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Avec Christoph Marthaler, une émanation poétique de la Volksbühne

par Jacques Moulins
"Sentiments connus, visages mêlés" Christoph Marthaler. © Walter Mair
Arts vivants Théâtre Publié le 01/07/2017
En clôture du Printemps des Comédiens, qui s’affirme second festival de théâtre en France par le nombre d’entrées et la créativité des spectacles programmés, Christoph Marthaler met en scène, dans « Sentiments connus, visages mêlés », treize personnages surrannés qui, sans dialogue, extrapolent l’acte théâtral de la mythique Volksbühne de Berlin.

Les mots, tant pour la beauté des phrases que pour la qualité des dialogues, sont la colonne vertébrale des pièces du théâtre. Sont ou étaient ? De multiples tendances travaillent en effet les scènes européennes, qui vont d’une prédominance plastique imposée par le créateur multiforme Jan Fabre au début du siècle à la disparition des dialogues. Montpellier s’en est fait doublement l’écho. D’abord au festival Montpellier Danse programmant la dernière création de la chorégraphe Mathilde Monnier inspiré d’une pièce du Théâtre Carmagnol, Le Bal, où un demi-siècle d’histoire argentine s’expose par des danses populaires revisitées.

Ensuite, dans un tout autre genre, avec la création en France de la dernière pièce en date de Christoph Marthaler, son ultime à la Volksbühne de Berlin d'où son ami Frank Castorf s’en va après vingt-cinq années passées à la diriger. La pièce Sentiments connus, visages mêlés se passe pratiquement de dialogues. Mais pas de chansons ni de lieders allemands. Treize acteurs et actrices viennent occuper la scène, une grande salle de maison qui peut tout aussi bien être la salle commune d’une maison de retraite qu’une scène de théâtre inutile pour ces acteurs et musiciens oubliés. Si le mot « cocasse » a un sens, il faut l’appliquer à cette création. Paradoxalement, parce que l’âge vénérable des treize personnages enfermés dans cette pièce avec un magazinier, n’incite pas, a priori, à l’optimisme ou à la définition d’un avenir grandiose. Mais à la poésie.

 

Mimiques et poésie. Des mimiques, des manies, des obsessions, des acrobaties même, vont donner vie à ce monde perdu où le rêve et les actions passées constituent un présent assez irrévérencieux. À l’image de cette dame impeccablement mise, qui sort de son sac à main des biscuits chinois enrobés dans des messages portant proverbe. Lorsqu’un de ses condisciples, abusant de son manque d’attention à la vie présente, lui en dérobe un, elle sait inventer le proverbe adéquat : « Conscience mordue égale merde au cul ».

Les actrices et acteurs n’en disent guère plus, mais les deux heures imaginées par le metteur en scène suisse semblent un hommage au théâtre, un hommage à la troupe de la Volksbühne, théâtre mythique et populaire de Berlin-Est. Il s’en dégage un sentiment profond d’humanité, sans nostalgie excessive, tant les personnages semblent continuer à vivre dans leur monde, un monde qui n’est plus mais qui reprend parfois vie et poésie lorsque deux rêves se heurtent, respectueusement.

 

Sentiments connus, visages mêlés de Christoph Marthaler. Première en France au Printemps des Comédiens, le 30 juin et le 1er juillet 2017. Créé le 21 septembre 2016 à la Volksbühne-am-Rosa-Luxemburg-Platz de Berlin. Avec Hildegard Alex, Tora Augestad, Marc Bodnar, Magne Havard Brekke, Raphael Clamer, Bendix Dethleffsen, Altea Garrido, Olivia Grigolli, Irm Hermann, Ueli Jäggi, Jürg Klenberger, Sophie Rois et Ulrich Voss.

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