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« Poupées noires », quand Mirtho Linguet interroge le racisme

par Véronique Giraud
Mirtho Linguet, Poupées noires © Mirtho Linguet
Mirtho Linguet, Poupées noires © Mirtho Linguet
Mirtho Linguet, photo de la série
Mirtho Linguet, photo de la série "Poupées noires". ©Giraud/NAJA
Arts visuels Photographie Publié le 18/05/2017
Quand on interroge le photographe Mitrho Linguet sur sa série "Poupées noires", il répond en s'interrogeant sur le racisme. Et par là-même nous pousse à nous interroger aussi. Trois photos de la série font partie de l'exposition "Impressions mémorielles", au Musée de l'Homme jusqu'au 10 juillet.

Dans son dernier travail, la série Poupées noires, le photographe Mirtho Linguet pose la question : « Qu’est-ce qu’une poupée ? Et y répond : « C’est un objet qui n’est pas doté d’une existence propre. Son existence, la poupée la doit à l’intervention d’un individu. Qui décide, ou pas, de lui donner « vie », une poupée est un objet inanimé. Ce travail interroge avant tout le racisme, qui veut qu’un certain nombre de personnes, du fait de leur couleur de peau, se retrouvent être des sujets dans un système idéologique qui favorise vers eux de la non justice. Mon travail sert à parler ce propos, et à amener au questionnement pour voir ce qu’il serait possible de faire pour que nous puissions sortir de ce schéma de pensée, qui jusqu’à ce jour a gangréné la planète. Et comment, à l’échelle individuelle, nous pourrions engager un processus qui se voudrait l’antidote d’un poison ». On l'entend, l'artiste parle du plus profond de lui-même. Ce travail, peut-être plus qu'un autre, lui vient de loin.

Pour le mener à bien, le photographe qui a passé de longues années à produire des images pour la publicité et les magazines de mode, présente des images d’une beauté plastique très forte, où le traitement de la peau noire fait question, où le rapport entre le corps déshabillé et le lieu au centre duquel il est posé font question. Cette question, celle du racisme, lui a fait changer radicalement la forme de son travail il y a quelques années. Pour cette série Poupées noires, le photographe a représenté le corps des femmes comme des objets, les ramenant à l'idée de poupées. Les trois photos présentées dans l'exposition Impressions mémorielles du Musée de l'Homme font partie d'une série de huit.

« Mon travail demeure inscrit dans cette réflexion, puisque cette réalité dans laquelle moi-même en tant que personne noire demeure une victime de ce système en permanence et au quotidien. » Le racisme a souvent été tenu responsable du traitement de certaines personnes, que ce soit en Afrique du Sud, au Brésil, au Surinam, en Guyane, au Sénégal, dans les Etats-Unis d’Amérique.

Un parti pris au niveau de la lumière, au niveau de la présentation du sujet, où la couleur est volontairement exagérée, justement pour signifier : voilà le problème dont il est question. Voilà ce que peut-être vous ne voulez pas voir en faisant croire que vous les voyez et que vous refusez de reconnaître de voir. Il n’en demeure pas moins qu’à chaque fois que vous êtes confronté à cette couleur, vous subissez en tant que personne de cette couleur, un traitement d’une certaine forme de violence, directe ou indirecte. Et de domination d’ordre idéologique. Je ne fais que parler d’un problème pour lequel il est question de trouver une solution. Mon travail amène à réfléchir, à la nécessité de reconsidérer nos façons de penser.

Ce travail exprime une réalité. Il peut être considéré comme un travail artistique mais c’est avant tout un travail de réflexion. « Ce travail c’est moi, il est une représentation de ma réflexion. Je dis c’est moi par rapport à la condition inhérente que je vis au quotidien ". L’auteur d’une autre série intitulée Dieu n'a fait aucune erreur en me donnant cette apparence, affronte la représentation du racisme du plus profond de son expérience de vie.

La série sera exposée à Washington en août prochain, à la Washington photoweek Galerie, implantée dans le quartier de l'Anacostia, qui marque la différence territoriale entre les deux communautés, noire et blanche. « Cela a beaucoup de sens que ces images soient exposées aujourd’hui aux Etats-Unis ». Elles ont du sens partout, elles sont universelles.

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