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« Leto » : un rock movie rythmé par la soif de liberté

par Stoyana Gougovska
Sur les marches du Palais de Cannes, l'équipe de son film Leto et les organisateurs du festival marquent leur soutien à Kirill Serebrennokov, maintenu en résidence. DR
Sur les marches du Palais de Cannes, l'équipe de son film Leto et les organisateurs du festival marquent leur soutien à Kirill Serebrennokov, maintenu en résidence. DR
Cinéma Film Publié le 26/05/2018
Lors de la première mondiale au festival de Cannes de son dernier long-métrage, le russe Kirill Serebrennikov, assigné à résidence depuis août 2017, n’a pas pu assister au succès de son film, nommé dans six catégories. À la fois bouillonnant et émouvant, avec une esthétique noir et blanc maîtrisée, Leto retrace le destin mouvementé de deux musiciens protagonistes de la naissance du rock à l’ère Brejnev.

L’auteur du Disciple (2016) s’est inspiré cette fois de la musique, celle de la naissance du rock à l’époque du communisme à travers le destin de ses créateurs. Leto (L'été) est construit autour de l’histoire vraie du talentueux poète et chanteur soviétique d'origine coréenne Viktor Tsoi (Teo Yoo) et de son œuvre. Né en 1962, l'artiste est tragiquement décédé dans un accident de la route en 1990. L'autre protagoniste du film est le chanteur rock Mikhail Naumenko (Roman Bilyk). Né en 1955, il a perdu la vie suite à un AVC, un an seulement après Tsoi. Le scénario du film s’appuie en grande partie sur les témoignages de Natalia Naumenko, l'épouse de Mikhail (personnage central dans Leto incarné par Irina Starshenbaum). Elle a confié aux deux chef scénaristes Mihail Idov et Lily Idova des détails intrigants sur la vie intime des deux musiciens, ainsi que sur leur lutte pour la création à Leningrad de l’unique Club Rock de l'époque.

 

La fin imminente d’une époque. Brillamment filmé par le célèbre caméraman Vladislav Opelianc, le film illustre la soif de liberté et l’inspiration qui envahissent inévitablement les âmes de la jeunesse des années précédant la perestroïka. Malgré une vision stricte du « rôle principal du Parti dans l’art » à l’époque de Brejnev, plus personne n'est capable d'arrêter les formations de groupes cultes, tels que Zoopark et Kino, qui imitent la musique de « l’ouest pourri ». Ces jeunes musiciens et poètes se sont vraiment inspiré du style new wave, sans que cela rendre leurs chansons secondaires. Authentiques et talentueux, ils deviennent vite des idoles, que les anciens ne comprennent pas et que les jeunes adorent.

 

Parler du totalitarisme avec fraîcheur et ironie intelligente. La force du film tient dans sa façon de revenir avec beaucoup de fraîcheur et une ironie intelligente sur le climat très rude de ce temps totalitaire. Très délicat également le traitement des relations ambiguës entre Mihail Naumov, sa femme Natalia et le plus jeune Viktor Tsoi. Grâce à ce triangle amoureux, grâce aussi à l'ajout de clips musicaux filmés en noir et blanc avec un modernisme affirmé, Leto prend les allures d'un opéra rock. Un "rock movie" où le souvenir du bon vieux temps ne pèse pas, mais a l’énergie émouvante d'une jeunesse qui a soif de liberté.

Au Festival de Cannes, on a sans surprise beaucoup parlé du refus des autorités russes d’interrompre l’arrestation à domicile de Serebrennikov. Celle-ci, d’après le tribunal, se prolongera au moins jusqu’à la mi-juin 2018. À Cannes, le nom de Vladimir Poutine a été évoqué à de nombreuses reprises par les organisateurs du festival et par l’équipe du film qui était présente, manifestant leur solidarité absolue et irrévocable avec le réalisateur russe.

 

Leto (2018) : réalisé par Kirill Serebrennikov, avec Teo Yoo, Irina Starshenbaum, Roman Bilyk. Six nominations au 71ème Festival de Cannes. Prix du Jury du festival. En salle le 5 décembre 2018.

 

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