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Tour du monde avec Montpellier Danse

par Véronique Giraud
Avec Bacantes - Prélude pour une purge, Marlene Monteiro Freitas invite à parcourir le monde créé par Euripide, en nous emmenant, dans la musique, la danse et le mystère, dans les profondeurs de la psyché humaine. ©Filipe-Ferreira
Avec Bacantes - Prélude pour une purge, Marlene Monteiro Freitas invite à parcourir le monde créé par Euripide, en nous emmenant, dans la musique, la danse et le mystère, dans les profondeurs de la psyché humaine. ©Filipe-Ferreira
Arts vivants Danse Publié le 19/06/2017
De New-York à Amsterdam, des performances du trentenaire Daniel Linehan aux ballets de l’octogénaire Hans van Manen, le Festival International Montpellier Danse fait le grand écart des générations, des nations et des styles. Sans thématique, davantage guidé par la curiosité de la nouveauté et des bouleversements actuels pour une 37e édition bien ancrée dans son époque.

Au fil des ans, avec l’appui d’un maire ambitieux, Montpellier s’est construite et imposée sur le territoire de la danse. Avec son Centre Chorégraphique National, dirigé pendant vingt ans par Mathilde Monnier. Avec son Agora, laboratoire d’émergences et de co-productions ambitieuses, qui alimente la saison pendant l’année. Avec son festival international, créé par Dominique Bagouet et dirigé depuis trente ans par Jean-Paul Montanari, la danse fait rayonner la ville dans le monde, grâce aux tournées et aux diffusions TV et radio. La danse néo-classique, post-moderne américaine, hip-hop, le performing art, tous les registres se donne rendez-vous à Montpellier. Des représentants de l’hexagone aux compagnies et chorégraphes de grande notoriété internationale, tous s’y produisent régulièrement, de Batsheva à Nederland Dans Theater, Anne Teresa de Keersmaeker, William Forsythe, Sankaï Juku, Sasha Waltz, Jan Fabre, Saburo Teshigawara…

Cette année, les générations se croisent, laissant percevoir la progression les grands courants du XXe siècle vers les influences très disparates du XXIe. De Lucinda Childs, Hans van Manen ou Merce Cunningham à la génération d’Angelin Preljocaj, Mathilde Monnier, Bernardo Montet ou Marie Chouinard, pour arriver aux jeunes artistes comme Daniel Linehan, Nadia Beugré, Marlene Monteiro Freitas ou Sharon Eyal.

 

Les grands spectacles du Corum. Comme tout festival, Montpellier Danse programme à la fois des créations qui s’adressent au très grand public, et d’autres plus pointues, parfois même expérimentales. La salle Berlioz de l’opéra Corum, avec ses 2000 sièges, est le lieu privilégié pour la rencontre d’une œuvre avec un grand public. C’est sur son plateau qu’Angelin Prejlocaj ouvrira cette 37ème édition en présentant deux des pièces qu’il a créées pour le New-York City Ballet. Spectral Evidence, qui mêle la musique de Vivaldi à des partitions américaines plus contemporaines, et La stravaganza, inspirée de compositions de John Cage, sont Les pièces de New-York que Prejlocaj avait envie de voir réinterprétées en France. C’est également au Corum que se produira le Ballet de l’Opéra de Lyon. Cette compagnie, l’une des plus importantes de l’hexagone, sert à la fois le répertoire du XXe siècle et la création contemporaine. Ces deux esthétiques seront représentés au festival. D’abord avec Dance, que Lucinda Childs a souhaité reprendre, 38 ans après l’avoir chorégraphié pour la première fois. La pièce, dont la composition musicale est signée Philippe Glass, semble inaltérable et, avec sa radicalité minimaliste, reste un sommet de la danse post-moderne américaine.

Autre reprise des années 70, celle des ballets duels de Hans van Manen, à la tête du Dutch National Ballet. Son « Adagio Hammerklavier », pièce pour six danseurs avec piano, joué en direct par Olga Khoziainova, puis Sarcasmen (Pianovariations II), où les Cinq sarcasmes de Prokofiev donnent le ton aux évolutions d’un couple entre attraction et répulsion, enfin trois autres œuvres, Two Gold VariationsFrank Bridge Variations et Metaforen, qui font cette fois appel à des musiques concertantes et à un nombre de danseurs plus important.

Marie Chouinard sera elle aussi au Corum. Pour Soft virtuosity, still humid, on the edge, la chorégraphe canadienne est partie de l’idée de la marche, comme point de départ, de rupture, de chute…et de renouveau. « Pour cette pièce, j’ai effectivement demandé aux danseurs de marcher et j’ai amplifié leurs états d’âme car le corps se transforme en fonction de ses dispositions émotionnelles ou psychiques. Cela me permet d’expérimenter de nouvelles architectures du corps ».

 

Programme féminin à l’Opéra Comédie. La programmation sera exclusivement féminine à l’opéra Comédie, et exclusivement composée de créations. D’abord avec Mathilde Monnier qui a quitté Montpellier pour diriger le Centre National de la Danse de Pantin. Elle offre sa dernière création à la ville où elle officia durant vingt années. El Baile (Le Bal) est une pièce de théâtre sans texte qui a inspiré à Ettore Scola son magnifique film. Cette fois, elle deviendra un jeu de plateau entre la chorégraphe et l’écrivain argentin Alan Pauls. C’est d’ailleurs à Buenos Aires qu’ont eu lieu les répétitions. La pièce, interprétée par une douzaine de danseurs argentins, évoque les différentes traditions chorégraphiques de l’Argentine qui, du tango à la rumba, sont habitées par la question politique.

Puis ce sera au tour de Marlene Monteiro Freitas qui, après avoir enthousiasmé le public français l’an dernier avec son étonnant spectacle Jaguar et Paraiso, fera de l’opéra Comédie la scène d’une création mondiale. La danseuse et chorégraphe née au Cap Vert  vit et travaille à Lisbonne (lire article). Elle a réussi à fédérer pas moins de vingt structures européennes pour co-produire Bacchantes, prélude pour une purge. Le titre de la pièce, qui met sur scène une dizaine de danseurs, fait référence au répertoire antique, une façon d’invoquer la puissance de sa création déjantée, par-delà les continents et les époques.

Autre création très attendue, Love Chapter 2, de la jeune chorégraphe israélienne Sharon Eyal, dont les festivaliers ont pu découvrir le travail l’an dernier avec OCD Love. La chorégraphe revient avec une suite à cette œuvre, comme un second chapitre, qui s’annonce encore plus noir que le précédent. « Il s’agit beaucoup du froid, de la connexion et du manque de connexion, de la solitude et de la tristesse. Des processus physiques créés par des émotions et qui emmènent à différents niveaux de réflexion et de sentiment » précise Sharon Eyal.

 

Première à Montpellier. Daniel Linehan incarne la génération d’artistes dont les créations traversent aisément les frontières, et font se rejoindre les arts visuels et de la scène. Expérimentant différentes formes de danse, testant les interactions entre danse et non danse, juxtaposant textes, mouvements, images, chansons, théâtre, vidéos, le jeune chorégraphe américain fait pénétrer la danse dans de multiples sphères. Pour sa première venue à Montpellier Danse, il présente Flood, une pièce qui « interroge apparitions et disparitions comme un mode dominant d’expérimentation du monde… / Dans une société du tout à jeter, de l’inondation de nouvelles technologies et des mises à jour toujours plus fréquentes, j’interroge la culture de la domination du nouveau » explique le jeune chorégraphe.

 

Les bouillonnements de l’Amérique du sud. Après s’être installé à New-York, le meilleur de la création chorégraphique s’est depuis quelques années déporté en Europe, à Bruxelles en particulier. Pour le Moyen-Orient, c’est à Tel Aviv que la danse contemporaine a trouvé un autre berceau. Natif d’Israël et formé dans son pays auprès du chorégraphe Nir ben Gal, Emmanuel Gat est un artiste familier de Montpellier Danse. Avec sa création, il associera les danseurs de sa compagnie avec ceux du Ballet de l’Opéra de Lyon sur la scène en plein air du Théâtre de l’Agora. Les deux compagnies créeront Tenworks, un opus composé de dix pièces, toutes dédiées à Jean-Paul Montanari, le directeur du festival. Au même endroit, le danseur Antonio Canales, accompagné de Raphaël Campallo et d’un chanteur, propose un voyage à Séville comme un retour à l’enfance et à la naissance du flamenco.

Quand l’Argentin Rodrigo Garcia, qui dirige le théâtre national HtH à Montpellier, a proposé à Jean-Paul Montanari de co-produire une performance de Steven Cohen pour Montpellier Danse, le directeur du festival a tout de suite accepté. Né en Afrique du Sud, le performeur vit en France aujourd’hui. Très actif politiquement dans son pays natal, ses créations très provocatrices ont une résonnance éthique qui ont entrainé une condamnation judiciaire dans son pays. Il en faut davantage pour effrayer Rodrigo Garcia qui l’invite sur la scène nationale, où Steven Cohen devrait s’exprimer en solo. Un moment prometteur d’émotions fortes.

Toujours à HtH, le brésilien Marcello Evelin viendra donner les soubresauts si inventifs en cours en Amérique du Sud. Marcello Evelin tord les codes et hybride les cultures pour mieux inventer. Dans sa dernière création, Dança Duente (Danse Malade), il s’est rapproché de la danse Butô du Japon et a imaginé la danse comme un symptôme, une altération « de la perception subjective du corps infecté par le monde » qui l’environne. Un étrange cri de détresse, mais aussi d’espoir.

 

Au théâtre de la Vignette. Fabrice Ramalingon a travaillé avec trois danseurs brésiliens de la compagnie Bruno Beltrao. « Tout ça né d’une rencontre avec l’un d’entre eux qui m’a demandé de lui faire une pièce. J’ai voulu faire un trio qui questionne la relation entre la danse hip-hop et la danse contemporaine. Mais aussi de la danse avec le Brésil qui m’accueille depuis quatre ans, exprimé à travers leurs trois portraits. »

Nadia Beugré vient de Côte d’ivoire, elle s’est installée à Montpellier et est de plus en plus reconnue sur la scène de la danse contemporaine. Elle présentera sa nouvelle pièce, Tapis rouge, à travers laquelle elle s’est intéressée aux dessous du pouvoir…

Bernardo Montet met sa perception des mouvances de la société au cœur de son processus créatif : colonialisme, mémoire, identité, résistance. Son art engagé l’a conduit vers les peuples de la Terre du Feu, entre Patagonie et Chili. De ses moments partagés avec trois de leurs tribus, de l’approche de leurs rituels cérémoniaux, il a nourri sa pièce Carne.

 

Festival international Montpellier Danse. Du 23 juin au 7 juillet 2017.

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