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La Batsheva, folle rencontre avec Marlene Monteiro Freitas

par Véronique Giraud
"Canine Jaunâtre 3", pièce de Marlene Monteiro Freitas pour la Batsheva Dance Company. DR
Arts vivants Danse Publié le 30/06/2018
Quand on va voir une pièce de Marlene Monteiro Freitas, le mieux est de ne s'attendre à rien. Avec "Canine Jaunâtre 3", la Capverdienne a fait souffler un vent de folie sur la scène de Montpellier Danse. Cette fois, c'est parmi les danseurs de la Batsheva Dance Company qu'elle a fait entrer le chaos de la vie.

Il est des rencontres artistiques qui vont de soi, d'autres qui ne peuvent que produire la surprise. Celle qui a eu lieu à Montpellier Danse entre quatorze danseurs de la Batsheva Dance Company et Marlene Monteiro Freitas fut explosive. L'univers esthétique de la danseuse capverdienne bouleverse les codes attendus de la danse contemporaine, celui de la compagnie israélienne fondée par Merce Cunningham se base sur la transmission d'un répertoire. Pourtant, après avoir vu sa pièce D’ivoire et de chair à Jérusalem en 2016, Ohad Naharin n'a pas hésité à proposer à Marlene Monteiro Freitas de créer avec la compagnie qu'il dirige. L'intention était sans aucun doute de créer un salutaire choc des cultures.

C'est que Marlène Monteiro Freitas rend visible le chaos du monde. Là où le corps du danseur contemporain est lisse, elle plie le sien et ceux de ses interprètes aux saccades les plus étranges. Au fil de cette nouvelle création, au titre énigmatique de Canine Jaunâtre 3, l’impression habituelle produite par la Batsheva s’estompe. Reste, à de rares moments, la virtuosité exceptionnelle des danseurs. Mais c'est une virtuosité d'un tout autre registre qui domine, elle se traduit en grimaces, éructations, crachats, borborygmes, mouvements de pieds rapides et répétitifs, jeux de coudes, chants. Trois par trois, les jeunes interprètes, portant le même dossard numéros trois, se suivent en cadence, chacun se singularisant par des tics gesticulatoires. Sur leurs chausses blanches, ils accomplissent les pas reconnaissables de la Capverdienne. Leurs mains couvertes de gants violets sont autant de taches de couleur qui font vibrer une scène conforme en tous points à une salle de gymnase, jusqu'aux écrans digitaux indiquant le score des deux équipes adversaires et le temps, jusqu'aux sifflets dont est équipé chaque danseur. Le chaos se manifeste aussi par les décalages : celui de danseurs virtuoses évoluant dans un décor où on attend la performance sportive, celui d'une compagnie habituée à jouer les ensembles alors qu'ici chacun se singularise par une performance et laisse percevoir un trait génial de sa personnalité. Tout cela a été rendu possible avec l'intranquille Freitas. C'est pour elle une première de chorégraphier une autre compagnie que la sienne et, si la difficulté de réunir deux esthétiques aussi distantes, est perceptible, le résultat que donne à voir Canine jaunâtre 3 est merveilleusement chaotique et  joyeux.

 

Canine Jaunâtre 3, Batsheva Dance Company. Chorégraphie : Marlene Monteiro Freitas. Les 28, 29 et 30 juin 2018 à 22h au Théâtre de l'Agora, dans le cadre du festival Montpellier Danse.

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