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« Les coulisses d’une victoire », documentaire immédiat

par Jacques Moulins
"Les Coulisses d'une victoire", documentaire de Yann L'Hénoret. DR
Cinéma Documentaire Publié le 10/05/2017
Programmé par TF1 dès le lendemain de l'élection, "Les Coulisses d'une victoire" est un documentaire sur la campagne d'Emmanuel Macron. Centré sur sa personne, sans commentaire, sans voix off, le travail de Yann L'Hénoret manque-t-il de recul ?

Pour ceux qui aiment le langage guerrier, le genre de documentaire où le journaliste est en pris en charge par l’armée se nomme « embedded », incrusté dans le mouvement, dans l’état-major du combattant. L’élection présidentielle en France est marquée par le genre depuis Valéry Giscard d’Estaing, avec un contrat qui précise les moments où l’on peut filmer, le droit de regard du candidat sur les scènes, voire sur le montage ou le moment de diffusion. Pour VGE, il fallut attendre quelques années. Macron aura tenu à innover : pas de limite au filmage, limite possible sur le son en coupant son micro-cravate, mais le réalisateur dit que ce ne fut jamais le cas, pas de limite non plus sur le montage ou la programmation de diffusion.

 

Une esthétique de l’immédiateté. Dès lors, Yann L’Hénoret a conçu un film d’une esthétique pas tout à fait nouvelle mais qui, mis en œuvre pour Les Coulisses d’une victoire, fera date. Le document se veut immédiat. La caméra est présente au sein même du groupe qui discute, de la pièce la plus étroite au couloir le plus étriqué. Ce qui implique une hyper présence d’Emmanuel Macron, la caméra et le micro étant essentiellement fixés sur lui, en très gros plan si nécessaire. L’exercice donne l’impression d’entrer dans l’intimité du candidat et de son staff, de faire partie de l’équipe, de faire corps avec eux, tant le mouvement de la caméra suit celui d’Emmanuel Macron. Comme tout contact humain non hostile, cherchant plutôt à apprendre sur l’autre, le documentaire rend sympathique le personnage central qui de plus connaît peu les sautes d’humeur, le triomphalisme ou l’arrogance à l’égard des adversaires. C’est la préparation à un combat qui marche comme Macron, avec d’abord l’optimisme du militant sûr de sa cause, puis la conviction et enfin la certitude qu’il peut, qu’il va gagner.

 

Manque de recul ? La qualité formelle de la prise de vue est au service de cette immédiateté de l’action que restitue la suite d’images sans commentaire et sans voix off. Avoir réussi le montage en un court laps de temps pour sélectionner sur les 150 heures de prise de vue, une heure trente, et diffuser le résultat le lendemain même de l’élection participent de cette immédiateté. Il a été reproché à Yann L’Hénoret, ici et là, de « coller de trop près au personnage principal », de « manquer du recul nécessaire pour faire naître un véritable point de vue, une regard critique ».

Mais toute l’esthétique des Coulisses d’une victoire est celle de ces films sociaux qui, venus d’Israël ou de Grande Bretagne, d’Argentine ou du Vietnam, fond une époque, la nôtre, différente de celle passée où la dramaturgie servait un discours. Temps présent où ce « manque de recul » reproché est exigé parce que, justement, la mise en perspective, le recul, le commentaire sont autant de façon d’imposer une vision du monde que le spectateur prétend se faire sans influence. Comme s’il se sentait assez sûr de son éducation à l’image pour ne pas s’inquiéter que la prise de vue ou le montage lui tiennent la main. Dès lors, la morale n’est pas tirée, l’erreur pas rectifiée, la proximité assumée, l’immédiateté recherchée. Le document l’emporte ainsi sur les petites phrases ou les moments tendus qui font d’habitude les délices des médias.

 

 

« Les Coulisses d’une victoire », documentaire de Yann L’Hénoret, production Troisième Oeil et Black Dynamite. Replay sur Mytf1.

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