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Le Festival de Marseille, multiple et généreux

par Véronique Giraud
« Rito de Primavera », José Vidal ©Fabian Cambero
« Rito de Primavera », José Vidal ©Fabian Cambero
Kalakuta Republic, une création chorégraphique de Serge Aimé Coulibaly. ©Sophie Garcia
Kalakuta Republic, une création chorégraphique de Serge Aimé Coulibaly. ©Sophie Garcia
Création de Bruno Beltrào, avec ses danseurs venus des favelas de Rio ©Karla Kalife
Création de Bruno Beltrào, avec ses danseurs venus des favelas de Rio ©Karla Kalife
Arts vivants Danse Publié le 02/06/2017
Pour sa 18ème édition, le Festival de Marseille vibre plus que jamais de l’ébullition d’un monde bousculé, désenchanté, mais combatif. Les corps des danseurs, les musiques et les performances expriment la vitalité artistique du monde comme les conflits qui y grondent. Cette effervescence donne tout son sens à ce festival qui revendique le multiple.

Le Festival de Marseille est multiple, c’est ainsi qu’il s’est construit. Multiples disciplines, multiples incursions entre disciplines, multiples créations, multiples horizons… Les créateurs qui le composent cette année encore viennent des quatre coins du monde : de Cape Town (Afrique du Sud), de Berlin, de Beyrouth, de Paris, de Marrakech, de Santiago du Chili, de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso)… et de Marseille. Multiples sont les lieux de rendez-vous : ils sont pas moins de 18 à accueillir les spectacles programmés, reflets à eux seuls de la riche diversité des quartiers de la cité phocéenne. « La danse affirme notre profonde conviction selon laquelle la diversité des corps présents au Festival de Marseille saura faire lien dans cette ville complexe et fascinante », dit Jan Gossens pour définir la manifestation qui, construite autour de la danse, invite comme une évidence le théâtre, la musique, le cinéma, la performance.

 

Un festival de créations et de premières. Le chorégraphe chilien José Vidal ouvre l’édition 2017 avec une version électronique et électrisante du Sacre du Printemps, le chef d’œuvre de Stravinsky. Cela donne Rito de Primavera, un spectacle créé en 2014, et remonté pour la première fois en Europe, porté par 40 jeunes danseurs venus de Santiago du Chili et de Marseille.

Il est question d’Europe avec la dernière création de Julien Gosselin. Pour 1993, le dramaturge s’est inspiré des textes de l’écrivain contemporain Aurélien Bellanger. Le titre fait autant référence à l’ouvrage Quatre vingt-treize, que Victor Hugo écrivit pendant la Terreur, qu’il renvoie à l’année précédant la construction du Tunnel sous la Manche. Aux idéaux d’une Europe forte de ses infrastructures de transport performants, 1993 confronte une modernité marquée par le repli, la surenchère conflictuelle des misères et le troublant envol des jeunesses identitaires.

C’est un autre pan de l’humanité qui traverse la pièce de Rabih Mroué. So little me explore l’idée de martyr libanais, des inventions mythiques aux faits historiques, entre humour et drame. Pour So little me, l’artiste libanais a demandé à Lina Majdalanie, son actrice fétiche, de raconter l’histoire de Dib-al-Asmar, un présumé martyr qui suscite toujours la fascination. Rabih Mroué traverse le festival une autres fois avec « Water between three hands », qu’il présente pour la première fois en France. Pour ce spectacle, l’artiste a travaillé pour la première fois avec des danseurs. Ceux qu’il a choisis forment la compagnie Dance On Ensemble, composée de danseurs de plus 40 ans, tous issus des plus prestigieuses compagnies (Ballet de Francfort, la Forsythe Company, Lucinda Childs Company…).

 

De la danse encore avec 7even, un projet inspiré du manifeste Les 7 nécessités, d’Emio Greco et Pieter Scholten. La pièce chorégraphique a été commandée à sept chorégraphes. Ula Sickle, Faustin Linyekula, Eric Minh Cuong Castaing, Nacera Belaza, Ayelen Parolin, Joeri Dubbe et Amos Ben-Tal ont écrit chacun une séquence de la pièce destinée à être interprétée par les danseurs du Ballet National de Marseille et d’ICK. Cette création, donnée les 23, 24 et 25 juin, questionne notre rapport au corps : corps brut, corps expressif, corps augmenté, corps absent... Elle est le fruit d’un partenariat entre le Festival de Marseille et le Ballet National de Marseille. On retrouvera Nacera Belaza les 28 et 29 juin, cette fois avec sa sœur Dalila Belaza. Les deux danseuses et chorégraphes créeront et interprèteront chacune leur propre solo.

 

Créations sans frontières. Après sa venue remarquée en 2016, le metteur en scène Brett Bailey revient à Marseille avec sa dernière création, Sanctuary, que La Friche Belle de Mai accueille pour sa première en France. Brett Bailey travaille dans son pays natal l'Afrique du Sud, comme au Zimbabwe, en Ouganda, à Haïti, au Royaume-Uni et en Europe, pour questionner sans relâche la responsabilité de l’Occident dans la situation actuelle de l’Afrique, et plus largement ce qui « colonise » les esprits. Cette fois, avec Sanctuary, il s’intéresse à la crise de l’Union européenne et pose la question de ce que peuvent ressentir ceux qui viennent se réfugier en Europe. « Des gens fuient différentes parties du monde, en particulier le Moyen-Orient et l’Afrique, pour trouver un sanctuaire. Certains Européens pensent que leur sanctuaire est menacé » commente Brett Bailey. Conçue sur une dramaturgie de son ami Eyad Houssami, qui est syriano-américain et vit à Beyrouth, ce parcours théâtral se base sur des témoignages d’exilés contemporains.

Pour Jérôme Bel, la représentation des corps est une perpétuelle source d’inspiration. Le chorégraphe, qui a l’habitude de faire se côtoyer professionnels et amateurs, met au premier plan de son dernier spectacle des acteurs, danseurs professionnels mais aussi amateurs marseillais, des anonymes qui créent leurs propres gestes, et dansent sans se soucier de la technique, des codes ou des héritages. L’an dernier, avec Gala, le chorégraphe les avait invités sur les planches du Théâtre la Criée. Cet été, les mêmes interprètes s'essayent à l’espace public avec un extrait du spectacle…

Les spectacles du chorégraphe Bruno Beltrào et les prouesses de ses danseurs, tous venus des favelas de Rio, repoussent les limites du hip-hop. Engagée, leur dernière création s’inspire de la marche pour évoquer celle que les migrants affrontent partout dans le monde. Coucher tôt fera à Marseille sa première en France.

Après Berlin, Amsterdam, Melbourne, Londres, Tokyo, Sao Paulo, Montréal, Vienne ou Paris, Marseille entre dans le club des métropoles les plus fascinantes du monde qui ont eu droit à leur version de 100% par Rimini Protokoll. Créé dans les années 2000, le concept du spectacle est bien rodé : 100 Marseillais, représentatifs de la diversité démographique de Marseille, monteront sur scène et se prêteront à un véritable sondage grandeur nature sur la violence, l'amour, la solitude, la politique... « 100% » dresse un portrait de la population d’une ville et interroge la vision du monde - souvent biaisée - que proposent les statistiques. Une version artistico-démocratique de la société…

 

Avignon/Marseille : le Focus Afrique. Pas une édition sans artistes et créateurs d’Afrique. Cette année, si un focus Afrique est annoncé au programme c’est que le Festival de Marseille s’est associé au Festival d’Avignon qui a voulu porter en 2017 une attention particulière aux artistes de l’Afrique subsaharienne. À l’instar de Dorothée Munyaneza qui présente le 20 juin Samedi détente, au théâtre du Merlan. La chorégraphe marseillaise originaire du Rwanda revient dans cette pièce sur le génocide qu’elle a connu quand elle avait 12 ans. Partant de la gaieté de l’émission de radio Samedi détente qu’elle suivait avec ses amis à Kigali, la pièce bascule, comme son pays, dans l’horreur de la guerre et la barbarie. Sans pathos ni faux-semblants, la danseuse-conteuse à l’énergie brute s’accompagne dans cette plongée au cœur de l’indicible du musicien improvisateur Alain Mahé et du danseur gabonais Amaël Mavoungou.

Le second spectacle du focus est une première en Europe. Avec The last king of Kakfontein, Boyzie Cekwana, le plus populaire des chorégraphes sud-africains, interroge avec férocité les dénis de démocratie. Mixant en direct musique, danse et vidéo, deux musiciens, un vidéaste et le chorégraphe puisent leur inspiration et leur force de jeu dans les chants et danses de protestation qui ont incendié les rues de Johannesburg dans les années 70 et 80.

Serge Aimé Coulibaly œuvre à renouveler les champs de la danse contemporaine. Le danseur et chorégraphe présentera sa nouvelle création, Kalakuta Republik, le 9 juillet sur la place d’Armes du Mucem. L’artiste a nourri son spectacle de la portée politique du chanteur et saxophoniste nigérian Fela Kuti, dont la musique accompagne les mouvements des danseurs. Serge Aimé Coulibaly partage avec lui la force de l’engagement. Dans ses créations, mais aussi en parcourant le monde pour enseigner et animer des work-shops. Né à Bobo-Dioulasso au Burkina Faso, celui qui fut interprète d’Alain Platel et de Sidi Larbi Cherkaoui réside à Bruxelles depuis dix ans. Dans sa ville natale, il contribue à faire vivre un lieu d’expérimentation qui se veut un laboratoire de recherche et de production artistiques ouvert à tous.

La musique s’invite aussi dans le focus Afrique, avec une soirée exceptionnelle produite par le Festival au Désert qui vient pour la première fois en France. Ce festival itinérant, né au nord Mali, réunit de grands musiciens dont les compositions rock et blues revisitent les musiques traditionnelles touareg. Depuis quelques années, telle « une caravane culturelle pour la paix », le festival parcourt l’Afrique. Il s’aventurera exceptionnellement à Marseille.

 

Festival de Marseille Du 15 juin au 9 juillet 2017

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