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Mot de passe oublié ?Chaque dernier week-end d’août, la Friche la Belle de mai devient l'adresse du salon international d’art contemporain Art-O-Rama. Loin des fastes coutumiers du monde de l’art, dans la simplicité laborieuse de l’ancienne cartonnerie marseillaise, les jeunes galeries et les éditeurs innovants viennent et reviennent défendre les artistes qu’ils présentent et représentent. En 2017, ils sont 26 exposants et la plupart s’accorde à dire que l’intimité de ce salon est propice à la rencontre avec le visiteur, professionnel et amateur. Les conversations se nouent devant les cimaises, dont les œuvres ne sont pas toujours faciles à pénétrer.
Les responsables de la galerie Madragoa participent pour la deuxième année à Art-O-Rama. Installée depuis à peine deux ans à Lisbonne, la jeune galerie fait découvrir le dernier travail de l’artiste équatorien Adriàn Balseca. Habitué à œuvrer dans des paysages oubliés, faisant resurgir par ses projets artistiques les traces de l’histoire de son pays, entre dictature politique et asservissement à la modernité industrielle. Cette fois, il a opéré dans l’océan Pacifique, à l’endroit même où eut lieu la première extraction pétrolière en 1911, sous la juridiction du gouvernement équatorien. L’artiste y a installé une immense sculpture flottante surmontée d’un imposant caducée, un symbole retrouvé sur les vêtements de l’armée du premier bateau à vapeur construit en Amérique du Sud. Haute de mètres, l’œuvre est repérable de loin. À la fois hommage à l’océan nourricier qui renoue avec son équilibre naturel après l’arrêt des manœuvres pétrolières en 2015, et hommage à l’exploitation industrielle d’une ressource non renouvelable qui a donné puissance et travail à un pays pendant un siècle. Symbole du composite et de l’antagonisme, la sculpture fait flotter la complexité du monde. Intitulé Mar Cerrado (mer fermée), le projet se décline à travers de magnifiques planches de dessins, d’une photo d’elle verticale à la surface de l’océan, éditée en cinq exemplaires, et d’un film vidéo où on la voit tanguer sur les flots, de nuit et de jour, de loin et de près, attirant régulièrement les barques de pêcheurs qui, désormais familiers du monument, ont pris l’habitude de s’attrouper autour de lui pour implorer une pêche fructueuse.
Non loin de là, la jeune maison d’édition parisienne We do not work alone a fait réaliser, pour sa première participation à Art-O-Rama, une scénographie qui attire tous les regards. Spécialisée dans l’édition limitée d’objets usuels, elle a demandé à Benoît Maire et Marie Corbin, membres du collectif Ker-Xavier, et à l’artiste Julien Carreyn de porter un regard sur ses éditions. La mise en scène des objets édités évoque les activités d'un groupe se livrant à un culte des objets, hommage aux avants-gardes historiques qui pratiquaient en plein air diverses activités dénudées. Le mur de photographies noir et blanc prend relief et couleurs avec le valet mural de Benoit Maire, les assiettes de Mattieu Cosset, les parapluies Karinascope de Karina Bisch, les bougeoirs Surtout de Florentine & Alexandre Lamarche-Ovize ou encore la Triplette Alchimique de Renaud Perriche.
Partitions lunaires. Dans une autre partie de la cartonnerie, se retrouvent les stands des partenaires du salon ainsi que Show-Room; qui rassemble chaque année une sélection de jeunes artistes diplômés des écoles d’art de la région PACA. Delphine Wibaux est de ceux-là. Elle présente dans son box ses Absorptions lunaires - migrations diurnes, papiers au format carré qu’elle a teintés d’extraits de racines de plantes. Le motif, issu de ses observations de l’astre, se retrouve sur chacun des carrés, déclinant une série de variations chromatiques de jeunes et bleus fanés qui suscite l’étonnement. La jeune plasticienne explique que ses expérimentations de l’utilisation de ces extraits sur le papier l’ont menée à un séchage à l’air libre. Au fur et à mesure du temps écoulé, le vert est devenu bleu. Séduite par l’effet, elle a systématisé le processus, qu’elle maîtrise autant qu’il réserve ses surprises.