espace abonné Mot de passe oublié ?

Vous n'avez pas de compte ? Enregistrez-vous

Mot de passe oublié ?
ACCUEIL > Oeuvre > Avignon : « Les Parisiens », farce satirique

Avignon : « Les Parisiens », farce satirique

par Jacques Moulins
Mireille Herbstmeyer dans
Mireille Herbstmeyer dans "Les Parisiens" d'Olivier Py.
Scénographie de Pierre André Weitz. © Raynaud De Lage
Arts vivants Théâtre Publié le 10/07/2017
Charge acide contre le milieu culturel parisien et combat des prostitués, la création d'Olivier Py pour le festival d'Avignon se veut une "farce" longue de 4 heures. Plaisant et déplaisant selon l'humeur.

Ca ne va pas plaire. A ceux qui sont visés par le côté très pamphlétaire de la pièce d’Olivier Py, tout ce microcosme de la culture qui, de la rue de Valois aux directions des grandes institutions culturelles en passant par les journalistes parisiens, finit par croire, comme tous les microcosmes, qu’il est la représentation intelligente du monde. Ce n’est pas ce que la France a produit de meilleur. Dans Les Parisiens, l’ancien directeur, si abruptement remercié, de l’Odéon-Théâtre-de-l’Europe raconte une société faite de mots d’esprit, de coteries, de marchandages (homo)sexuels où les Jupiter sont cooptés, où les directeurs commerciaux des entreprises créatives finissent par se prendre pour les créateurs eux-mêmes, où quelques jeunes arrivistes, qui n’ont rien de Rastignac, pensent qu’en donnant leur corps s’ouvre la voie du succès. La création, qui se veut libre, est ainsi encadrée en France par une puissante administration qui fournit commandes, postes et subventions. Et comme toute puissance incontournable, elle n’attire pas que les meilleurs. Frank Castorf, sur le texte de Boulgakov, dit un peu plus loin, dans ce même festival d’Avignon, combien les acteurs et auteurs sont subjugués par le pouvoir politique à en devenir serviles sitôt que ce pouvoir se fait autoritaire, ou haineux s’ils se sentent mal servis. Les créateurs au-dessus de la mêlée ne sont pas légion.

 

C’est plaisant. On peut y voir un règlement de compte d’Olivier Py avec un monde qui n’a pourtant pas oublié le directeur du festival d’Avignon. Mais cela vaut pour 80% de la production littéraire qui prend pour matériaux le traumatisme ou tout simplement la bonne connaissance du milieu de l’auteur. Reste que le matériau de base, malgré les exagérations nécessaires à tout drame, n’est pas éloigné de la réalité. Au cours d’une soirée mondaine qui réunit le Tout-Paris de la culture, du ministre au jeune artiste en vogue, se nouent les intrigues pour la nomination du directeur de l’opéra. Le texte est pléthorique, va de bons mots en allusions perfides, dans une « grande farce » dont se prévaut l’auteur. On y retrouve les ingrédients habituels au travail d’Olivier Py, les questions théologiques, les rapports entre père et fils, l’homosexualité revendiquée, la dialectique mortiphère du « ce qui n’est pas, est », dans une scénographie impressionnante signée Pierre-André Weitz. Avec, en contrechamps, le récit de prostitués en lutte pour la reconnaissance de leur métier, qui vient s’enchevêtrer avec l’intrigue principale. Et nourrit l’élément dramaturgique qui resterait, sans cela, trop théâtre de boulevard.

 

Ca va plaire. A un public étranger à ce monde et qui ne supporte plus les intrigues de palais et les arrangements entre familles de la haute fonction publique, des patrons d’entreprises et des élus. A des gens libres qui ne veulent pas vivre sous la morgue de ces personnages qui, tels des religieux reconvertis, disent le beau et le laid. A une opinion de plus en plus lassée par ces microcosmes coupés d’elle, qui prétendent pourtant parler en son nom et surtout exercer la souveraineté populaire à sa place. A une jeune génération pour qui les silences, les hypocrisies, les condamnations et les marchandages sur la sexualité, et particulièrement l’homosexualité, sont des archaïsmes révoltants.

« J’ai eu envie de produire une sorte de carnaval » dit encore l’auteur. C’est sans doute là que le bât blesse. Car le carnaval, figure esthétique rabelaisienne, dénonce les horreurs de l’homme et de son monde en les inversant, non en essayant de les représenter cliniquement, serait-ce avec humour. De Saint-Simon à Paul Morand en passant par Cocteau, ils sont nombreux ceux qui ont joué des mots d’esprits autant pour dénoncer les turpitudes que pour affirmer leur pouvoir dans un milieu mondain qu’ils n’imaginent pas quitter. Or ce microcosme est vieux, il tiendra sans doute encore longtemps, mais qu’importe aux spectateurs ? Par essence, il est vieux. La vie n’est pas là-bas.

 

Les Parisiens, création d'Olivier Py pour le festival d'Avignon, d'après son roman éponyme. La Fabrica, du 8 au 14 juillet (relâche le 10). Avec Jean Albert, Moustafa Benaïbout, Laure Calamy, Céline Chéenne, Emilien Diard-Detœuf, Guilhem Fabre, Joseph Fourez, Philippe Girard, Mireille Herbstmeyer et François Michonneau.

Partager sur
Fermer