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Avignon : Tiago Rodrigues inspire le « Souffle » du théâtre

par Jacques Moulins
Beatriz Bras incarne la souffleuse, Cristina Vidal, mise sur scène avec le directeur du théâtre Victor Roriz. © Raynaud De Lage
Beatriz Bras incarne la souffleuse, Cristina Vidal, mise sur scène avec le directeur du théâtre Victor Roriz. © Raynaud De Lage
Arts vivants Théâtre Publié le 11/07/2017
L’auteur portugais met sur scène la souffleuse de son théâtre national de Lisbonne, s’inspirant de sa mémoire pour interroger le théâtre lui-même. C’est « Sopro », création pour le festival d’Avignon.

Les théâtres ont souvent de bien curieuses histoires. Là où se trouve aujourd’hui le théâtre national Dona Maria II de Lisbonne, s’élevait jadis un palais qui servit de siège à l’inquisition. L’effroyable tremblement de terre de Lisbonne, qui détruisit la capitale portugaise en 1755, le laissa miraculeusement intact, service de Dieu oblige. Mais un incendie l’anéantit en 1836. Dix ans plus tard s’érigeait en lieu et place le bâtiment actuel. Celui-ci fut également ravagé par un incendie en 1964. C’est ce théâtre rénové, rouvert en 1978, que dirige depuis trois ans Tiago Rodrigues.

Incendies, ruines et restaurations. Allégorie de notre monde ? « Que se passe-t-il si ce que nous avons maintenant disparaît ? » demande l’auteur et metteur en scène de Sopro (Souffle). Si un tremblement de terre social, économique et culturel ne laisse sur place que le théâtre ?

 

« L'essence du théâtre ».Tiago Rodrigues, qui travaille avec ses acteurs en même temps qu’il écrit les textes, a trouvé en Cristina Vidal, la souffleuse, « les poumons » du théâtre « dans le sens que le souffleur exhale l’essence du théâtre ». Il prend le parti de la mettre sur scène, collant aux acteurs en leur soufflant le texte, indiquant d’un geste de la main le placement. Il prend aussi ses histoires, souvenirs, anecdotes de ce théâtre où elle travaille depuis sa réouverture, il y aura bientôt quarante ans. Sopro est cependant moins l’histoire de la souffleuse que celle d’une aptitude des humains à dramatiser leur expérience pour expliquer leur monde et leur place, lui faire face, l’imaginer. Une interrogation sur le théâtre lui-même, cette envie de toujours créer pour toujours s’émouvoir, pour toujours penser.

 

Miroir intelligent. Le directeur du théâtre national de Lisbonne reprend le procédé déjà mis en œuvre dans une pièce créée également pour le festival d’Avignon en 2015 Antoine et Cléopâtre, d’après Shakespeare. Les deux acteurs présents sur scène, Sofia Diaz et Victor Roriz disaient alors, dans une fusion amoureuse, le texte de l’autre. Ils sont à nouveau sur scène, toujours très maître de leur corps de danseurs, et poursuivent le procédé esthétique de narration de l’histoire de l’autre, lui cédant parfois la parole par un « Il dit… ». Cela se mêle bien sûr au rôle de la souffleuse interprétée par Beatriz Bras, et gagne la directrice du théâtre (Isabel Abreu) et l’acteur (Joao Pedro Vaz). La distance ainsi créée fait office de miroir dans lequel le reflet dépasse le maître, comme l’imaginaire dépasse le réel.

On imagine l’intensité contenue dans un tel travail, la sensibilité de l’évocation, l’humanité que créée, à elle seule, la présence sur scène, en personne et en personnage, de cette mémoire active du théâtre.

 

 

Sopro (Souffle), texte et mise en scène de Tiago Rodrigues. Création pour le festival d’Avignon au Cloître des Carmes le 7 juillet 2017. Jusqu’au 16 juillet. Avec Isabel Abreu, Beatriz Bras, Sofia Diaz, Victor Roriz, Joao Pedro Vaz et Cristina Vidal.

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