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Avignon : « Arctique », un thriller politique glaçant

par Véronique Giraud
Entre théâtre et cinéma, dans un décor gigantesque et des coulisses sans fond, Anne-Cécile Vandalem nous embarque avec
Entre théâtre et cinéma, dans un décor gigantesque et des coulisses sans fond, Anne-Cécile Vandalem nous embarque avec "Arctique" dans une expédition glaçante où le réchauffement climatique et la vengeance mènent l'intrigue. © Raynaud de Lage / Festival d'Avignon
Arts vivants Théâtre Publié le 20/07/2018
Composé comme un thriller théâtral et cinématographique, "Arctique" dessine la vengeance de la nature sur un monde aveugle et corrompu. Anne-Cécile Vandalem embarque le public dans une traversée à la fois drôle et terrifiante.

La fonte des glaces menace un territoire aux confins de l’Atlantique Nord et de l’océan Arctique. Alors qu’un Iceberg de plus de 100 mètres de haut vient de s’échouer à quelques mètres des côtes d’un village du Groenland, le spectacle d’Anne-Cécile Vandalem qui se joue au Festival d’Avignon résonne de cette nouvelle conséquence dramatique du réchauffement climatique. La découverte de son potentiel de ressources minières de métaux rares et pétrolières (ses eaux côtières recèleraient des réserves de pétrole équivalentes à la moitié de celles de la mer du Nord), dont le réchauffement climatique facilite l'accès en est une autre. L'exploitation des richesses de son sous-sol offre la perspective d’une course folle : s'affranchir de la tutelle danoise en menaçant l'environnement et les traditions de l'île. Tous ces enjeux sont au cœur de cette création.

La dramaturge belge, qui a longuement enquêté sur cette partie du monde en travaillant sur Tristesses, sa précédente pièce, projette dans le Grand Nord à la fois sa profonde attirance pour le Groenland qui l'a tant fait rêver enfant et une représentation théâtrale des enjeux politiques et humains du réchauffement climatique. Loin de privilégier la forme documentaire, elle lui préfère la distance qu’offrent la fiction et, pour Arctique, l’anticipation,  le burlesque et le thriller. Anne-Cécile Vandalem transporte le public en 2025 sur un luxueux paquebot conçu pour les traversées entre Danemark et Groenland. Mais ce qui suit n’évoque en rien les plaisirs d’une croisière. Le salon cossu se peuple peu à peu de personnages clandestins qui déclarent avoir reçu une lettre les invitant à monter à bord de l’embarcation. Celle-ci, ayant fait naufrage le jour de son inauguration dix ans auparavant, s’apprête à être remorquée jusqu’au Groenland. Menacés par une arme, un homme et trois femmes sont poussés dans le salon, sans chauffage ni lumière, devenu lieu d’enfermement. Les uns se présentent, d’autres refusent de dire leur identité, la tension puis l’effroi s’invitent au fil des jours et des nuits. Peu à peu les masques tombent pour que se profile la macabre réalité.

 

"Vengeance de la nature". L’inhumanité des passagers est atténuée par le burlesque des dialogues et des situations. Pour préserver son intérêt, chaque personnage joue avec la vérité, n’offrant qu’un reflet frelaté de sa présence. Poussés par le besoin de savoir ce qui s’est vraiment passé il y a dix ans sur le paquebot lors de son naufrage, tous mènent l’enquête, chacun à sa manière. La dynamique du groupe ne prend pas, ou seulement face à la peur, mais l’individualité prime, grossièrement, accélérant sa perte. "Arctique est l'histoire d'une vengeance. Celle de la nature sur un monde dérivant et sur la corruption profonde des êtres humains qui, aveuglés par leurs passions, perdent la conscience de leur place dans l'univers", avance l'auteure d'Arctique.

Comme pour Tristesses, le spectacle se double d’un traitement cinématographique. Le large plateau se lie à l’écran qui le surplombe, le texte partage la scène avec l’image en gros plan, les yeux vont et viennent. L’intrigue se joue à la fois dans la pénombre du luxueux salon du paquebot et sur le pont où les comédiens sont filmés dans le froid glacial, ou encore dans les couloirs et les cabines. Comme un balancier, le caractère psychologique de chaque personnage se construit dans le salon, la remontée dans le passé se fait elle dans le champ de la caméra. Au-delà du salon, derrière la transparence pailletée d’un rideau rouge, trois musiciens jouent et chantent, amenant avec eux une présence mystérieuse…

 

Arctique. Texte et mise en scene Anne Cecile Vandalem, dramaturgie Nils Haarmann, Sarah Seignobosc, musique Pierre Kissling, son Antoine Bourgain, scénographie Ruimtevaarders, lumière Enrico Bagnoli, vidéo Federico D'Ambrosio, costumes Laurence Hermant, maquillage, coiffures Sophie Carlier, accessoires Fabienne Muller. Avec Frederic Dailly, Guy Dermul, Eric Drabs, Veronique Dumont, Philippe Grand Henry, Epona Guillaume, Zoe Kovacs, Gianni Manente, Jean Benoit Ugeux, Melanie Zucconi. Les 18, 19, 20, 22, 23, 24 juillet à 18h. La FabricA, 72e Festival d'Avignon.

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