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Lluis Llach chante la Catalogne indépendante

par Pierre Magnetto
"Les Yeux fardés", premier roman de Lluis Llach sort en édition de poche chez Actes sud. DR
Livre Roman Publié le 11/10/2017
Louis Llach est un chanteur réputé en Catalogne. Il est également un de ces députés catalans qui réclament la création d'une république indépendante. Les éditions Actes Sud viennent de publier la version de poche de son premier roman, "Les Yeux fardés" et la traduction de son second et dernier roman en date "Les Femmes de la Principal".

Indépendance de la Catalogne : la question est douloureuse pour un citoyen français élevé dans la culture centralisatrice et jacobine. Particulièrement à un moment de montée de nationalismes qui n’ont rien de sympathique. D’autant que, dans nos régimes démocratiques, les obstacles à l’expression des cultures régionales peuvent faire l’objet de lois et de réformes, voire de modifications constitutionnelles, sans toucher à cet accord quasi parfait que la génération précédente a pu trouver sur les frontières d’après-guerre en Europe. Le seul exemple contraire, l’éclatement de la Yougoslavie n’a rien d’aguichant. L’Union européenne, que certains penseurs et mouvements politiques ont pu concevoir comme une fédération de régions, se garde bien de promouvoir les séparatismes par crainte d’une part de déplaire aux Etats-membres et, d’autre part, de plonger une Europe fragile dans une grande incertitude politique.

Les réticences à l’indépendance ne manquent pas : région riche qui ne veut pas être solidaire des pauvres, repli sur soi avec la mise en cause du tourisme, danger d’oppression culturelle des minorités avec la répression de la langue castillane, marche à l’envers de l’histoire dans un monde de plus en plus universel. Les arguments en sa faveur également, notamment l’institution d’une république dans une monarchie imposée par les partisans de l’ex-dictateur.

 

Le passé toujours présent. Cet argument est loin d’être négligeable dans un pays qui n’a pas fait toute la lumière sur son passé. Le chanteur Lluis Llach,aujourd’hui âgé de 69 ans en est un symbôle. En 1968, il est déjà connu de tous les Catalans pour sa chanson L’Estaca, chant de liberté face à la dictature, qui devient l’hymne des militants catalans. Trois ans plus tard, il s’exile en France, dont il parle la langue, et fait sa première scène d’importance à l’Olympia en 1973. Il retourne cependant de temps en temps dans son pays, et c’est au cours d’un de ces voyages, en 1975, qu’il fera vibrer le splendide Palau de la Musica, édifié par Lluis Domenech i Montaner, maître de Gaudi, sur la Layetana, grande artère de Barcelone. Cela lui vaut d’être définitivement interdit en Espagne. Son retour, après la mort de Franco, est l’occasion d’un immense concert au Camp Nou, stade du mythique club de foot catalan el Barça, où 100 000 personnes viennent l’acclamer. C’est dire que Lluis Llach, tout humble qu’il soit, est une sorte de monument culturel en Catalogne. Pianiste de talent, il continuera de composer des chansons et des musiques de film jusqu’en 2007 où il met fin à sa carrière.

 

Romancier et militant politique. Il ne va pas pour autant interrompre toutes ses activités. Militant politique depuis son adolescence, il montera encore sur scène pour défendre ses idées. Et surtout la cause de l’indépendance catalane qui va trouver un relai politique puissant, en 2011, dans la plateforme regroupant des partis de droite comme de gauche, Catalunya Si. Un Si qui prend dès ces années-là une popularité et une espérance politique jamais connues auparavant. L’option politique est clairement posée et elle l’emporte aux élections au Parlement de 2015 où Lluis Llach dirige la liste de sa ville natale Gérone pour le parti de gauche Esquerra Republicana de Catalunya (ERC). Un parti créé en 1931 dont les dirigeants ont déjà proclamé la République catalane dès sa naissance, puis en 1934 lorsqu’ils prennent la direction de la toute nouvelle Generalitat. Son président, Lluis Companys, sera arrêté par les nazis sur la demande de Franco et fusillé à la citadelle barcelonaise de Montjuich.

Elu, Lluis Llach prend l’année suivante la présidence de la Commission d’étude du processus constituant du parlement.

Parallèlement, mais sur la même ligne que ses chansons et son engagement politique, il entame une carrière de romancier avec la publication en 2012 de son premier livre Memoria d’uns ulls pintats (traduit en 2015 par Serge Mestre aux éditions Actes Sud sous le titre Les Yeux fardés). Le livre, qui raconte l’histoire de deux filles et deux garçons dès années 20 au franquisme, emporte un beau succès des deux côtés des Pyrénées, si bien que Actes sud vient de le publier dans Babel, sa collection de poche. En même temps, son second roman sort aux mêmes éditions. Les Femmes de la Principal est également empli de ce militantisme humaniste et catalan que le chanteur défend aujourd’hui avec fougue dans les rues de Barcelone.

 

Les Yeux fardés de Lluis Llach aux éditions Actes sud, collection Babel, 2017.

Les Femmes de la Principal de Lluis Llach aux éditions Actes sud, 2017.

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