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Avignon : Avec « Mama » Ahmed El Attar poursuit son analyse de la société égyptienne

par Jacques Moulins
"Mama" d'Ahmed El Attar, au Festival d Avignon. © Raynaud de Lage
Arts vivants Théâtre Publié le 18/07/2018
Il avait séduit avec "The Last Supper", pièce qui en 2015 montrait la passivité et la complicité de la bourgeoisie égyptienne face à la révolution. "Mama", créée ce 18 juillet au festival d'Avignon par Ahmed El Attar, déplace la caméra à l'intérieur de la maison familiale.

Ahmed El Attar est indépendant. C’est un choix, et sans doute une nécessité. Car le metteur en scène égyptien parcourt inlassablement les structures sociales de son pays pour les mettre à nue, le plus souvent humoristiquement, sans s’embarrasser de concession non seulement vis-à-vis d’un pouvoir ultra-autoritaire, mais également à l’encontre de la société égyptienne. Depuis longtemps, Ahmed El Attar est invité sur les scènes du monde entier. Il a séduit les spectateurs d’Avignon en 2015 avec The Last Supper, une pièce qui montrait la passivité de la bourgeoisie égyptienne face à la révolution et à ses suites.

C’est à nouveau cette bourgeoisie qui est l’objet de sa création Mama au festival d’Avignon. Mais vue cette fois sous l’angle familial. L’intimité de la famille cadrée dans le salon où circulent le couple fondateur, les deux générations suivantes. Sont alors analysés les rapports de pouvoir entre les membres. Particulièrement entre les femmes, puisque cette pièce, en quelque sorte troisième volet d'une trilogie sur la famille égyptienne commencée avec En attendant mon oncle d'Amérique, est centrée sur le rapport de force entre la mère, la tante, la belle-fille et la petite fille. On y voit sans surprise, le grand-père tout puissant régler les problèmes avec l’aide de ses relations haut placées envers lesquelles il est obséquieux à souhait, la grand-mère faiseuse de petits machos, rôle que reprend sans scrupule la belle-fille assoiffée de sa position sociale bienséante, les servantes soumises et crédules face au séducteur, la petite fille, seule rebelle mais sans perspective. « Le cercle vicieux de l'oppression féminine se dessine ainsi , explique Ahmeh El Attar, la femme est contrainte par son père, puis son frère, ensuite par son mari, et si elle donne naissance à un garçon, son instinct vindicatif  sera d'élever son fils pour préserver son futur à elle, en le contrôlant entièrement et paradoxalement en lui donnant tout le pouvoir ».

Tout cela dans la plus grande hypocrisie, puisque les problèmes ne sont jamais nommés, les solutions biaisées pour ne pas compromettre la réputation. Les conversations sont banales, le shopping, les programmes de télévision, les voisins, mais c'est dans cette banalité que se construisent les rapports de force d'une société féminine confinée au salon. Ahmed El Attar veut ainsi montrer la crise de la société arabe contemporaine, dont l'une des raisons est pour lui « la façon dont le père est regardé comme Dieu le Père dans la famille, sans que cette position soit jamais remise en question par quiconque ». C’est sur cette culture clanique que repose l’ensemble du système politique et social. « La famille sera toujours la base des sociétés » écrivait Balzac. Mais quand ses rouages coincent, elle en est  aussi le problème.

 

Mama, écrit et mis en scène par Ahmed El Attar. Festival d’Avignon, Gymnase du lycée Aubanel. Du 18 au 23 juillet 2018. Avec Menha El Batrawy, Boutros Boutros-Ghali, Nanda Mohammad, Mona Soliman, Hadeer Moustafa, Ramsi Lehner.

Repris à l’automne 2018 à Choisy-le-Roi, Bobigny, Bourges, Marseille, Rennes et en 2019 à Brest et Toulon.

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