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Montpellier Danse : Mathilde Monnier invite au bal populaire

par Jacques Moulins
Tango collectif dans
Tango collectif dans "El Baile" de Mathilde Monnier et Alan Pauls. DR
Arts vivants Danse Publié le 28/06/2017
Dans sa dernière création, "El Baile", donnée le 25 juin à Montpellier Danse, Mathilde Monnier surprend par un travail réalisé avec l’écrivain Alan Pauls et douze danseurs argentins sur la pièce du Théâtre du Campagnol "Le Bal". Une plongée dans la danse populaire et l’histoire argentine.

Il y a deux façons de regarder une œuvre d’art. S’y préparer, lire les motivations du créateur, se faire expliquer le processus esthétique. Ou bien la voir. Pas besoin d’être spécialiste de la danse contemporaine pour deviner les centaines d’heures que Mathilde Monnier a consacré à la construction d’El Baile donné le 25 juin au théâtre de la Comédie pour Montpellier Danse. Le Bal, dit-elle, reprend la mise en scène de Jean-Claude Penchenat pour le Théâtre du Campagnol qui, en 1980, inventa une pièce de théâtre sans dialogue ayant pour centre un bal de la banlieue populaire parisienne couvrant les époques de la Libération aux jours contemporains de la pièce. Une œuvre reprise ensuite par Ettore Scola dans son film du même titre qui fit, à l’époque de sa sortie, beaucoup parler de lui, tant par l’engagement militant que par la forme esthétique audacieuse.

 

L’Argentine, espoir et douleur. Pas de dialogue, un lieu de séduction, une histoire de danse et de corps pour raconter la grande histoire : il y a là bien sûr de quoi attirer une chorégraphe qui, en Argentine, a travaillé avec l’écrivain Alan Pauls, six danseuses et six danseurs, à une nouvelle écriture de la pièce. L’histoire n’est plus celle de la France, mais celle de l’Argentine de 1978 à nos jours. Et si la chorégraphie fait se succéder, comme dans la pièce originelle, les moments d’histoire nationale, elle ne suggère plus tel épisode immédiatement identifiable, mais interroge sur un lieu unique la façon dont les espaces et les corps ont vécu cette histoire à travers les danses populaires.

Peu importe comment les matériaux ont été interrogés, quels ingrédients, histoires, souvenirs, ont été choisis. Le résultat de tout ce travail, que l’on sent tant le moindre moment chorégraphique semble chargé d’histoires, est une mise sur scène d’un pays, de ses danses, de ses danseurs. Le public français ne reconnaît pas des chansons qui marquent sans doute l’imagerie populaire des Argentins, mais il ressent la charge historique d’une époque qui va des immenses espoirs de démocratisation des années 70 à une dictature des plus inhumaines, des plus cyniques d’Amérique du Sud.

 

Danses populaires. Les danses populaires argentines sont retravaillées à cette aune. Avec une maestria bluffante, Mathilde Monnier restitue la trame populaire en lui ôtant le clinquant et la vulgarité dont quelques producteurs d’émission de variétés aiment à les surcharger. Débarrassées de leurs « Claudettes », et restituées dans une gestuelle qu’on peut imaginer originale ou naissante, ces pas de danses servent alors l’histoire propre des heurs et malheurs des danseurs. Le moment du tango devient ainsi un acte collectif où le genre se renverse dans une danse habituellement si prompte à évoquer la culture machiste.

Le résultat est inattendu, surtout si l’on se réfère aux créations antérieures de l’ancienne directrice du Centre chorégraphique national de Montpellier. La chorégraphe affirme ainsi, à l’instar de nombre de créateurs du XXIe siècle, que les discours structurés, fussent par des artistes, ne suffisent plus à analyser, à réfléchir, et même à dire la multiplicité des actions et réactions humaines et individuelles aux soubresauts de l’histoire. Le corpus, y compris chorégraphique, de la culture rationaliste s’en trouve bouleversé. On peut y perdre ses repères, son attention, et même son intérêt tant notre regard est formaté. Et pourtant, que la pièce est belle à voir !

 

 

El Baile de Mathilde Monnier et Alan Pauls, pièce pour douze danseurs créée le 14 juin au Quai d’Angers. Les 25 et 26 juin à Montpellier Danse, 29 et 30 juin à Bordeaux, 29 et 30 août à Berlin, 2 et 3 septembre à Genève, tournée en Argentine en octobre et novembre, en Belgique en novembre, puis à Paris. En 2018, à Porto et Lisbonne et dans quatorze villes de France.

 

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