse, on avait fait la valse de Debussy avec des hip-hoppers, cette année on va faire Les 4 saisons de Vivaldi avec un compositeur à la tête d’un ensemble d’électro-acoustique. Il reprend des parties de l’œuvre et se la réapproprie en les retravaillant. Avec le chœur.

Je suis ravie d’explorer d’autres champs. Il faut faire bouger les lignes, et même faire tomber les murs. Dans l’orchestre, beaucoup de gens y sont favorables. Même si les gens râlent, on discute, on explique pourquoi. L’opéra est aussi un lieu de débat et d’émotion.

 

*Établissement public de coopération culturelle

 

Valérie Chevalier-Delacour fut artiste lyrique de 1983 à 1992 avant de créer sa propre agence artistique. En 2003 Laurent Spielmann fait appel à elle comme conseillère artistique puis directrice de l’administration artistique à l’Opéra national de Lorraine. Depuis le 29 décembre 2013, elle est directrice générale de l'opéra national de Montpellier.

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