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« Territoire(s) de la danse » , dix années de partage

par Véronique Giraud
Arts vivants Danse Publié le 20/03/2018
Ce samedi 24 mars, "Territoire(s) de la danse" invite 25 compagnies à fêter ses dix ans sur les communes de Tremblay, Sevran et Villepinte. Dix années à aller chercher sur le terrain, avec la complicité des artistes, des publics éloignés de l’art contemporain.

Produire des créations contemporaines pour tous les publics, c’est le credo du plus grand nombre de festivals et de scènes nationales à travers le pays. Mais ce credo reste souvent au stade de rêve lorsque tombent les chiffres et les analyses socio-professionnelles des fréquentations. C’est qu’il ne suffit pas de se décréter populaire pour l’être. Tout autant que le créateur, le diffuseur a un rôle à jouer. C’est certes un défi, mais lorsqu’elle a concouru à la direction du théâtre Louis Aragon de Tremblay-en-France, Emmanuelle Jouan a été catégorique « C’est possible ! ». C’était il y a dix ans.

À 25 km de Paris, la ville a un atout pour ce faire : sa scène conventionnée d’intérêt national, dont la mission est justement de soutenir la création artistique et la participation à la vie culturelle. Dédiée à l’accompagnement des compagnies de danse, elle est conventionnée avec la Ville, la métropole, le département de Seine-Saint-Denis, la Région et l’État à travers la DRAC. Convaincre tout ce beau monde a sans doute été facilité par le trouble qui régnait alors dans les esprits, après les émeutes des quartiers qui avaient frappé l’automne 2005.

 

« Le public commençait à vieillir ». Un grand nombre d’acteurs sociaux, culturels et politiques ne pouvaient plus nier le fossé creusé entre le pouvoir public et la population, entre la culture proposée et le public de ces territoires urbains et ruraux. « Il y a dix ans, les politiques n’étaient pas conscients de la déconnexion qui s’était instaurée avec le public. Nous, nous savions qu’il manquait du monde dans les salles de spectacle, que le public commençait à vieillir, et que certains ne venaient pas » explique Emmanuelle Jouan qui n’avait pas l’intention de présenter un projet brillant ou flatteur pour les élus territoriaux. A la fois portée par l’étincelle qu’elle avait ressenti quand on lui fit découvrir les performances de Maguy Marin ou autres Preljocaj, et guidée par son expérience qui lui fait percevoir la désaffection du public populaire lorsqu’il s’agit d’art d’aujuord’hui, elle propose de travailler sur ces deux axes. Pour elle, ça passe par le travail de longue haleine, et les rencontres hors spectacles avec les artistes et le public sont indispensables. "Territoire(s) de la danse" va permettre d’étendre l’action au public des communes de Sevran et Villepinte. Et de cibler concrètement des populations à associer.

 

« Nous sommes des professionnels du lien ». Soutenue par les politiques, Emmanuelle Jouan, avec à ses côtés Nathalie Yokel et Laurent Carpentier, met à jour sa connaissance du territoire et de sa population et sait que, pour mener à bien le projet, il faut du temps, beaucoup de temps. Du temps pour connaître, du temps pour accorder sa confiance, du temps pour accepter l’autre. À contre-courant des temps qui courent, qui courent toujours plus vite. « Il y a dix ans, on nous demandait d’inventer de nouveaux modèles, il n’était question que de ça. » Elle, pense plutôt à un contact de terrain avec le public. Dès lors, les dix-sept salariés du théâtre vont sans cesse à la rencontre des différents publics, personnels hospitaliers, pénitentiaires, accompagnants scolaires, acteurs associatifs, policiers municipaux, et bien sûr les jeunes. « Nous sommes des professionnels du lien. Sur la base de la confiance et de la relation ». Tout au long de ces dix années, beaucoup de temps a été passé à l’extérieur pour nouer et renouer le lien. Pour Emmanuelle, il s’agit d’abord de rencontrer, d’écouter, afin de comprendre ce qu’attendent ceux qui ne viennent pas. « Il faut y aller, être humble, faire. Tout est possible », martèlent ensemble Dominique et Nathalie.

 

Accompagner les artistes. Chaque année, trois compagnies sont accueillies en résidence chorégraphique. Mais Territoire(s) de la Danse veut prolonger ce travail de résidence, persuadée que la qualité des artistes est une condition pour fidéliser le public. Les artistes avec lesquels on travaille savent qu’ils seront bien accompagnés. Certains, comme Amala Dianor, se sont construits ici. Dommage que ce passage fondateur à Tremblay, Sevran, Villepinte, soit peu mentionné dès lors que l’artiste parvient à la notoriété. D’autant que l’équipe n’a pas ménagé ses efforts. D’abord en faisant du théâtre Louis Aragon, le coproducteur des spectacles, qui dès lors peuvent plus facilement intéresser d’autres scènes. Ensuite en leur offrant une diffusion européenne grâce à La belle scène saint-denis, un espace commun au festival Off d’Avignon, premier lieu en Europe pour les spectateurs, mais aussi pour les responsables des lieux d’arts vivant qui viennent y repérer les spectacles qui feront leur programmation.

Les chorégraphes programmés depuis dix ans proposent de grandes diversités esthétiques. Ils viennent de France mais aussi du Brésil, d’Afrique du Sud, du Japon. « Ces compagnies apportent de l’ailleurs et un certain regard sur le monde. Elles ont en commun la générosité, le désir de partager avec les autres ». Toutes ces expériences sensibles, dans des territoires sensibles, vont nourrir la journée anniversaire du samedi 24 mars.

 

Le 24 mars 2018, C’est possible! 10 ans de Territoire(s) de la Danse. Accès : 24 boulevard de l’Hôtel-de-Ville, 93290 Tremblay-en-France. Plus d’informations : cestpossible-tla-tremblay
25 compagnies en action sur le territoire : compagnie CFB 451 / Christian et François Ben Aïm - compagnie Hors Série / Hamid Ben Mahi - compagnie Kubilai Khan Investigations / Frank Micheletti - collectif sud-africain Via Katlehong - compagnie Beau Geste / Dominique Boivin - compagnie PM / Philippe Ménard - compagnie burkinabé salia nï seydou / Salia Sanou et Seydou Boro - compagnie Herman Diephuis - compagnie brésilienne Membros / Paulo Azevedo et Tais Vieira - Ensemble l’Abrupt / Alban Richard - compagnie Traces / Raphaëlle Delaunay - compagnie Chatha / Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou - Nathalie Béasse - compagnie S20 / Hiroaki Umeda - Ambra Senatore - compagnie Mawguerite /Bernardo Montet - compagnie par Terre / Anne Nguyen - Amala Dianor - Michèle Noiret - association bi-p / Mickaël Phelippeau - compagnie Furinkaï / Satchie Noro - cie BurnOut / Jann Gallois - compagnie Lamento / Sylvère Lamotte - compagnie Hek-ma / Mithkal Alzghair - compagnie Kilaï / Sandrine Lescourant.

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