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Mot de passe oublié ?La photographe Bettina Rheims s'exprime depuis quatre décennies en accompagnant les femmes, celles qui combattent (les Femen, les transsexuel(le)s des "Gender studies"), celles qui inspirent (Charlotte Rampling, Monica Bellucci et de nombreuses autres actrices et mannequins), celles qui souffrent (les détenues). Quand le musée du Quai Branly l'a invitée à occuper l’atelier Martine Aublet, elle a voulu s’accompagner du regard de Philippe Dagen. L'historien de l'art a beaucoup écrit sur les collections et sur les expositions du musée national et, ensemble, ils ont déjà conçu plusieurs expositions. Tous deux ont dû sélectionner photographies et chef-d’œuvre d’Afrique pour donner un sens à cette invitation, et concevoir un rapport entre un travail contemporain et celui d’autres sociétés, d'Afrique et d'Océanie. « J’ai eu le sentiment qu’on me proposait un bateau, explique Bettina Rheims, et qu’il fallait que j’y embarque des personnages ».
Des polaroids oubliés. La photographe s’exprime en grands formats, ce que n’autorisent pas les petites dimensions de l’espace Martine Aublet. En recherchant parmi les centaines de boites noires qui composent quarante ans d’archives, la photographe a retrouvé des centaines de polaroids oubliés, préludes à sa série Héroïnes réalisée en 2008 avec des femmes célèbres, actrices, mannequins, danseuses. Cette série lui avait été inspirée lors d’une visite de l’exposition Mélancolie, organisée au Grand Palais, qui s’achevait par une phrase écrite sur un mur : « La mélancolie est une femme assise sur un rocher, seule et qui regarde au loin ». Avec cette phrase dans la tête, elle avait demandé à sa scénographe de lui confectionner dans son studio un rocher pour décor et avait convié l’une après l’autre ses héroïnes. « Ce sont des femmes que je considérais, des femmes importantes, belles, fortes. Comédiennes, chanteuses, des femmes croisées au cinéma ou dans la vie ». Pour elles, Bettina Rheims avait alors travaillé pour la première, et seule fois, avec une grande chambre photographique. Les polaroids présentés au Quai Branly sont en quelque sorte des études, qui n'étaient pas destinées à être montrées, études préalables aux grands tirages qui eux ont fait l’objet d’expositions.
« Il n’y a que des femmes. Tant pis ! ». Quelques dizaines de ces polaroids ont donc été sélectionnés avec Philippe Dagen pour être mis en regard de masques et sculptures de la collection, représentations exclusivement féminines. « Sur le bateau que j’ai embarqué, il n’y a que des femmes. Tant pis ! » s’exclame la photographe. Avec l’idée d’associer un travail photographique contemporain avec des œuvres d’un art, que l’historien de l'art ne qualifie pas de premier et encore moins de primitif. Le conservateur du musée a proposé une présélection d’objets des collections. « Celles que nous avons choisies se sont imposées comme des évidences. Le choix a été très rapide ». L’objectif, poursuit Philippe Dagen, a été de « mettre ces œuvres en confrontation, de créer des rapports visuels ou symboliques entre ces œuvres d’origines différentes ». Outre les polaroids, trois grands formats sont disposés aux deux extrémités du lieu. L’un, à la fin du parcours, représente une jeune fille allongée au visage marqué par l’expression du désir. Deux autres encadrent l’entrée de l’espace : « ce sont ses dernières séries, Femen et Gender stories, dit Philippe Dagen, une manière de rappeler que ce travail de Bettina Rheims est toujours en cours ».
Bettina Rheims "Vous êtes finies, douces figures" exposition du 20 mars au 3 juin 2018 Atelier Martine Aublet - Musée du quai Branly