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Précurseur : Gaston Lagaffe a 60 ans

par Jacques Moulins
Gaston Lagaffe dans les rues de Bruxelles. © Mucchielli/Naja
Gaston Lagaffe dans les rues de Bruxelles. © Mucchielli/Naja
Livre BD Publié le 02/08/2017
Apparu pour la première fois le 28 février 1957 dans le « Journal de Spirou » Gaston Lagaffe était un personnage jusque-là impensable dans la bande dessinée. André Franquin, son auteur, qui est également celui de Spirou, a alors donné un coup de vieux à la BD moraliste de ses aînés. Un festival fête l’anniversaire à Bruxelles début septembre.  

Pour ces enfants qui avaient connu la guerre, la bande dessinée belge portait un nom : Hergé. Son personnage principal, né en 1926 dans le supplément jeunesse Le Petit Vingtième du quotidien belge Le Vingtième siècle, est à l’image de l’orientation rédactionnelle du journal, conservatrice et catholique. Les premières aventures du reporteur Tintin sont pour dénoncer le bolchévisme. Un autre reporteur devient rapidement son concurrent plus « branché » : Spirou. Le petit groom a en effet pour ami le journaliste Fantasio. Si Tintin et Spirou sont tous deux épris de justice et d’honnêteté, le premier est plus charitable que soucieux de justice sociale, le second ignore le racisme. D’autres caractéristiques vont tout de suite rendre Spirou plus contemporain : son ami le professeur Champignac est un grand humaniste, sa concurrente Sécotine est une femme séduisante et indépendante, Fantasio est un journaliste d’investigation.

Cette joyeuse bande vit ses aventures dans des albums. Mais dans l'hebdomadaire Spirou apparaît le 28 février 1957 des pas imprimés qui annoncent un héros d’un tout autre calibre. Celui-là ne sera jamais redresseur de tort et s’il défend les plus faibles, c’est par son naturel gaffeur qui le rend forcément inefficace. Gaston est employé de bureau aux éditions Dupuis, là où travaillent Spirou et Fantasio. Son embauche se réalise, il y a 60 ans, dans le numéro 990 de la revue par un dialogue surnaturel avec Spirou où tous les traits du personnage sont déjà présents. Il est dans un bureau, mais il ne sait pas pourquoi, il est embauché mais il ne sait pas à quoi, il est là parce qu’on lui a dit d’être là, et il attend.

 

Socialement amoral. C’est justement en attendant toute sa vie d’antihéros, que vont lui arriver des aventures que la BD belge avant lui n’aurait jamais osé présenter. André Franquin créé en effet un personnage sympathique mais socialement amoral. Dix ans avant les années 68, Gaston remet déjà en cause la valeur travail, chose qu’il passe sa vie d’employé à éviter, ou la soumission à la suprématie commerciale en empêchant de manière récurrente, et par ses maladresses, le fameux De Mesmaeker de signer les contrats mirobolants avec la maison Dupuis. Il ignore superbement la hiérarchie managériale, se mêle de tout sans le faire exprès car le monde de l’entreprise ne l’intéresse pas, révèle par ses bourdes l’obséquiosité des cadres envers leurs supérieurs et leur morgue envers leurs inférieurs, particulièrement Mademoiselle Jeanne, toujours bien maquillée et amoureuse de Gaston. Il porte un jean, des espadrilles trouées et un pull à col roulé aussi mou que son allure générale. Ses cheveux sont un peu longs pour l’époque. Mais surtout ses gaffes sont des révélateurs d’une société conformiste dont les membres profitent chacun à leur niveau des Trente glorieuses sans moufter. Pas étonnant que son pire ennemi soit l’agent du coin, Longtarin, qui surveille méchamment ce dangereux asocial.

Gaston peut s’arrêter en pleine rue, lever la tête pendant plusieurs minutes en entraînant autour de lui un attroupement grégaire de gens qui lèvent à leur tour la tête en se demandent ce qui se passe, et conclure qu’il doit aller chez le coiffeur parce que la mèche de cheveux devant ses yeux est top longue. Il peut aussi, sur son temps de travail et dans son bureau, vous cuisiner des plats saugrenus. Il peut encore vous entraîner à la campagne révéler des talents écolos inédits en ces temps. Peu à peu, Franquin lui constitue un monde autonome avec ses personnages, humains ou animaux, ses décors, ses objets. Car Gaston, qui ne semble pas avoir de « profil de poste », s’ennuie et invente des objets, des machines, des engins inutiles et absurdes. Et les lecteurs l’aiment. Au point de le faire rengager lorsqu’une fois, une seule malgré toutes ses « fautes professionnelles », Dupuis le licencie.

 

Joyeux anniversaire. André Franquin, qui dès 1963 a passé le relais pour Spirou, dessinera Gaston jusqu’à sa mort en 1997. Dès 1992, Dupuis n’est plus l’éditeur du Gaffeur. Franquin a signé avec une maison d’édition monégasque qui va multiplier les royalties grâce notamment à un autre personnage génial apparu dans Spirou, le Marsupilami. Le dernier album du grand dessinateur belge sera un Gaston, le numéro 15.

De nombreuses manifestations fêtent cette année ce soixantième anniversaire. Notons que le 4e festival de Bruxelles lui sera consacré du 1er au 3 septembre. Autour de 40 auteurs de BD, les participants pourront notamment entendre un concert donné à Bozar par Max Vandervorst sur l’instrument catastrophique créé par Gaston : le Gaffophone.

 

Site officiel de Gaston Lagaffe.

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