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« Bagdad mon amour », le cri du cœur des artistes contemporains

par Véronique Giraud
Ali Assaf, Cloth Windows : For my mother, 1993 ©GIraud/NAJA
Ali Assaf, Cloth Windows : For my mother, 1993 ©GIraud/NAJA
Julien Audeaert ( né en 1977), Sandbagwal 2011. Avec cette œuvre, l'artiste reconstitue un fragment de la porte d'Ishtar, l'une des entrées de Babylone (édifice construite en -580 avant J-C). ©Giraud/NAJA
Julien Audeaert ( né en 1977), Sandbagwal 2011. Avec cette œuvre, l'artiste reconstitue un fragment de la porte d'Ishtar, l'une des entrées de Babylone (édifice construite en -580 avant J-C). ©Giraud/NAJA
Ala Younis (née en 1974), Plan for Greater Baghdad 2015. Ensemble composé de la maquette d'un gymnase construit par Le Corbusier à Bagdad et de photomontages numériques qui racontent une histoire autour du destin de cet étrange bâtiment. ©Giraud/NAJA
Ala Younis (née en 1974), Plan for Greater Baghdad 2015. Ensemble composé de la maquette d'un gymnase construit par Le Corbusier à Bagdad et de photomontages numériques qui racontent une histoire autour du destin de cet étrange bâtiment. ©Giraud/NAJA
Walid Siti (né en 1954), série de dessins composée d'
Walid Siti (né en 1954), série de dessins composée d'"architectures à arpenter", retraçant la période d'exil à Londres de l'artiste depuis 1990. ©Giraud/NAJA
(Au premier plan) Michael Rakowitz, The invisible ennemi should not exist. Cette sculpture, qui faisait partie des collections du musée de Bagdad, a été reconstituée en papier mâché par l'artiste. ©Giraud/NAJA
(Au premier plan) Michael Rakowitz, The invisible ennemi should not exist. Cette sculpture, qui faisait partie des collections du musée de Bagdad, a été reconstituée en papier mâché par l'artiste. ©Giraud/NAJA
Himat (né en 1960), Letters to Ishtar 2000-2010. L'artiste a demandé à sept poètes d'écrire une lettre à la déesse babylonienne de l'amour et de la guerre. Les poèmes, qui reflètent l'exil d'Himat en France, sont présentés en une cinquantaine de livres au format leporello. ©Giraud/NAJA
Himat (né en 1960), Letters to Ishtar 2000-2010. L'artiste a demandé à sept poètes d'écrire une lettre à la déesse babylonienne de l'amour et de la guerre. Les poèmes, qui reflètent l'exil d'Himat en France, sont présentés en une cinquantaine de livres au format leporello. ©Giraud/NAJA
L'une des affiches reproduites pour l'exposition Bagdad mon amour. ©Giraud/NAJA
L'une des affiches reproduites pour l'exposition Bagdad mon amour. ©Giraud/NAJA
Arts visuels Arts plastiques Publié le 03/04/2018
" Bagdad mon amour est une exposition manifeste, un cri du cœur pour Bagdad de la part de tous ces artistes qui l’incarnent », c'est avec ces mots que l’historien de l’art Morad Montazami définit l'exposition qui occupe les deux bâtiments de l'Institut des cultures d'Islam jusqu'au 29 juillet 2018.

L’artiste puise, consciemment et inconsciemment, dans la mémoire de sa culture. Une mémoire en partie volée aux artistes irakiens. Les conséquences des tragédies contemporaines, guerre Iran-Irak, guerres du Golfe, pillages et saccages de l’EI, sont difficiles à estimer. Dans ce qui s’appelle aujourd’hui l’Irak, Sumériens, Babyloniens, Assyriens ont construit les trésors des civilisations de la Mésopotamie. Si les regards du monde s'y sont posés avec admiration, comment ne pas comprendre la souffrance d’artistes en exil qui ont vu les gestes de leurs prédécesseurs anéantis ? Le besoin de faire resurgir, de réparer, est l’objet même de l’exposition Bagdad mon amour, qui occupe actuellement le centre des cultures d’islam.

 

Bagdad mon amour. Ce pourrait être le titre d’un film. C’est celui d’un recueil du poète et dramaturge irakien Salah al Hamdani, qui fera d'ailleurs une lecture de ses textes le 16 juin. C’est aussi celui que l’historien de l’art Morad Montazami a choisi pour intituler l’exposition dont il est le commissaire. Répondant à l’invitation de l’Institut des Cultures d’Islam qui voulait célébrer l’art d’aujourd’hui en Irak, Morad Montazami a réuni plusieurs artistes contemporains dont la création s’inspire de ce pays, natifs ou non, derrière le nom de Bagdad. « Il me semblait que depuis la deuxième guerre du Golfe et l’invasion américaine de l’Irak en 2003 les institutions françaises ne s’étaient pas assez positionnées en soutien à l’art irakien, la diaspora irakienne de Londres est par exemple davantage mise en avant que celle de Paris. Il y avait une urgence après les pillages des sites archéologiques et du musée national des antiquités, systématiquement démantelés, pillés, détruits ». Quinze ans se sont écoulés depuis 2003. « Pour traiter de ces sujets avec la distance nécessaire nous sommes à la fois à contre temps et dans l’air du temps, puisque malheureusement ces démantèlements culturels continuent comme par exemple à Mossoul », poursuit l’historien.

 

La réinvention d'un patrimoine. Réparties entre deux bâtiments, les œuvres sélectionnées sous-tendent une forte dimension historique. La plupart des travaux réveillent les images fantomatiques d’un patrimoine connu du monde entier, encensant ses richesses tout en dénonçant la cruauté de sa brutale disparition. Ainsi quand Mikael Rakowitz ressuscite les reproductions en les reproduisant en papier mâché, il fait resurgir la main de celui qui les a pillées ou détruites. Quand Julien Audebert se saisit du Panneau du lion passant, qui à l’origine composait la porte d’Ishtar, il le reconstitue en accumulant des sacs de sable militaire. Quand Ali Assaf installe des étendards colorés sur lesquels est brodée la main de Fatma, c’est pour explorer l’imaginaire du deuil et les rituels de la lamentation dans la tradition musulmane.

Devant les œuvres, les symboles, les affiches, les architectures, les paysages urbains, reviennent en filigrane les terribles images des conflits, du pillage d’un patrimoine qui avait résisté aux assauts du temps, d’œuvres d’art uniques qui réservaient encore leur mystère et irradiaient bien au-delà du Proche-Orient. Mais avec Bagdad mon amour, il est avant tout question de partage, de modernité, de vitalité d’artistes contemporains qui gardent en eux l’amour de ce pays et œuvrent chacun à leur manière à préserver la mémoire d’une histoire qui les a nourris. « L’exposition est placée sous le signe de la réinvention du patrimoine, partant de l’idée que sur les ruines du musée et de vestiges démantelés, nous ne sommes pas condamnés à la nostalgie, ni au romantisme, ni au deuil. Nous pouvons nous réapproprier cet héritage de manière vivante et collective."

 

Exposition Bagdad mon amour, du 29 mars au 29 juillet 2018 à l'Institut des Cultures d'Islam 75018 Paris. L'institut est réparti en deux bâtiments : 56 rue Stephenson et 19 rue Léon. Entrée gratuite.

 

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