espace abonné Mot de passe oublié ?

Vous n'avez pas de compte ? Enregistrez-vous

Mot de passe oublié ?
ACCUEIL > Portrait > Jean-François Sivadier fait son théâtre « À l’italienne »

Jean-François Sivadier fait son théâtre « À l’italienne »

par Véronique Giraud
Jean-François Sivadier. ©Rivaux/NAJA
Jean-François Sivadier. ©Rivaux/NAJA
Arts vivants Théâtre Publié le 29/06/2018
"Italienne scène et orchestre" est une création jubilatoire de Jean-François Sivadier. On peut le voir aussi comme le portrait d'un comédien et metteur en scène passionné par l'idée de transmettre et de partager avec le public le bonheur de jouer.

Jean-François Sivadier n’est pas du genre à mettre ses idées dans la rue, il préfère les jouer ou les mettre en scène. Quand, en 1996, on lui propose d’écrire et de monter une petite forme destinée à ne pas être jouée sur la scène d'un théâtre, c’est Italienne avec orchestre qu'il écrit. Dans cette pièce, il interroge avec humour et générosité l’art de jouer. Non pas l’art de jouer au théâtre, mais l’art de jouer à l’opéra. Non pas seulement jouer un rôle mais le jouer avec le public, ce dernier devenant à son insu partenaire des comédiens. Et ça a marché. Le spectacle devait être joué quatre fois lors de sa création au Cargo de Grenoble, il l’a été 140 fois.

Il y eut ensuite l’envie de reprendre la pièce, et de lui ajouter une deuxième partie. La scène est alors venue s'ajouter à l’orchestre pour un spectacle intitulé Italienne scène et orchestre, où le jeu évolue du fond du plateau à la fosse d’orchestre.

Tous les publics ayant assisté/joué à Italienne scène et orchestre en ressortent épuisés d’avoir ri et surtout étonnés d’avoir ressenti au fond d’eux des émotions très fortes. Comme celle de se retrouver assis au fond du plateau avec pour horizon les places d’orchestre et balcons d’un opéra, puis de prendre place au pupitre d’un musicien dans la fosse d’orchestre avec Jean-François Sivadier. Le propos est avant tout de renverser les rôles habituels de la représentation par une proposition venue tout droit de l’enfance : on dirait que tu serais un choriste et moi je serais le metteur en scène, on dirait que tu serais un musicien et moi je serais le chef d’orchestre, ou le metteur en scène. La proposition surprend d’emblée le public, qui peut se sentir dérangé ou bien amusé. Mais quel que soit son état d’esprit, chaque spectateur est pris au jeu. Il en résulte un immense cadeau. D’abord un nouveau point de vue : celui d’être interpellé par des comédiens, de vivre une heure sur une scène, une autre heure dans la fosse d’orchestre. Ensuite parce que ce qui est dit dans la bouche des comédiens est pertinent, parfois exagéré mais toujours pertinent. Le spectateur n’est pas instrumentalisé, on lui offre au contraire le privilège d’entrer dans le couloir de la création en train de se faire. Comme l’exprime Sivadier : « La représentation au théâtre ou au cinéma du travail de création (que ce soit les artisans du Songe d’une nuit d’été, Karajan et Picasso filmés par Clouzot ou les leçons de Jouvet au Conservatoire) est toujours l’occasion de mettre en lumière la naissance de la pensée poétique, de l’acte poétique, et les efforts désespérés de l’artiste pour mettre en forme l’informel et mettre des mots sur l’innommable. » Sivadier a osé le tenter au théâtre et ça réussit à tous les coups. Et depuis plus de vingt ans.

Avec le tempo d’une improvisation permanente, le souffle de vie plane parmi les comédiens, plus vrais que nature. Il ne s’agit pourtant en rien d’une pièce naturaliste. Le théâtre se mêle au jeu du ténor et de la soprano, la diva fait son spectacle, tout ce que Sivadier tente à l’opéra est ici. Comme la profession de foi d’un comédien/metteur en scène amoureux de l’opéra et ses solistes, chanteurs, musiciens et chef d’orchestre. Dans l'univers de la musique, où l'on travaille isolément, Sivadier  bouleverse les conventions en amenant ces artistes à former un groupe de travail et de désir, à l’image d'une troupe de théâtre. L'écriture de Italienne scène et orchestre projette une grande part de son processus de metteur en scène. Et d’auteur, comme en témoigne le texte réactualisé qui vient de paraître aux Solitaires intempestifs.

Partager sur
à lire aussi

JEAN-FRANÇOIS SIVADIER ÉCLATE DE RIRES "SCÈNE ET ORCHESTRE"
Fermer