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Bibliothèques publiques : des « lieux du vivre » à ouvrir largement

par Julie Matas
Un rapport d'Eric Orsenna et Noël Corbin après leur Tour de France des lieux publics de lecture. DR
Un rapport d'Eric Orsenna et Noël Corbin après leur Tour de France des lieux publics de lecture. DR
Livre Publié le 21/02/2018
L’académicien Eric Orsenna et Noël Corbin, inspecteur général des affaires culturelles ont remis les conclusions de leur « voyage au pays des bibliothèques ». Avec la conviction qu’il faut ouvrir bien plus largement ces lieux dont, loin de l’image poussiéreuse, ils décrivent l’extraordinaire vivacité.

 

Rédiger un rapport sur la lecture pour un écrivain n’est pas habituel. Pas de place pour la création, l’imagination se concentre sur des propositions de politique publique. Prix Goncourt, l’écrivain Eric Orsenna a accepté la mission du ministère de la Culture à titre bénévole. Et a conçu un « voyage au pays des bibliothèques » pour la mener à bien en compagnie de Noël Corbin, inspecteur général des affaires culturelles. Après ce tour de France de trois mois, de septembre à décembre 2017, dédié à la connaissance concrète des divers lieux de la lecture publique du pays l’académicien et son compère des IG ont rendu leur rapport dont l’objet est « d’élargir encore la fréquentation du premier réseau culturel français ». Fort de cette certitude que « la lecture est la condition de l’accès à toutes les connaissances, la condition de l’accès à une pleine humanité » l’ex-plume de François Mitterrand a pris son rôle « d’ambassadeur de la lecture » au sérieux.

 

Des « lieux du vivre ». Première constatation à l’heure du numérique, si les bibliothèques « sont des lieux du livre », elles sont aussi aujourd’hui « des lieux du vivre ». L’expression « rat de bibliothèque » qui conférait à son détenteur l’aspect poussiéreux, vouté et au teint blanc de celui qui ne connaît ni la lumière du jour, ni l’effort physique, ne peut plus s’appliquer aux personnes, très souvent jeunes, qui fréquentent aujourd’hui ces lieux. Non seulement l’offre inclut souvent le numérique, mais les salles sont également gagnées par le collaboratif autour de discussions et d’échanges sur les thèmes lus. Les lieux de lecture participent de ce fait à la réduction « des fractures de notre société ». La dernière étude en date (juin 2017) sur les publics et les usages des bibliothèques municipales confirme ce nouveau rôle : « autrefois axé sur l’emprunt et le livre, il s’est fortement diversifié, en lien avec la richesse des services proposés par les bibliothécaires, sur place, en ligne ou hors-les-murs. Lieu de travail et de formation, d’échanges et de rencontres, de détente et de loisirs, la bibliothèque publique s’adresse à tous et conserve une bonne image et une forte légitimité auprès de ses publics comme des non usagers. »

 

Elargir les heures d’ouverture. Conclusion : il faut ouvrir plus largement ces magnifiques espaces d’échanges et de rencontres que sont les lieux de lecture pour aider leur transformation en « maison de service public culturel ». Cela commence par la gestion des heures d’ouverture.

La France ouvre en effet paradoxalement ces institutions publiques culturelles que sont les bibliothèques aux heures où les gens sont au travail et les ferme en soirée. Une comparaison avec les autres pays européens est redoutable, même pour Paris qui dispose pourtant de moyens que lui envie les autres communes. La capitale n’est capable de n’offrir qu’une moyenne de 38 heures d’ouverture par semaine dans ses bibliothèques municipales contre 98 pour Copenhague, 84 pour Amsterdam ou 78 pour Londres. La Bibliothèque du Centre Pompidou relève un peu la moyenne avec une proposition de 60 heures par semaine.

Mais Paris dispose d’une situation bien différente des quelques 16 500 lieux de lecture du pays, dont seulement 130 sont ouverts le dimanche. Leur attractivité ne fait aucun doute. Si l’on en croit l’étude déjà citée, 40% des Français âgés de plus de quinze ans les ont fréquentées en 2016, soit 5% de plus que dix ans auparavant.

Etendre les horaires d’ouverture en soirée et le week-end afin de « lutter contre la ségrégation culturelle » est une proposition des rapporteurs qui chiffre la nécessité à une amplitude de 45 heures pour les communes de plus de 20 000 habitants et 50 heures pour celles de plus de 100 000 habitants qui devraient en outre ouvrir au moins un de leurs lieux de lecture le dimanche.

 

Multiplier les échanges. Cette ouverture du dimanche est également une nécessité pour les bibliothèques universitaires sous tutelle de l’Etat, qui devra également mettre la main à la poche pour aider les collectivités. Huit millions d’euros ont été prévus à cet effet dans le budget 2018 sous l’impulsion de Françoise Nyssen. La ministre de la Culture approuve ce rapport en se prononçant concrètement pour que ces lieux servent également à l’aide aux migrants dans leur apprentissage du français (une bibliothèque au moins par département), à la lutte contre l’exclusion numérique et à l’insertion professionnelle (avec des permanences de Pôle emploi comme c’est le cas à Brest), à la sensibilisation aux fake news (trois bibliothèques au moins par département). En général, à la multiplication des échanges culturels comme l’atelier cuisine de la médiathèque de la Seyne-sur-mer, ou les concerts, expositions, jeux collectifs que les deux rapporteurs ont découverts au cours de leur Tour de France. Avec l’idée que « chaque rencontre en permet une autre ». Et bien entendu en multipliant les actions avec les établissements scolaires pour l’aide à la lecture. C’est bien par là que tout commence.

 

Voyage au pays des bibliothèques. Lire aujourd’hui, lire demain. Rapport d’Eric Orsenna et Noël Corbin, publié le 20 février 2018.

 

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