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« Kings », sur fond d’émeutes à Los Angeles

par Jacques Moulins
"Kings", le second métrage de Deniz Gamze Ergüven. DR
Cinéma Film Publié le 11/04/2018
Après "Mustang", le second long métrage de Deniz Gamze Ergüven prend pour cadre les émeutes de Los Angeles après l’acquittement des policiers qui avaient passé à tabac Rodney King. "Kings" filme à grande vitesse une mère courage, ses enfants adoptés et son voisin blanc.

Avec ses quatre Césars et une sélection aux Oscars, Mustang le film de Deniz Gamze Ergüven a été une consécration dans la carrière débutante de la réalisatrice. Consécration à double titre parce qu’enfin, le pays où elle a grandi et où elle vit lui a accordé la nationalité française, refusée deux fois auparavant. Si les salles d’Europe et des États-Unis ont fait un accueil triomphal à Mustang, la réception a été plus mitigée en Turquie où, par-delà la qualité esthétique et la sensibilité émergentes de l’œuvre, les critiques se sont portées sur le décalage entre la vision d’une native vivant à l’étranger et les problématiques soulevées dans le pays lui-même. Kings posera peut-être le même problème aux habitants des cités de Los Angeles. C’est en effet dans le cadre des émeutes qui ont soulevé la ville en 1992 que se situe le deuxième long métrage de Deniz Gamze Ergüven.

La réalisatrice n’avait alors que 13 ans. Ce n’est que lors de ses études à la Fémis, en 2005, que le sujet commence à la titiller. Débutent alors les voyages vers Los Angeles, l’enquête de terrain à South Central, le quartier des émeutes, nécessaire recueil de témoignages pour un film qui ne verra le jour que des années plus tard. Et le recueil également des nombreuses images documentaires sur le passage à tabac de Rodney King par quatre policiers blancs, filmé par un voisin, qui aboutira à leur acquittement et à des émeutes faisant plus de cinquante victimes. Auparavant une commerçante avait échappé à la prison après le meurtre d’une adolescente qu’elle soupçonnait, à tort, de lui avoir volé un litre de jus d’orange. Scène par laquelle commence le film.

Deniz Gamze Ergüven, qui a obtenu une licence d’histoire afro-américaine à Paris avant de poursuivre ce même sujet à l’université de Johannesburg, ne ménagera pas ses efforts pour pénétrer dans les différents milieux, des gangs aux policiers en passant bien sûr par la population, pour venir à bout d’un scénario qu’elle a elle-même écrit. Là encore, elle devra se heurter à la résistance des « locaux », ceux qui la voient comme une étrangère n’ayant pas à parler d’eux. Mais elle s’obstine, convainc l’actrice Halle Berry et l’acteur Daniel Craig grâce aux succès de Mustang. Et tente l’impossible : les émeutes en toile de fond, l’histoire d’une femme qui accueille seule des enfants de l’assistance publique et son voisin, écrivain un peu renfrogné, le « seul blanc du quartier ».

Cette distance, volontaire, involontaire, entre le fond historique et le premier plan scénographié, permet de regarder de loin des événements tous proches pour les personnages principaux. Les plans qui se succèdent à une vitesse folle évitent également aux spectateurs de prendre un parti impossible et l’attirent plus vers l’abrupt quotidien, un ado interpellé, des enfants qui pleurent, un vol à l’étalage, que sur le fond. Il est vrai qu’à force de voir des films comme des témoignages d’événements vécus, on cherche l’analyse, on oublie l’émotion.

 

Kings, film de Deniz Gamze Ergüven. États-Unis. Avec Halle Berry, Daniel Craig, Lamar Johnson, Rachel Hilson. Sortie le 11 avril 2018.

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