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Roland Auzet : « Être tout cela m’a ouvert beaucoup de portes »

par Véronique Giraud
Roland Auzet.© NANDIT DESAI
Roland Auzet.© NANDIT DESAI
Musique contemporaine Publié le 30/06/2018
Pour Roland Auzet, tout a commencé avec la musique. Compositeur et percussionniste virtuose, il a très vite associé son talent à la création théâtrale, avec le désir d'en renouveler l'écriture et de  l'ouvrir à d'autres champs esthétiques. Sa démarche est mieux comprise ailleurs qu'en France, il le regrette pour les jeunes générations.

« Ma curiosité au monde s’est éveillée par la musique. Dans cette trajectoire, j’ai eu la chance de rencontrer des gens inouïs, des gens qui m’ont permis d’être libre », explique le compositeur et instrumentiste Roland Auzet. De Xenakis à Jean-Louis Hourdin, de Ligeti à Berio et Pierre Boulez, et bien d’autres. Des acteurs aussi, Pascal Grégory, Anne Alvaro, Jean-Quentin Chatelain, André Wilms. Tout particulièrement Iannis Xenakis : « Il a ouvert en moi quelque chose qui me permet aujourd’hui de penser librement artistiquement ».
Excellent élève de conservatoire, Roland Auzet a vu sa virtuosité de percussionniste récompensée par les plus grands prix d'interprétation au niveau national et international. Puis sa curiosité pour la musique l'a conduit à suivre un cursus de composition à l’IRCAM. « Je me suis donc affranchi de ces choses indispensables pour mettre debout un homme dans sa relation à fabriquer. Je m’en suis affranchi pour imaginer des angles, des points de vue différents. C’est nécessaire si on ne veut pas refaire tout le temps les mêmes choses, la vie est trop courte ». Changer les choses, renouveler la création musicale comme l'écriture contemporaine, au théâtre et à l'opéra, guide depuis ses initiatives. En témoigne son travail spectaculaire sur La voix humaine de Jean Cocteau avec Irène Jacob. Ou encore ses deux opéras. L’un a été conçu comme un prélude contemporain à l'opéra Barbe Bleue de Bartok, avec l’orchestre de l’Opéra de Limoges, sur un texte d’Oxmo Puccini. L’autre, Steve Five, est une collaboration avec Fabrice Melquiot sur la figure de Steve Jobs, il a été créé avec l’orchestre de l’Opéra de Lyon en 2014. Au delà, il y a ses ouvrages de plateau sans texte. Deux hommes jonglaient dans leur tête, monté avec l'artiste jongleur Jérôme Thomas, a tourné pendant dix ans.

Ces créations, bien qu'éloignées les unes des autres, ont en leur centre un rapport très fort au sonore et au musical. Si c'est heureux pour le public et le théâtre musical, c'est plus problématique pour le Ministère de la culture pour qui Roland Auzet est… musicien. Il a pourtant dirigé le théâtre de La Renaissance à Lyon pendant trois ans. Quand il a choisi de quitter la scène conventionnée, il s'est posé la question de la possibilité de conduire un centre dramatique ou un opéra. Ces deux univers du théâtre s'avérèrent inaccessibles. "Je me suis rendu compte à quel point on est mis dans des cases : soit compositeur, soit metteur en scène, soit performeur. Être tout cela m’a ouvert beaucoup de portes. J’étais pourtant prêt à m’engager dans une maison d’opéra ou d’un centre dramatique". Aujourd’hui c’est trop tard, Roland Auzet s'est engagé sur d’autres axes à l’étranger, États-Unis, Taïwan, Chine, Canada…

Sa vie est ailleurs. "J’ai des projets à Pékin, Shanghai, Hangzu. Je vais monter à Taipei la version en chinois de Dans la solitude des champs de coton de Koltès, je vais aussi participer à une activité pédagogique à Shanghai". Au Canada, il collabore avec le théâtre Prospero de Montréal où il monte en septembre Écoutez nos défaites, adaptation du dernier roman de Laurent Gaudé. Dans ce même théâtre, il s'apprête à co-diriger le festival Territoires de paroles. "On y travaille sur des rapports de lecture entre des textes nouveaux et des gens qui s’en emparent pendant une semaine. Ni lecture, ni mise en scène, c’est un format court de réflexion sur le texte qui peut être mis en relation avec le plateau, la musique, etc."

Si Roland Auzet a un regret, c'est pour les très jeunes musiciens. Déplorant que dans le champ institutionnel français, où le théâtre a plus de quarante centres dramatiques nationaux, et où les chorégraphes ont aussi leurs centres nationaux, les compositeurs n’aient pas de maisons. "La danse et le théâtre sont contemporains, mais la musique c’est la musique classique, très peu les créateurs contemporains. Il n’y a pas de lieu pour travailler. La philharmonie c’est génial mais on ne fait pas un projet national avec un lieu. Dans les maisons d’opéra, il y a très peu de créations. On y invite des metteurs en scène de renom pour revisiter les œuvres mais pas les compositeurs contemporains. Stéphane Lissner a créé à l’Opéra national de Paris une académie pour les jeunes, ils font tous du tai chi, de l’escrime, de la marionnette, du violon, de l’équitation, il n’y a pas un compositeur. Un partenariat avec le CNSM à Paris aurait pu permettre d’inviter des compositeurs, ce n’était pas indigne. Il y a actuellement six centres de création musicale, il représentent une subvention de deux millions d’euros. La puissance publique donne cent millions d’euros à l’Opéra national de Paris, qui fait une création musicale tous les ans ou tous les deux ans, alors que sur le fronton de l’Opéra Garnier il est écrit Académie de musique." Il encourage les jeunes générations à se battre, persuadé que "la vie gagnera".

En sortant doublement diplômé du conservatoire, il aurait pu choisir d'enseigner tout de suite. Il a préféré attendre,"Je n’avais pas envie de répéter ce qu’on m’avait appris. J’avais l’idée d’enseigner plus tard. Mais j’ai cinquante-trois ans, et je ne peux plus enseigner en France. Du coup j’enseigne au Canada et en Chine. J’accompagne des jeunes compositeurs, des jeunes instrumentistes, ou des jeunes metteurs en scène qui en sont à la fabrique de leur premier projet. J’aime beaucoup ça parce que ce n’est pas être dans celui qui sait mais dans celui qui a vu. J’ai le sentiment, comme le dit une fameuse phrase, d’allumer la lumière mais de ne pas entrer dans la pièce avec la personne que j’accompagne."

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